Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 20/04/2023
Mme Nathalie Goulet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la réponse fournie à la question écrite n° 04314 publiée le 15 décembre 2022.
En effet, à la question simple « combien coutent les conventions fiscales avantageuses avec les pays du Golfe, Qatar, Arabie Saoudite, Bahreïn, Oman et Émirats Arabes Unis », il répond le 13 Avril 2023 en citant un rapport au Parlement en date de 2015 en application de l'article 104 de la loi de finances rectificative pour 2014.
Considérant que nous sommes en 2023, elle s'interroge légitimement sur la mise à jour des données mentionnées et sur les mesures envisagées pour revoir ces conventions fiscales.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 13/10/2023
Réponse apportée en séance publique le 12/10/2023
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 629, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, comme vous le savez, notre situation budgétaire est calamiteuse. Parmi les actions que je mène régulièrement dans cette maison figure la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, mais d'autres aussi, comme celle de la mesure du coût des conventions fiscales internationales avec des pays à haute capacité contributive - notamment l'Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis.
En l'espèce, c'est un peu comme dans le sketch de Coluche : plus on peut payer, moins on paye ! Vous conviendrez avec moi que cela n'est pas tout à fait normal.
J'ai posé à ce sujet plusieurs questions écrites. J'ai également interpellé le Gouvernement lors de l'examen du dernier budget. Lorsque j'ai interrogé votre ministère sur le coût exact de ces conventions, on m'a cité un rapport qui a été remis en 2015. Nous sommes aujourd'hui en 2023...
Ma question est simple, monsieur le ministre : combien nous coûtent ces conventions fiscales internationales aujourd'hui ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice, je me réjouis que nous partagions le même intérêt pour la lutte contre la fraude. Comme ministre chargé des comptes publics, c'est une de mes priorités !
La France est liée par près de 125 conventions fiscales bilatérales, disposant ainsi du réseau le plus étendu au monde avec le Royaume-Uni.
De telles conventions sont un outil essentiel. Elles permettent de prévenir les doubles impositions auxquelles seraient sinon confrontés nos entreprises et nos concitoyens, en particulier ceux qui résident à l'étranger, pour un même revenu perçu. Elles remplissent également un objectif économique important, offrant un cadre juridique sécurisé aussi bien pour ceux qui investissent en France que pour nos entreprises qui investissent hors de France. Elles sont donc un atout.
Les conventions servent aussi à mettre en oeuvre des dispositifs essentiels pour que nos administrations puissent lutter contre la fraude. Je pense en particulier aux clauses qui nous permettent d'échanger des renseignements fiscaux et, dans certains cas, d'obtenir que nos partenaires nous assistent pour le recouvrement de nos créances.
Établir les gains et les coûts budgétaires d'une convention en particulier est impossible à réaliser tant matériellement que techniquement. En outre, cela supposerait de mesurer le coût d'une absence de convention pour nos concitoyens et nos entreprises, ainsi que d'un point de vue budgétaire, si cette absence devait dissuader les investissements, donc les flux imposés.
Chaque convention contient de nombreuses clauses différentes et est le fruit d'une négociation avec un autre État, qui a lui-même des intérêts à faire valoir. Les conventions que vous mentionnez, celles qui nous lient aux États du Golfe et qui sont négociées, conclues et ratifiées par le Parlement en leur temps, n'ont pas échappé à cette règle.
Nos services s'emploient bien entendu à moderniser progressivement ce réseau conventionnel, mais c'est une entreprise longue et qui suppose la même volonté chez nos partenaires. Ils s'emploient aussi à faire avancer certains chantiers pour rendre plus robustes certaines règles de fiscalité internationale, notamment en matière de risques d'optimisation.
Ainsi, la mise en oeuvre du chantier Base Erosion and Profit Shifting (Beps) de l'OCDE contribue à apporter une réponse, au travers de la modernisation de nos conventions bilatérales par l'instrument multilatéral que nous avons ratifié en 2018. Il prévoit plusieurs clauses anti-abus, notamment pour éviter le Treaty Shopping. Cet instrument, s'il est ratifié par les deux États parties à une convention bilatérale, modifie cette dernière. C'est le cas par exemple pour l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis ou encore Oman.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, voilà encore une question sans réponse !
Je note que l'on ne peut toujours pas savoir combien ces conventions fiscales internationales nous coûtent, mais vous reconnaissez avec moi qu'il faut les réviser. Bruno Le Maire en avait parlé ; comme mon collègue Éric Bocquet, j'appelle à une « COP fiscale ». Le sujet est extrêmement important.
J'ajoute que, dans le contexte international que nous connaissons depuis le début de cette semaine, faciliter la fiscalité avec le Qatar, qui entretient le Hamas, branche armée des Frères musulmans, ne me semble pas une très bonne idée.
Il faudra revenir sur ces questions à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2024.
Je profite de mon temps de parole pour vous dire que, de la même façon, devrait être revu le contrôle du financement de certaines associations, qui font aussi de l'optimisation fiscale et pour lesquelles rien ne justifie l'existence de niches fiscales, d'autant qu'elles peuvent se retourner contre la population française, voire contre la population à l'étranger.
Monsieur le ministre, sur ces questions extrêmement importantes, je vous remercie de votre non-réponse.
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