Question de M. LE RUDULIER Stéphane (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 04/05/2023

M. Stéphane Le Rudulier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les procédures judiciaires qui entourent les jeunes mineurs en danger.

En application des articles 375 et suivants du code civil, un mineur qui serait en danger, du fait notamment d'au moins l'un de ses parents, bénéficie d'un ensemble de procédures administratives et judiciaires qui visent à le protéger. Par conséquent, police ou gendarmerie, citoyen ou membre de la famille élargie, écoles, hôpitaux, médecins ou divers services sociaux, ou encore le cas échéant l'aide sociale à l'enfance, peuvent saisir le procureur de la République afin que ce dernier saisisse à son tour le juge des enfants, celui-ci pouvant également se saisir d'office de manière exceptionnelle. Tout comme le mineur, l'un des parents ou le tuteur gardien peuvent également directement saisir le juge. Ainsi, le fait est que manifestement les recours de saisine sont extrêmement larges en la matière.

En termes de procédure, la phase provisoire permet au juge, au terme d'une première audience, de mener des mesures d'investigations (enquête sociale, investigation d'orientation éducative, expertise), de décider également d'un placement conservatoire en urgence, ou encore de prendre des mesures provisoires au fond (action éducative en milieu ouvert - AEMO, placement). Le juge pouvant in fine, au terme de nouvelles audiences lors des phases de jugement, décider de prendre définitivement des mesures au fond (AEMO et/ou placement). Ainsi, le panel d'outils à disposition du juge est extrêmement divers.

Malgré ce cadre judiciaire, des inquiétudes du terrain demeurent et nécessitent quelques éclaircissements. En effet, d'une part certains s'inquiètent au sujet des délais de procédures, partant de la saisine du juge jusqu'à la dernière phase de jugement. D'autre part, il remonte des juridictions un certain tabou, un défendu, en matière de retrait de l'autorité parentale. Certains estiment en effet qu'il faudrait davantage avoir recours au retrait de l'autorité parentale et ce, parfois, de manière totale, alors même que les juges auraient de manière générale la main hésitante quand il s'agit de prononcer de telles décisions.

Considérant tout ce qui précède, il lui demande si le ministère dispose de chiffres en ce qui concerne les délais réels des procédures judiciaires en matière de mineurs en danger, outre les délais imposés par le droit. Il souhaiterait également connaître sa position sur le faible recours au retrait de l'autorité parentale, ainsi que sur les éventuelles mesures qui pourraient être prises pour encourager de telles mesures judiciaires, et le cas échéant, connaître également la politique à venir du Gouvernement en matière de mineur en danger.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 07/12/2023

