Question de Mme GARNIER Laurence (Loire-Atlantique - Les Républicains) publiée le 30/03/2023

Mme Laurence Garnier attire l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur les inquiétudes des collectivités concernant l'avenir du biogaz naturel véhicule (bioGNV).

Territoire d'énergie Loire-Atlantique, comme les autres syndicats d'énergie et de nombreuses collectivités françaises, est impliqué de longue date dans la décarbonation du transport routier. Parmi les carburants alternatifs au gazole, le bioGNV produit dans nos régions agricoles se distingue par sa maturité et sa compétitivité. La dynamique impulsée et les investissements réalisés par les collectivités ont permis l'émergence d'un véritable réseau de stations et l'accroissement du nombre de véhicules au bioGNV, notamment dans les services publics (bus, bennes à ordures, camions…).

Toutefois, des menaces pèsent aujourd'hui sur l'avenir du bioGNV : la Commission européenne a publié le 14 février 2023 son projet de règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des véhicules lourds. Le projet prévoit que les véhicules neufs mis sur le marché devront émettre 90 % de gaz à effet de serre en moins en 2040 par rapport à 2019, avec des jalons à - 45 % en 2030 et - 65 % en 2035. Pour les bus urbains, la cible est - 100 % dès 2030.
L'objectif affiché : que quasiment tous les véhicules lourds neufs vendus en 2040 soient alimentés par des batteries ou de l'hydrogène. Cet objectif n'est pas réaliste !

Le projet de règlement est basé sur une erreur de raisonnement majeure : seules les émissions au pot d'échappement sont prises en compte. Ce parti pris occulte totalement l'impact environnemental de la construction du véhicule et des batteries. Selon le projet de règlement, le gaz serait banni, qu'il soit fossile ou renouvelable. En revanche, l'électricité serait considérée comme vertueuse, qu'elle soit produite avec de l'éolien, du nucléaire, du gaz ou du charbon.

De nombreuses collectivités et acteurs de la filière ont déjà alerté les instances européennes pour faire reconnaître l'analyse de cycle de vie (ACV). Elles n'ont malheureusement pas été écoutées.

Aujourd'hui, les collectivités territoriales font raisonnablement la promotion d'un mix énergétique pour les véhicules lourds. Pour atteindre l'objectif ambitieux de sortir du gazole, toutes les énergies renouvelables, durables et propres doivent être encouragées : à la fois le bioGNV, les biocarburants avancés, les véhicules à batterie pour les courtes distances et l'hydrogène. Ce mix énergétique est d'ailleurs prévu par la directive RED II qui encadre bien la durabilité des différents carburants renouvelables et qui fixe des cibles d'augmentation de leur utilisation. Le projet de règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des poids lourds envoie donc un message contradictoire à celui de la directive RED II en ce qui concerne le bioGNV et les biocarburants de deuxième génération.

Ainsi, elle lui demande dans quelle mesure le Gouvernement entend répondre aux attentes des collectivités françaises pour obtenir que le bioGNV soit réintégré parmi les carburants d'avenir reconnus par l'Union européenne pour les véhicules routiers lourd et pour que le Gouvernement français envoie un signal fort en faveur du bioGNV pour relancer les investissements.

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Réponse du Ministère de la transition énergétique publiée le 03/08/2023

Afin d'atteindre l'objectif de neutralité climatique d'ici 2050, de réduire la dépendance énergétique de la France et d'améliorer la qualité de l'air, il est crucial de décarboner fortement et rapidement le secteur des transports, principal secteur émetteur de gaz à effet de serre en France (environ 30 % des émissions parmi lesquelles 25 % proviennent des véhicules lourds). L'Etat est résolument engagé pour accélérer et accompagner cette transformation. Pour ce faire, plusieurs leviers sont identifiés : la décarbonation de l'énergie utilisée par les véhicules, l'amélioration de l'efficacité énergétique des véhicules, le report modal, la réduction de la demande de transport et l'optimisation de l'utilisation des véhicules. Le règlement européen établissant des normes de performance en matière d'émissions de CO2 pour les véhicules utilitaires lourds neufs est un outil majeur pour renforcer les deux premiers leviers. Dans son projet de révision, la Commission européenne propose des objectifs ambitieux de réduction des émissions de CO2 à l'échappement des véhicules utilitaires lourds, en ligne avec les objectifs climatiques de l'Union européenne. Ce projet prévoit des objectifs de réduction des émissions de CO2 des véhicules lourds neufs de 15 % en 2025, 45 % en 2030, 65 % en 2035 et 90 % en 2040 (par rapport à 2019-2020). Cette proposition est actuellement en cours de discussion au sein du Conseil et du Parlement européen. Selon l'étude d'impact de la Commission européenne, que ce soit à l'échappement ou sur l'ensemble du cycle de vie, les technologies zéro émission (véhicules électriques à batterie ou à hydrogène) présentent les plus forts potentiels de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En outre, les véhicules zéro émission apportent des gains importants en matière de qualité de l'air car ils n'émettent pas de polluants atmosphériques à l'échappement, présentent une efficacité énergétique supérieure à celle des véhicules thermiques, et présentent également un avantage en terme de nuisances sonores. Le projet de texte de la Commission européenne est compatible avec les annonces des constructeurs européens qui se sont fixé des objectifs ambitieux de développement des véhicules zéro émission. Ainsi, Daimler, MAN, Scania, Volvo Trucks et Renault Trucks visent tous entre 40 % et 60 % d'immatriculations de véhicules utilitaires de poids moyen et lourd neufs zéro émission en 2030, trois d'entre eux visent un objectif de 100 % d'ici 2040 et deux constructeurs visent 90 % à 100 % de ventes de bus urbains zéro émission d'ici 2030. L'offre électrique se développe rapidement (taille des parcs en hausse de + 53 % pour les poids lourds électriques et + 14 % pour les autobus et cars électriques en 2021 par rapport à 2020), et les constructeurs prévoient de proposer des véhicules électriques sur l'ensemble des segments de marché des poids lourds d'ici 2024-2025. Toutefois, la Commission ne propose pas un objectif de réduction de 100 % des émissions de CO2 des véhicules lourds neufs à l'horizon 2040 afin de prendre en compte d'autres énergies. En outre, des dérogations à ces obligations sont prévues pour certains véhicules au regard des usages spécifiques (ex : véhicules miniers, forestiers, agricoles, de défense, de soins médiaux urgents ou de professionnels comme les camions-poubelles) et pour les constructeurs responsables d'un faible nombre d'immatriculations (inférieur à 100 par an). Compte tenu des ressources limitées en biomasse, le biogaz et les biocarburants avancés doivent être fléchés en priorité vers les secteurs pour lesquels il existe peu d'alternatives comme la chaleur haute température dans l'industrie, les engins lourds agricoles ou de chantier, ou les modes de transport maritimes et aériens. Le bioGNV et les biocarburants sont néanmoins utiles pour décarboner les transports routiers lourds dans la période de transition ainsi que pour répondre, à plus long terme, aux éventuels usages spécifiques pour lesquels le recours aux véhicules électrique ne constituerait pas une solution adaptée A ce titre, des réflexions sont en cours avec les parties prenantes afin de définir la trajectoire française de décarbonation des véhicules lourds, notamment dans le cadre des travaux de révision de la Stratégie Nationale Bas Carbone.

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