Question de Mme DUMAS Catherine (Paris - Les Républicains) publiée le 09/03/2023

Mme Catherine Dumas interroge Mme la Première ministre sur le durcissement de la législation actuelle pour améliorer la lutte contre la consommation de stupéfiants en France et à Paris.

Elle souligne que la consommation de stupéfiants en France et à Paris a augmenté de manière très significative ces dernières années, notamment chez les jeunes.

Suite à une affaire récente très médiatisée, elle note que le ministre de l'intérieur et des outre-mer a déclaré vouloir prendre des « mesures fortes », notamment en proposant de retirer automatiquement les 12 points du permis de conduire d'un individu conduisant sous l'influence de stupéfiants ou d'alcool.

De plus, elle prend acte de la proposition du garde des sceaux de dresser une liste de substances qui ne font pas encore objet d'une sanction pénale en cas de consommation avant de prendre le volant, comme le protoxyde d'azote (« gaz hilarant »).

Elle rappelle qu'une proposition de loi (n°25 2022-2023) visant à lutter contre la consommation de protoxyde d'azote à des fins psychoactives, qu'elle a co-signée, prévoit de durcir la législation, notamment en ajoutant une peine de 6 mois de prison pour les consommateurs de cette substance.

Elle souhaiterait lui demander si le Gouvernement compte présenter au Parlement un projet de loi permettant de lutter contre la consommation de drogues et, dans l'affirmative, de lui préciser le calendrier.

- page 1656


Réponse du Première ministre publiée le 30/03/2023

Les résultats de l'enquête ESCPAD, menée au printemps 2022 auprès de 23 000 filles et garçons de 17 ans, que l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a publiés le 9 mars 2023, confirment que les jeunes se détournent des substances psychoactives. En 2022, les fumeurs quotidiens ne sont plus que 15,6%, contre 25,1% en 2017 ; l'usage de la cigarette électronique augmente toutefois fortement. L'usage régulier d'alcool est en baisse et près de 20% des jeunes n'ont pas expérimenté l'alcool à 17 ans. L'usage régulier de cannabis a été quasiment divisé par deux, passant de 7,2 à 3,8% entre 2017 et 2022. L'usage des produits illicites autres que le cannabis diminue également. Même si cette enquête intervient après deux années marquées par la crise sanitaire liée au Covid-19, ces tendances s'inscrivent dans la continuité et confirment le recul de la diffusion dans la population adolescente du tabac, de l'alcool et du cannabis observé depuis une dizaine d'années. La baisse de l'usage de cannabis chez les jeunes générations est corroborée par le Baromètre santé 2021 selon lequel les niveaux d'usage régulier de cannabis des 18-24 ans passent de 8,4 % à 6,3 % entre 2017 et 2021. En revanche, dans l'attente de nouvelles données de prévalence attendues fin 2023, les pouvoirs publics relèvent des signaux indiquant une diffusion de l'usage de cocaïne dans la société, au-delà des milieux festifs et professionnels traditionnellement concernés. En dépit de ces évolutions favorables chez les adolescents, les consommations de substances psychoactives restent à un niveau élevé et constituent une forte préoccupation des pouvoirs publics, compte tenu de l'importance de leurs conséquences négatives sur les individus et la société. En effet, la maturation cérébrale se prolonge jusqu'à 25 ans. Il est établi que la consommation de substances psychoactives à ces périodes a des effets neurotoxiques et donc des répercussions directes sur le développement du cerveau. Dans ces circonstances, le Gouvernement a adopté le 9 mars 2023 la Stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023-2027 qui donne le cadre stratégique de l'action des années à venir, détaillé sous forme d'orientations partagées, pour assurer la cohérence et donc l'efficacité de l'action publique globale. La stratégie interministérielle sera complétée de plans et programmes opérationnels, nationaux et locaux, établis en concertation avec les professionnels, les élus et partenaires locaux. Pour atteindre les objectifs en matière de lutte contre les drogues, de nombreux leviers de l'action publique sont mobilisés, afin d'agir autant et dans le même temps sur l'offre et la demande, que ce soit au niveau local, national ou international. Des dispositions législatives sont parfois nécessaires mais c'est souvent au plus près des citoyens, sous l'impulsion des représentants de l'Etat et des élus locaux, que des projets globaux et ambitieux peuvent être menés pour changer la donne en matière de conduites addictives à l'échelle du territoire. Les préfectures de région ont élaboré des feuilles de route, en coordination avec les partenaires locaux dès 2018 : elles seront renouvelées en 2023. L'usage détourné du protoxyde d'azote est un phénomène identifié depuis plusieurs décennies notamment dans le milieu festif. Mais la recrudescence de cet usage, chez des collégiens, lycéens et étudiants avec des consommations répétées, voire quotidiennes, au long cours et en grandes quantités, contribue à expliquer la gravité des dommages signalés plus récemment. En 2021, l'enquête EnCLASS (enquête nationale en collège et en lycée chez les adolescents sur la santé et les substances - OFDT) montre que l'usage à l'adolescence ne semble pas marginal dans la mesure où 5,5% des élèves de 3e disent en avoir déjà consommé. Devant l'augmentation de la consommation et des signalements relatifs à des complications, la MILDECA et les autorités de santé ont publié des communiqués afin d'alerter et de sensibiliser les professionnels et le grand public. Des campagnes de sensibilisation et de prévention ont été réalisées, visant à informer les jeunes, les parents, les professionnels et les élus sur ce phénomène. De nombreux élus locaux ont pris des arrêtés interdisant la détention et la consommation de protoxyde d'azote, ainsi que sa vente aux mineurs. La loi du 1er juin 2021 « tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote » interdit la vente aux mineurs et prévoit de punir de 15 000€ d'amende « le fait de provoquer un mineur à faire usage détourné d'un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs. ». La vente aux majeurs est également interdite dans les bars, discothèques, débits de boisson temporaires (foires, fêtes publiques, etc.) et dans les bureaux de tabac. Dans son cadre protecteur, la loi prévoit également la possibilité de limiter la quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers et interdit la vente et la distribution d'accessoires facilitant la consommation comme les crackers ou les ballons dédiés à cet usage. La lutte contre le trafic s'intensifie également avec des saisies de plusieurs tonnes réalisées ces derniers mois ; des poursuites sont engagées par les procureurs.

- page 2148

Page mise à jour le