Le Gouvernement a mis en place plusieurs grands chantiers s'agissant de la politique en matière d'enfance en danger, qui ont vocation à se poursuivre. Dans l'optique de répondre aux priorités de lutte contre les violences faites aux enfants, de garantir l'égalité des chances aux enfants et aux jeunes, et de promouvoir le développement et l'avenir de tous les enfants, le comité interministériel à l'enfance, nouvelle instance de coordination, a été créé sous l'impulsion de la Première ministre. Réuni pour la première fois le 21 novembre 2022, puis à nouveau le 15 juin dernier, ce comité a pour ambition de déterminer les orientations et de suivre la mise en oeuvre des politiques publiques à destination des enfants. Piloté par la secrétaire d'Etat chargée de l'enfance auprès de la Première ministre, il est un lieu privilégié d'échanges et permettra de coordonner les prochains travaux relatifs à la prévention et la protection de l'enfance. Parmi les axes de travail de ce comité figurent, entre autres, la prévention des ruptures de parcours dans le suivi des jeunes en protection de l'enfance ou encore la mise en oeuvre des recommandations de la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. En outre, parce que la lutte contre les violences faites aux enfants constitue une priorité du quinquennat, l'ensemble des ministères concernés s'engagent dans un nouveau plan de lutte contre les violences et les maltraitances faites aux enfants pour les années 2023-2027. Ce plan, en cours d'élaboration, est déjà porteur d'ambitions fortes tournées vers les enfants, mais aussi vers la société civile, la justice et les professionnels. Afin de réduire au maximum les délais d'exécution des décisions de justice qui représentent un véritable enjeu dans la protection des enfants, sont également développés les comités départementaux de protection de l'enfance actuellement en expérimentation dans une dizaine de départements dans le cadre de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants. Ces comités, co-présidés par le président du conseil départemental et le préfet du département, réunissent un large panel d'acteurs de la protection de l'enfance (justice, santé, éducation nationale, associations, etc.). Cette nouvelle instance de gouvernance locale vise à faciliter la concertation à partir d'un diagnostic territorial partagé et la coordination interinstitutionnelle sur des actions relatives à la prévention et la protection de l'enfance. La contractualisation, en outre, est d'ores et déjà étendue aux acteurs judiciaires et vise ainsi à impulser une nouvelle dynamique et à remplir des objectifs forts en protection de l'enfance. Enfin, des éléments chiffrés ont été produits par l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale de la justice dans le cadre de leur rapport sur ce sujet en 2019. Il y est rappelé qu'il n'existe pas de données nationales fiables sur cette question. Toutefois, s'agissant des mesures de placement, le délai moyen d'exécution est estimé comme étant inférieur à 10 jours. S'agissant des mesures d'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO), un tiers des départements présenterait des délais d'exécution moyens supérieurs à quatre mois et deux tiers des délais moyens compris entre zéro et trois mois. Aussi, en moyenne, 8 à 9 % des mesures d'AEMO sont en attente de mise en oeuvre. S'agissant de la question de l'autorité parentale, en principe, chaque parent est investi, d'une part, de la titularité de l'autorité parentale et, d'autre part, de son exercice, par le seul fait qu'un lien de filiation est établi entre lui et son enfant (article 371-1 du code civil). Le droit positif permet de retirer la titularité de l'autorité parentale. Ce retrait ne peut toutefois intervenir que dans des conditions strictement limitées en raison des conséquences importantes qu'il engendre. L'article 378 du code civil encadre les conditions du retrait de la titularité de l'autorité parentaledans un cadre pénal. Le juge pénal peut, par décision expresse, retirer l'autorité parentale ou l'exercice de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent en qualité, soit d'auteur, coauteur ou complice d'un crime ou d'un délit commis sur la personne de son enfant ou sur la personne de l'autre parent, soit d'auteur, coauteur ou complice d'un crime ou d'un délit commis par son enfant. L'article 378-1 du code civil encadre les conditions du retrait de la titularité de l'autorité parentale dans un cadre civil. Le tribunal judiciaire peut, en dehors de toute condamnation pénale, ordonner le retrait de l'autorité parentale lorsque : - d'une part, les père et mère mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l'enfant soit par de mauvais traitements, soit par une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques ou un usage de stupéfiants, soit par une inconduite notoire ou des comportements délictueux, notamment lorsque l'enfant est témoin de pressions ou de violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre, soit par un défaut de soins ou un manque de direction ; - d'autre part, lorsque les parents s'abstiennent volontairement pendant plus de deux ans d'exercer les droits et de remplir les devoirs que leur laissait l'article 375-7 du code civil, alors qu'une mesure d'assistance éducative a été prise à l'égard de l'enfant. Le retrait de la titularité de l'autorité parentale, prononcé dans un cadre pénal ou civil, porte de plein droit sur tous les attributs, tant patrimoniaux que personnels, rattachés à l'autorité parentale. Dans certaines situations, ce retrait, qui conduit à priver l'enfant de tout lien avec son parent, peut être contraire à son intérêt. Dans cette hypothèse, l'intérêt de l'enfant commande alors de prononcer le seul retrait de l'exercice de l'autorité parentale, et non de sa titularité. La décision relative au retrait de la titularité ou de l'exercice de l'autorité parentale est donc soumise aux circonstances de chaque cas d'espèce appréciées souverainement pas le juge. A titre d'illustration, en 2021, 324 décisions civiles ont ordonné un retrait de l'autorité parentale. Le Gouvernement reste particulièrement attentif à la situation des enfants victimes de violences intrafamiliales. Il a soutenu ainsi la proposition de loi visant à mieux protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales de la députée Isabelle Santiago, qui a notamment pour objet d'élargir le champ des faits criminels et délictueux, en particulier incestueux, susceptibles de conduire à un retrait de l'autorité parentale ou de son exercice et qui a été adoptée par le Parlement le 13 novembre 2023. Le ministre de la Justice ainsi que le Gouvernement dans son ensemble sont pleinement engagés en matière de protection des mineurs en danger et d'amélioration du traitement judiciaire de ces situations.

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