Question de M. PACCAUD Olivier (Oise - Les Républicains-R) publiée le 16/03/2023
M. Olivier Paccaud appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la faible répression des auteurs de délits routiers aggravés par la consommation d'alcool ou de stupéfiants. D'après la sécurité routière chaque année environ 1 700 décès survenant dans des accidents mortels de la circulation sont imputables à une consommation excessive d'alcool ou de stupéfiants, soit plus de la moitié des près de 3 000 décès enregistrés annuellement. Ce sont autant de vies perdues, de destins brisés et de familles endeuillées à cause de l'irresponsabilité de quelques chauffards que notre système judiciaire appréhende pourtant avec une surprenante mansuétude.
Les statistiques à cet égard sont édifiantes : dans 70 % des condamnations pour blessures involontaires en lien avec la consommation d'alcool ou de stupéfiants, les auteurs ne se voient infliger qu'une peine d'emprisonnement avec sursis. Quant aux peines de prison fermes elles ne concernent que 10 % des chauffards ayant blessé autrui au volant de leur véhicule mais leur quantum inclut une part de sursis. Pis encore ! En 2019, dernière année de référence fiable, seules 6 % des condamnations pour blessures involontaires par conducteur sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants avaient donné lieu à une peine de prison ferme. Concernant les auteurs d'homicide involontaires dans ces mêmes circonstances aggravantes, on ne pourra que déplorer l'incomplétude des chiffres et regretter que 41 % des condamnés n'avaient écopé que d'une peine de prison avec sursis !
Les peines d'emprisonnement ferme sont donc rarissimes et le plus souvent aménagées en des peines plus légères, pour ne pas dire indolores.
Ce laxisme judiciaire prend pourtant place dans un contexte où les comportements dangereux au volant ont connu une envolée vertigineuse : sur la période 2016-2019, qui correspond aux dernières données mises à disposition par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la conduite sous stupéfiants avait progressé de 85 %, celle sous l'emprise conjuguée de stupéfiants et d'alcool de 46 % !
Une réponse pénale aussi fébrile ne permet ni de punir les auteurs, ni de réparer le trouble que leur comportement a causé à la société, aux victimes et à leurs familles.
C'est pourquoi, tout en restant attentif au durcissement de la législation envisagé par le ministre de l'Intérieur, il lui demande de considérer l'opportunité de publier une circulaire ministérielle relative au traitement judiciaire des infractions routières commises sous l'emprise de l'alcool ou de produits stupéfiants. Une telle circulaire pourrait prescrire des orientations de politique pénale invitant notamment les parquets à requérir le plus souvent possible, entre autres mesures, des peines d'emprisonnement avec mandat de dépôt, des placements en détention provisoire, etc., ceci afin de rendre immédiatement effective une réponse pénale à la hauteur de la gravité de ces infractions dramatiques.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 14/09/2023
Le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre la délinquance routière. Cette mobilisation est d'autant plus forte lorsque ces infractions sont liées à une consommation d'alcool ou de produits stupéfiants, laquelle met gravement en danger nos concitoyens lorsqu'elle occasionne des accidents dont les conséquences peuvent s'avérer dramatiques. Selon le bilan définitif de l'observatoire national interministériel de la sécurité routière publié le 31 mai 2023, 3 550 personnes sont décédées en 2022 sur les routes de France métropolitaine ou d'outre-mer, contre 3 219 personnes en 2021. Selon ce même bilan, l'alcool et les stupéfiants figurent, aux côtés de la vitesse, parmi les trois principaux facteurs comportementaux enregistrés par les forces de sécurité intérieure s'agissant des personnes présumées responsables d'un accident mortel. Les drames subis sur nos routes, renforcés par de tels comportements, imposent une mobilisation de chaque instant et des réponses pénales fermes et dissuasives. Les peines aujourd'hui encourues par un conducteur de véhicule terrestre à moteur tiennent d'ores et déjà compte de la dangerosité induite par une consommation d'alcool ou de stupéfiants en cas d'accident. Ces dernières vont jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour des blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 3 mois commises par un conducteur se trouvant sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants (article 222-19-1 du code pénal), et jusqu'à dix ans d'emprisonnement (peine maximale pour une infraction de nature délictuelle) et 150 000 euros d'amende s'agissant d'un homicide involontaire commis par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur en présence d'au moins deux circonstances aggravantes (article 221-6-1 du code pénal). Dix peines complémentaires sont également prévues par les dispositions de l'article 221-8 du code pénal, la peine complémentaire d'annulation du permis de conduire étant obligatoire dès la présence d'une seule