Question de Mme JACQUEMET Annick (Doubs - UC) publiée le 06/04/2023
Mme Annick Jacquemet attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur l'opportunité de développer la téléexpertise en ophtalmologie en s'appuyant sur les opticiens, notamment les opticiens de santé en mobilité.
64 % des départements de notre pays sont des déserts médicaux ophtalmologiques et le non-recours aux soins optiques concerne des millions de Français. « Bien voir » permet pourtant une meilleure autonomie, une meilleure inclusion sociale et une meilleure qualité de vie au quotidien.
Sans remettre en cause leur utilité, les solutions mises en oeuvre à ce jour ne sont pas suffisantes. D'une part, la téléconsultation en ophtalmologie n'est pas adaptée aux personnes âgées et ne répond pas aux problèmes d'accès territorial. Compte tenu de son caractère synchrone, elle ne constitue pas non plus une réponse pérenne au manque d'ophtalmologistes disponibles. D'autre part, les orthoptistes, seuls professionnels de santé habilités à pratiquer la téléexpertise avec le médecin ophtalmologiste, ne sont pas en nombre suffisant sur l'ensemble du territoire. Ces derniers exerçant principalement en cabinet, elle ajoute qu'ils ne sont pas assez mobiles pour répondre aux besoins des personnes qui ne peuvent pas se déplacer ou des personnes isolées vivant dans des déserts médicaux.
La téléexpertise par les opticiens constituerait un outil efficace pour améliorer la santé visuelle des Français, notamment sur les lieux de vie. D'abord, il s'agit uniquement d'autoriser les opticiens diplômés à pratiquer des actes et à utiliser des matériels d'exploration fonctionnelle non invasifs. Puisqu'ils réalisent déjà, en tant qu'assistant médical en cabinet, des bilans lors de la pré-consultation avec le médecin ophtalmologiste, ce dernier point ne pose pas de difficulté majeure. Ensuite, le caractère asynchrone de la consultation permet à l'ophtalmologiste de ne pas empiéter de façon significative sur son temps de travail en présentiel. Enfin, le réseau d'opticiens couvre tout l'hexagone et les opticiens de santé en mobilité peuvent intervenir auprès des publics les plus vulnérables à domicile ou en établissement d'hébergement pour personnes âgées et dépendantes (EHPAD).
Les résultats escomptés d'une telle évolution sont multiples en matière de santé publique, d'équité d'accès aux soins et d'inclusion sociale. En désengorgeant les files d'attentes des ophtalmologistes du fait de dépistages réalisés en téléexpertise, ces derniers pourraient alors se concentrer sur les patients avec une pathologie nécessitant une expertise pointue ou une chirurgie. Une telle évolution devrait également permettre d'améliorer l'acuité visuelle des 20 millions de personnes vivant dans des territoires en sous-densité ophtalmologique tout en orientant les patients prioritaires, susceptibles d'être aujourd'hui exclus du système de soins, auprès d'un médecin ophtalmologiste. La prévention des troubles visuels n'est aujourd'hui pas à la hauteur et mérite d'être renforcée.
Pour agir, le Gouvernement a la possibilité de s'appuyer sur la réglementation en vigueur. En particulier, il peut envisager d'élargir le protocole de coopération « Muraine » lancé en 2018, aux opticiens, dont les opticiens de santé en mobilité, afin de leur permettre de réaliser l'ensemble du bilan visuel à distance, puis de télétransmettre les résultats pour interprétation et diagnostic médical par un ophtalmologiste. En cas de prise en charge médicale nécessaire en présentiel, le patient, la famille, le tuteur ou, à leur demande, l'opticien, pourraient au titre de la continuité des soins coordonner en local un rendez-vous avec un médecin ophtalmologiste.
Ainsi, elle souhaite savoir dans quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de développer la téléexpertise en ophtalmologie en sollicitant les compétences des opticiens, notamment les opticiens de santé en mobilité.
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Transmise au Ministère de la santé et de la prévention
Réponse du Ministère de la santé et de la prévention publiée le 09/11/2023
La télésanté constitue une opportunité majeure pour l'organisation de notre système de santé et pour l'amélioration de l'accès aux soins, particulièrement dans les territoires à faible densité médicale. La pratique des actes médicaux de téléconsultation et de téléexpertise est désormais encadrée par un cadre légal et réglementaire, tandis que les conditions de remboursement sont fixées par voie conventionnelle entre l'Assurance maladie et les médecins libéraux depuis 2018. Depuis février 2019 et l'entrée dans le droit commun de la prise en charge par l'Assurance maladie des actes de téléconsultation et de téléexpertise (avenant n° 6 à la convention médicale), les patients peuvent bénéficier de manière étendue de ces avancées en termes d'accès aux soins. Le décret n° 2021-707 du 3 juin 2021 permet aux opticiens-lunetiers, en leur qualité d'auxiliaires médicaux, de réaliser des pratiques de télésoin et de recourir à la téléexpertise pour l'ensemble des patients. La nécessité du recours à cette pratique est laissée à leur libre appréciation. Cependant, à ce jour, en l'absence de dispositions conventionnelles, aucune prise en charge par l'assurance maladie de ces soins de télésanté n'est prévue pour les opticiens-lunetiers. La situation est différente pour les orthoptistes qui, grâce à l'avenant n° 14 à la convention nationale organisant les rapports entre les orthoptistes libéraux et l'Assurance maladie, peuvent réaliser des activités de télésoin et de téléexpertise prises en charge par l'Assurance maladie. Enfin, la loi du 19 mai 2023, portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, autorise les opticiens-lunetiers, lors de la première exécution d'une prescription, si la mise en situation d'usage n'est pas satisfaisante, de procéder à un examen de la réfraction, et adapter la réalisation de l'équipement.
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