Question de M. LONGEOT Jean-François (Doubs - UC) publiée le 27/04/2023
M. Jean-François Longeot attire l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur l'instabilité que créerait une interdiction des chaudières sur le système énergétique. En effet, selon certaines sources, le Gouvernement devrait prochainement lancer une consultation publique sur le chauffage dans les bâtiments avec en option l'interdiction de l'installation des chaudières gaz dans le logement. Or, lors de la pointe hivernale, le gaz fournit jusqu'à 50 % des besoins d'énergie.
Se priver du gaz, c'est donc se priver de capacités pilotables capables de délivrer toute l'énergie consommée aux jours les plus froids. Les scénarios du réseau de transport d'électricité (RTE) et de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) prévoient d'ailleurs le maintien de 6,5 à 10 millions de logements chauffés au gaz à l'horizon 2050, dont plusieurs millions de pompes à chaleur (PAC) hybrides. La PAC hybride, association d'une PAC électrique de puissance optimisée et d'une chaudière gaz à très haute performance énergétique (THPE), présente le double avantage de diminuer la consommation de gaz chez le particulier et de préserver l'équilibre du système électrique en hiver. Face aux risques pesant sur la sécurité d'approvisionnement, pourquoi se priver d'un tel outil de flexibilité ?
L'interdiction des chaudières au gaz se traduirait par des transferts massifs du chauffage au gaz vers le chauffage électrique, et donc une forte augmentation de la demande hivernale d'électricité, mettant en risque la résilience du système électrique à court, moyen et long terme, tout en générant des effets dévastateurs sur la pointe électrique et la sécurité d'approvisionnement. Au total, les écarts offre-demande pourraient, s'ils se cumulent, atteindre 30 à 50 GW lors des pointes hivernales en 2050, voire bien davantage si les interconnexions avec les pays voisins ne sont pas mobilisables ou si des solutions de flexibilité pluri-journalières et saisonnières ne permettent pas de compenser l'intermittence de la production des énergies renouvelables (EnR). Aucun scénario RTE n'anticipe un tel scénario.
En outre, cela entraînerait des investissements supplémentaires sur le réseau électrique. RTE estime déjà à 750 - 1 000 Mds d'euros les investissements nécessaires sur le système électrique à horizon 2050. Selon un rapport de la Cour des comptes, le coût du nucléaire et des renouvelables électriques est d'ores et déjà plus élevé que les hypothèses prises en compte dans ces travaux.
Au contraire, le développement des gaz verts ne nécessite pas d'investissements lourds. L'investissement nécessaire sur les moyens de production et les infrastructures est évalué à 150 Mds d'euros. Compte tenu de la trajectoire de verdissement du gaz, les solutions de chauffage au gaz installées aujourd'hui consommeront une énergie majoritairement renouvelable sur la durée de vie de l'équipement.
Aussi, il interroge le Gouvernement sur la prise en compte de ces enjeux de résilience du système énergétique dans la politique nationale de décarbonation des logements.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie publiée le 07/06/2023
Réponse apportée en séance publique le 06/06/2023
Mme le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la question n° 645, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.
M. Jean-François Longeot. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'instabilité que créerait une éventuelle interdiction des chaudières au gaz sur notre système énergétique.
Rappelons-le, lors des périodes les plus froides, le gaz fournit jusqu'à 50 % des besoins en énergie du pays. Se priver du gaz reviendrait donc à se priver de capacités pilotables capables de fournir toute l'énergie consommée pendant les jours les plus froids. Les scénarios de Réseau de transport d'électricité (RTE) et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) prévoient le maintien de 6,5 millions à 10 millions de logements chauffés au gaz à l'horizon de 2050, dont plusieurs millions avec des pompes à chaleur hybrides.
La pompe à chaleur hybride, association d'une pompe à chaleur électrique de puissance optimisée à une chaudière gaz à très haute performance énergétique, permet de diminuer la consommation de gaz chez les particuliers et de préserver l'équilibre du système électrique en hiver. Face aux risques pesant sur la sécurité d'approvisionnement, pourquoi se priver d'un tel outil de flexibilité ?
L'interdiction des chaudières au gaz aurait également des effets dévastateurs sur la pointe électrique et la sécurité d'approvisionnement. Les écarts entre offre et demande pourraient, s'ils se cumulaient, atteindre lors des pointes hivernales en 2050 entre 30 et 50 gigawatts, voire davantage si les interconnexions avec les pays voisins n'étaient pas mobilisables ou si des solutions de flexibilité plurijournalières et saisonnières ne permettaient pas de compenser l'intermittence de la production des énergies renouvelables. Aucun scénario de RTE n'anticipe une telle situation.
De plus, l'interdiction des chaudières au gaz exigerait des investissements supplémentaires sur le réseau électrique, alors que les investissements nécessaires sur le système électrique à l'horizon de 2050 sont déjà estimés entre 750 milliards et 1 000 milliards d'euros. En revanche, le développement des gaz verts ne nécessite pas d'investissements lourds : l'investissement nécessaire sur les moyens de production et les infrastructures est évalué à 150 milliards d'euros.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur l'interdiction d'installer des chaudières au gaz dans les logements et savoir comment vous comptez tenir compte, dans votre politique nationale de décarbonation des logements, des enjeux de résilience du système énergétique que j'ai soulevés.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur Longeot, je vous remercie de votre question.
Vous le savez, l'objectif de neutralité carbone d'ici à 2050, fixé par le Président de la République, représente un défi immense et passera avant tout par la décarbonation des grands secteurs, comme celui du bâtiment.
L'enjeu est d'utiliser toutes les solutions décarbonées - il n'y a pas de formule magique - dans les bâtiments qui ne dépendent pas d'énergies massivement importées, comme le gaz. C'est un enjeu de souveraineté pour notre pays et cela permettra dans le même temps de garantir plus de confort et des baisses de facture pour les Français.
Le Gouvernement travaille depuis plusieurs années en ce sens. Ainsi, le dispositif MaPrimeRénov' ne subventionne plus l'installation de nouvelles chaudières au fioul ou au gaz et la réglementation environnementale 2020 (RE2020) empêche l'installation de chaudières au gaz ou au fioul dans les bâtiments neufs.
La ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, qui m'a chargé de répondre à votre question, a insisté sur la nécessité d'une sortie progressive et respectant plusieurs principes.
D'abord, il faudra disposer de solutions de substitution décarbonées. Ces solutions existent, elles sont compétitives et elles sont de plus en plus produites en France ; je pense aux pompes à chaleur, aux réseaux de chaleur, au solaire ou encore à la géothermie.
Ensuite, il faut prendre en compte les contraintes techniques locales, notamment l'impact sur le réseau électrique et sur notre système énergétique, comme vous l'avez souligné.
Enfin, il faut associer les acteurs de la filière. Ma collègue a annoncé récemment le lancement d'une concertation publique sur la décarbonation du secteur du bâtiment et des moyens de chauffage. J'engage toutes les parties prenantes à y contribuer.
Par ailleurs, vous avez raison, nous devons également accélérer nos capacités de production de biogaz, qui sont près de cinquante fois inférieures à notre consommation actuelle de gaz. La ministre de la transition énergétique présentera très prochainement un texte revalorisant le tarif d'achat.
Toutefois, le gisement de biomasse sera durablement limité et doit être orienté vers les secteurs et les situations pouvant le moins se tourner vers d'autres sources d'énergie. Décarboner nos bâtiments restera une des priorités du Gouvernement, mais cela ne se fera jamais au détriment de la résilience de notre système énergétique.
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