Question de M. LE GLEUT Ronan (Français établis hors de France - Les Républicains) publiée le 04/05/2023
M. Ronan Le Gleut attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation kafkaïenne que vivent les Français nés et établis hors de France quand ils sollicitent la délivrance d'un certificat de nationalité française (CNF).
Pourtant, répondant à sa question sur le délai d'obtention inadmissible et discriminatoire de ce document pour les Français nés et établis hors de France, l'ancienne garde des sceaux, l'avait assuré, le 19 avril 2019, que « des moyens, tant organisationnels qu'humains », avaient été déployés pour résorber le stock de demandes et réduire la durée de leur traitement avec pour objectif impératif de ramener le délai de délivrance du CNF à douze mois. Or l'entrée en vigueur du décret n° 2022-899 du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française, qui avait notamment pour objet l'amélioration du traitement des demandes a, en réalité, pour conséquence l'explosion de leur irrecevabilité par le greffe du tribunal judiciaire de Paris, en charge de la délivrance du CNF. Il semblerait même que, loin d'être étudiées, ces demandes sont parfois, mécaniquement rejetées. Ainsi, par exemple, même si le dossier est complet, il est exigé que le dossier soit refait via le nouveau formulaire, élaboré à la suite du décret de 2022, quand bien même cela est déjà le cas. Par ailleurs, les raisons du refus ne sont pas personnalisées et il est très compliqué pour les demandeurs de comprendre la raison exacte de ces refus : le greffe ne donne pas de raison précise et se contente de surligner en même temps les trois causes possibles de refus - « votre demande : n'est pas accompagnée de pièces justificatives originales / n'est accompagnée que de photocopies / est accompagnée de pièces non conformes à l'article 9 du décret 93-1362 du 30 décembre 1993 » - sans spécifier quel document est concerné ni quelle cause, parmi les trois susmentionnées, a motivé ce refus. Or, les dossiers ne relèvent que très exceptionnellement des trois causes simultanément. Cette méthode permet ainsi au greffe du tribunal judiciaire de Paris de laisser planer, pour les demandeurs, un flou susceptible de les décourager de poursuivre leur démarche. De même, les difficultés inhérentes à la condition de Français résidant hors de France ne sont nullement prises en compte : difficulté à obtenir des rendez-vous pour la délivrance de l'apostille auprès des autorités locales, qui sont elles-mêmes souvent dépassées en cette période post-covid ou difficulté d'acheminement du courrier qui peut largement dépasser trois mois. Ces deux points conjugués suffisent souvent à rendre irrecevables les actes d'état-civil des demandeurs (puisque le délai exigé de moins de trois mois se trouve régulièrement dépassé du fait des services postaux locaux) et les obligent, de facto, à refaire leur dossier de demande de CNF. Récemment, par exemple, la délivrance du CNF a été refusée à un Français, vivant en Israël, qui avait pourtant justifié de sa nationalité française ainsi que de celle de ses parents et grands-parents : l'absence d'explication personnalisée a rendu incompréhensible cette décision de rejet.
Ainsi, afin de ne pas rajouter à la difficulté de nos compatriotes, nés et établis hors de France, de constituer leur dossier de demande de CNF, il lui demande quelles sont les mesures urgentes qu'il entend prendre pour que, en cas de déclaration d'irrecevabilité de leur demande par le greffe du tribunal judiciaire de Paris, celui-ci soit tenu de signifier expressément la cause exacte du refus ainsi que le ou les documents concernés. Par ailleurs, il souhaite savoir quelles dispositions le ministre compte prendre pour que le délai de trois mois, entre l'obtention de l'acte d'état-civil et la date d'arrivée du courrier au greffe du tribunal judiciaire de Paris, soit rallongé afin de prendre en compte les aléas postaux.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 29/06/2023
Le certificat de nationalité française a été instauré par le code de la nationalité de 1945. Depuis cette date, le traitement des demandes de certificat de nationalité française n'avait jamais fait l'objet de dispositions réglementaires et l'instruction comme la délivrance du certificat n'étaient assorties d'aucun délai. Le décret n° 2022-899 du 17 juin 2022 relatif au certificat de nationalité française, entré en vigueur le 1er septembre 2022, a réformé la procédure de délivrance de ce document en poursuivant les objectifs suivants : l'harmonisation des demandes ; le recours au courrier électronique pour les transmissions du greffe, afin de faciliter et accélérer le suivi des demandes ; une réponse dans les six mois dès lors que le dossier est complet (délai prorogeable deux fois pour les besoins de l'instruction) ; l'absence de décision à l'issue du délai vaut rejet de la demande et ouvre une voie de recours. Le 1er alinéa de l'article 1045-1 du code de procédure civile, issu de la réforme, impose que la demande de certificat soit formalisée au moyen d'un formulaire et accompagnée de pièces justificatives, répondant à certaines exigences. En l'absence du formulaire, les pièces sont retournées par le service de la nationalité du tribunal judiciaire de Paris afin de permettre au requérant de présenter un nouveau dossier avec des pièces conformes aux exigences textuelles. Cette pratique vise à prévenir un refus de délivrance d'un certificat de nationalité française pour des motifs purement formels. Le service de la nationalité a désormais mis en place un courrier indiquant le motif exact du retour du dossier au demandeur afin de permettre à celui-ci de se conformer à la demande. S'agissant des exigences en matière de durée de validité des copies d'actes de l'état civil, depuis l'entrée en vigueur, le 6 février 2023, l'article 6 du décret n° 2023-65 du 3 février 2023 modifiant l'article 9 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif notamment aux déclarations de nationalité française, « les copies des actes établis par les autorités françaises datent de moins de trois mois ». Cette durée permet de vérifier la situation de la personne au regard de son état civil de manière contemporaine à sa demande de délivrance d'un certificat de nationalité française. En revanche, s'agissant des copies des actes établis par les autorités étrangères, en l'absence de précisions textuelles, il convient de se référer à la loi étrangère qui précise éventuellement la durée de validité des copies d'actes de l'état civil. Dans le silence de la loi étrangère, le service de la nationalité sollicite la production d'actes de l'état civil les plus récents possibles. Au regard de ces éléments, il n'est pas envisagé à ce stade de modifier ces dispositions.
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