circonstance aggravante. Les juridictions disposent ainsi d'un arsenal législatif renforcé pour sanctionner les auteurs de ces infractions. Dans les limites fixées par la loi, les juridictions déterminent alors la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur, et de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 du code pénal (article 132-1 alinéa 3 du code pénal). Le prononcé d'une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut intervenir « qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate » (article 132-19 alinéa 2 du code pénal). Au regard de la particulière gravité des infractions commises par conducteurs de véhicule terrestre à moteur, plus de huit personnes sur 10 étaient malgré tout condamnées en 2021 à une peine principale d'emprisonnement en répression de blessures involontaires par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants. Le taux de poursuite des délits simples et aggravés d'homicide involontaire par conducteur s'élevait quant à lui à 92,5 %. En cas de condamnation, le taux de peine d'emprisonnement prononcé était de 97 % pour un quantum moyen d'emprisonnement ferme de 22 mois. En cas d'homicide involontaire par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants, l'intégralité des personnes reconnues coupables de ces faits était condamnée à une peine d'emprisonnement en 2021. Au cours de l'année 2022, 64 % des peines prononcées à l'encontre de ces auteurs étaient en outre des peines d'emprisonnement ferme, contre 53 % en 2015. Le nombre de peines de substitution prononcées, telles qu'énumérées aux articles 131-5 et suivants du code pénal, en tant que peine principale était quasi-nul (1 par année). Les juridictions judiciaires, dans les décisions ainsi rendues au cours des années passées, démontrent une conscience réelle de la gravité des drames subis sur les routes. En outre, depuis la loi dite « Perben 2 » du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui a notamment inscrit comme principe directeur de la politique pénale en matière d'exécution des peines, à l'article 707 du code de procédure pénale, la nécessité d'assurer la mise à exécution des peines de manière effective et dans les meilleurs délais, plusieurs réformes ont modifié le droit des peines et les procédures d'exécution pour répondre à cet objectif. Ainsi, la loi n° 2019-2022 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 assure l'effectivité des peines d'emprisonnement ferme lorsqu'elles sont prononcées, en prévoyant que toutes les peines d'emprisonnement de plus d'un an sont systématiquement exécutées en détention. Par ailleurs, les peines d'emprisonnement comprises entre 6 mois et 1 an ne sont pas automatiquement examinées par le juge de l'application des peines, dans la mesure où elles peuvent faire l'objet d'un mandat de dépôt immédiat ou différé. Enfin, il y a lieu de rappeler que les aménagements de peine, lorsqu'ils sont prononcés, tels que la détention à domicile sous surveillance électronique, sont des modalités d'exécution des peines d'emprisonnement qui tendent à la réinsertion des personnes condamnées et à la prévention de la récidive, conformément aux principes généraux posés par l'article 707 du code de procédure pénale. Ces aménagements de peines garantissent également la protection des droits de la victime et de la partie civile : l'inexécution des obligations et interdictions auxquelles la personne condamnée est soumise durant le temps de l'aménagement de sa peine peut être sanctionnée par l'incarcération de l'intéressé (articles 707, 712-16-1 et D.49-64 du CPP). En 2022, 192 auteurs condamnés à une peine d'emprisonnement aménageable pour une infraction principale d'homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants ou de blessures involontaires par conducteur de véhicule terrestre à moteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants ont vu leur peine mise à exécution. 7 d'entre eux ont été maintenus en détention ou placés en détention à l'audience (tableau ci-dessous). Au 1er janvier 2023, on comptait 100 personnes condamnées et détenues pour une infraction d'homicide involontaire ou de blessures involontaires commis par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants. On en dénombrait 115 au 1er janvier 2022 et 101 au 1er janvier 2021 (source : infocentre pénitentiaire). Mode de mise à exécution des peines aménageables pour les blessures et homicides involontaires par conducteur en état d'ivresse ou après usage de stupéfiants
2020-2022 | 2020 | 2021 | 2022 | ||
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Peines de 6 mois et moins | Peines de plus de 6 mois | ||||
Total | 309 | 225 | 150 | 192 | 192 |
Maintien en détention | 10 | 8 | 7 | 15 | 7 |
Placement en détention à l'audience | 8 | 9 | 6 | ||
Incarcération après jugement | 44 | 20 | 24 | 31 | 9 |
Aménagement ab initio | 93 | 79 | 32 | 55 | 85 |
Aménagement "723-15" | 154 | 109 | 81 | 91 | 91 |
Reliquat négatif | 0 | <5 | <5 | 0 | 0 |
Champ : France Source : Ministère de la justice/SG/SEM/SDSE, fichier statistique Cassiopée |
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