Question de Mme DUMAS Catherine (Paris - Les Républicains) publiée le 11/05/2023
Mme Catherine Dumas attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la reconnaissance de l'ensemble des cancers comme maladie professionnelle pour tous les métiers incluant le travail de nuit.
Elle note que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) a reconnu, fin mars 2023, le cancer du sein d'une ancienne infirmière comme une maladie professionnelle en raison d'une corrélation avérée entre l'exercice de son travail pendant la nuit et sa maladie. Elle souligne que cette reconnaissance permet à l'ancienne infirmière de bénéficier d'une ouverture de prestations sociales et d'une indemnisation.
Elle rappelle que l'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) fait valoir que « le travail de nuit augmente le risque de cancer chez les femmes avant la ménopause, particulièrement celles avec une haute fréquence et une longue durée d'exposition ». Elle ajoute que l'institut national de la recherche et de sécurité (INRS) considère également que, pendant la nuit, « l'exposition au travail posté est associée à une augmentation statistiquement significative du cancer du sein ». Enfin, elle souhaite ajouter que le centre international de recherche contre le cancer (CIRC) mentionne que « le travail posté induit la perturbation des rythmes circadiens ».
Elle constate toutefois que les malades concernés subissent de nombreuses difficultés pour reconnaitre leur cancer comme maladie professionnelle en raison d'une lourdeur administrative et juridique importante. Elle précise que le tableau des maladies professionnelles, publié au Journal officiel, ne prend pas en considération certains cancers, comme le cancer du sein.
Elle souhaite par conséquent lui demander ses intentions pour améliorer la reconnaissance des cancers d'origine professionnelle, notamment pour les métiers nécessitant de travailler la nuit.
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Transmise au Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion
Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 07/09/2023
Le système français prévoit deux modalités de reconnaissance des maladies professionnelles (article L.461-1 du code de la sécurité sociale) : - soit la maladie est désignée dans un tableau de maladies professionnelles qui prévoit des critères relatifs au délai de prise en charge et une liste limitative de travaux qui, s'ils sont remplis, permettent au travailleur de bénéficier de la présomption d'imputabilité qui accélère significativement la reconnaissance de la maladie professionnelle ; - soit dans le cadre de la voie complémentaire de reconnaissance, après avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) lorsqu'un ou plusieurs critères précédents ne sont pas remplis mais qu'il existe un lien de causalité direct et avéré entre le travail habituel de la victime et la maladie, ou lorsque la maladie n'est pas désignée dans un tableau mais qu'il existe un lien de causalité « essentiel et direct » entre le travail habituel de la victime et la maladie, associé au décès ou à une incapacité permanente évaluée selon un taux fixé à 25% (article R.461-8 du code de la sécurité sociale). Alors que le processus de création d'un tableau de maladie professionnelle (article L. 461-2 du code de la sécurité sociale) requiert l'avis préalable du Conseil d'orientation des conditions de travail, les partenaires sociaux au sein de la Commission spécialisée n° 4 ne sont pas parvenus jusqu'ici à un consensus sur la création d'un tableau consacré au cancer du sein : il est en effet difficile, à l'image d'autres cancers, d'identifier un lien de causalité direct et exclusif entre le cancer du sein et le travail habituel de la victime. Si les études citées de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et de l'Institut national de reherche et de sécurité (INRS), tendent à démontrer que le risque de cancer du sein est plus important chez les femmes en « travail posté impliquant une modification du rythme circadien » pendant une période de plusieurs décennies, ce lien n'est qualifié que de « probable » par les agences sanitaires nationales qui préconisent son ajout possible à la liste des agents « probablement cancérigènes ». De plus, il existe, comme pour toute maladie « plurifactorielle », d'autres facteurs pouvant expliquer la survenue du cancer. A défaut d'un tableau de maladie professionnelle, les victimes peuvent certes présenter leur dossier devant les CRRMP pour faire reconnaitre leur pathologie en maladie professionnelle mais à la double condition d'apporter d'une part la démonstration d'un lien « essentiel et direct » avec leur travail habituel, ce que nous savons être particulièrement difficile pour les cancers, et d'autre part d'attester d'un taux d'incapacité permanente supérieur à 25%. Il faut enfin reconnaître que les expositions rencontrées par les femmes dans des professions où elles sont majoritaires (aides-soignantes et infirmières, coiffeuses et esthéticiennes, agents de propreté) ont tardé à faire l'objet d'études scientifiques permettant de rendre compte des polyexpositions et de la caractérisation de leurs effets à long terme sur la santé. Ce sujet d'importance fait l'objet d'une action spécifique dans le 4e plan santé travail, en vue de mieux connaître les situations de polyexpositions professionnelles. S'agissant de l'exemple de l'infirmière de Sarreguemines, qui est emblématique car il établit pour la première fois un lien de causalité entre le travail posté de nuit qu'elle a exercé pendant une trentaine d'années, et le cancer du sein, cette infirmière a pu bénéficier d'une procédure de reconnaissance spécifique à la fonction publique hospitalière : la décision de l'établissement est en effet intervenue, après avis favorable de la commission médicale compétente fondé sur l'expertise d'un oncologue. Faisant le diagnostic que, sur les 119 tableaux en vigueur au régime général, seules 4 créations de tableau et 5 révisions sont intervenues depuis 2010, faute de consensus entre partenaires sociaux, le Gouvernement a mené une réforme significative de l'expertise scientifique en 2018 en matière de reconnaissance des maladies professionnelles. Celle-ci prévoit désormais une saisine préalable de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et une présentation des conclusions aux partenaires sociaux avant que la CS4 ne rende son avis. Des premières avancées sont à souligner en particulier pour les femmes, avec la publication prochaine d'un nouveau tableau sur le cancer de l'ovaire en lien avec les expositions aux poussières d'amiante. Enfin, le Gouvernement est convaincu qu'il est crucial de disposer d'un système de reconnaissance tant à la hauteur des attentes légitimes en matière de réparation individuelle qu'à jour des dernières connaissances scientifiques. C'est pourquoi il est nécessaire de poursuivre les réflexions en vue de l'amélioration du système de reconnaissance de maladies professionnelles, en particulier pour les pathologies plurifactorielles. Il continuera de se mobiliser en ce sens dans les discussions futures avec les partenaires sociaux. Ces derniers ont d'ailleurs affirmé leur volonté d'améliorer le système en réduisant les cas de sous-reconnaissance, dans le cadre de l'accord national interprofessionnel sur la prévention, la réparation et la gouvernance de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, signé le 16 mai 2023.
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