Question de M. LAFON Laurent (Val-de-Marne - UC) publiée le 11/05/2023
M. Laurent Lafon attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la décision du Conseil d'État rendue en chambres réunies (n° 465736 du 27 mars 2023), jugeant « qu' il résulte des dispositions de l'article L. 2122-27 du code général des collectivités territoriales et de celles du chapitre 2 du titre Ier du livre Ier du code électoral que la tenue de la liste électorale et des documents s'y rapportant, ainsi que leur communication, incombent au maire en sa qualité d'agent de l'État. La commune de Capbreton n'a donc pas la qualité de partie à l'instance et elle ne justifie pas d'un intérêt suffisant à intervenir en défense ».
En conséquence, il lui demande de lui confirmer que la commune ne peut engager de frais pour défendre une position quant au droit à communication de la liste électorale actualisée ou à tout autre question relative à celle-ci. Il lui demande également si l'action d'un maire qui procéderait à des inscriptions illégales serait détachable de sa qualité d'agent de l'État.
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Transmise au Ministère de l'intérieur et des outre-mer
Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 07/03/2024
L'article L. 16 du Code électoral prévoit que les listes électorales sont extraites d'un répertoire électoral unique (REU) et permanent tenu par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). De plus, conformément à l'article L. 18 du Code électoral, le maire détient le pouvoir de statuer sur les demandes d'inscription sur les listes électorales. Il doit à ce titre vérifier si la demande de l'électeur répond aux conditions prévues par les dispositions du même code et prendre une décision dans un délai de cinq jours à compter du dépôt de la demande d'inscription. L'article L. 19-1 du Code électoral dispose que « la liste électorale est rendue publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, au moins une fois par an et, en tout état de cause, le lendemain de la réunion de la commission de contrôle, préalable à chaque scrutin, prévue au III de l'article L. 19 ». Ces dispositions, combinées aux articles R. 13 et R. 14 du même code, prévoient donc que la liste électorale rendue publique est celle arrêtée par la commission de contrôle, à laquelle viennent s'ajouter le tableau des inscriptions et radiations intervenues depuis la dernière réunion de la commission (article R. 13), ainsi que les inscriptions et radiations intervenues entre l'arrêt de cette liste et le scrutin. D'autre part, l'article L. 37 du même code prévoit que : « Tout électeur peut prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture ». S'agissant de la communication de la liste électorale actualisée, le Conseil d'État a rendu une décision le 9 novembre 2022 (n° 449863) dans laquelle il a estimé que, dès lors que la liste électorale de la commune présente un caractère permanent et est extraite d'un répertoire électoral unique et permanent, les électeurs qui sollicitent de l'administration la communication d'une ou plusieurs listes électorales sur le fondement de l'article L. 37 du Code électoral sont en droit d'obtenir une liste électorale à jour de la date à laquelle l'administration leur répond, sous réserve qu'ils s'engagent à ne pas en faire un usage commercial. Au regard de cette jurisprudence, les listes électorales actualisées en temps réel doivent être rendues accessibles à l'ensemble des électeurs. Il appartient aux préfectures de répondre à leurs demandes, quel que soit le lieu dans lequel ils sont inscrits. Dans le cas d'une carence de l'administration, les électeurs disposent de la possibilité de saisir la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), préalablement à tout recours contentieux (article L. 342-1 du Code des relations entre le public et l'administration), afin que leur soient transmis les documents litigieux et les motifs d'un refus. Dans ce contexte, le Conseil d'État a récemment retenu (CE n° 465736 du 27 mars 2023) que « la tenue de la liste électorale et des documents s'y rapportant, ainsi que leur communication, incombent au maire en sa qualité d'agent de l'État. » En effet, il appartient aux maires de procéder, au regard des conditions mentionnées aux articles L. 11 et suivants du Code électoral, à la vérification de ces conditions d'inscription en contrôlant l'ensemble des pièces jointes à la demande formulée pour vérifier la qualité d'électeur et la réalité de l'attache communale. Le maire est par ailleurs tenu, au titre des articles L. 16 et L. 18 du même code, de transmettre à l'Insee l'ensemble des informations à entrer dans le répertoire électoral unique aux fins de gestion du processus électoral. Dès lors, si le Conseil d'État a considéré que le maire « agissant en cette qualité comme agent de l'État dans l'exercice des attributions qui lui sont conférées pour la révision des listes électorales, était recevable à interjeter appel du jugement rendu par le tribunal administratif » saisi par un déféré électoral du préfet contre les opérations de révision sur le fondement des dispositions de l'article R. 12 du Code électoral (CE, n° 242598, 13 décembre 2002), la qualité pour faire appel, reconnue au maire dans le cadre de cette procédure contradictoire prévue à l'article R. 12, ne saurait pour autant donner à la commune un intérêt à intervenir en défense dans tout contentieux relatif à la tenue des listes électorales par le maire, particulièrement s'agissant de leur communication, comme l'a rappelé le Conseil d'État dans la décision citée dans la présente question (n° 465736 du 27 mars 2023). S'agissant par ailleurs de l'action d'un maire qui procéderait à des inscriptions illégales, il peut être utilement rappelé que les manquements du maire aux fonctions qui lui sont dévolues par la loi en qualité d'agent de l'État peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires dans les conditions précisées à l'article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales et sous réserve, le cas échéant, du contrôle du juge. L'article L. 113 du Code électoral prévoit en outre que « le fait de procéder ou de faire procéder indûment, de manière frauduleuse, à des inscriptions, à des radiations ou au maintien d'électeurs sur la liste électorale » est puni d'une amende de 15 000 euros et d'un emprisonnement d'un an ou de l'une de ces deux peines seulement. La peine est portée au double « si le coupable est fonctionnaire de l'ordre administratif ou judiciaire, agent ou préposé du Gouvernement ou d'une administration publique, ou chargé d'un ministère de service public ou président d'un bureau de vote ». Enfin, la qualification de « faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions » est le produit d'une abondante jurisprudence aux termes de laquelle présentent notamment le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire les faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou revêtent une particulière gravité, eu égard à leur nature ou aux conditions dans lesquelles ils ont été commis (CE, n° 391798, 30 décembre 2015). Le Conseil d'État a également considéré que la victime d'un préjudice causé par l'agent d'une administration peut, « dès lors que le comportement de cet agent n'est pas dépourvu de tout lien avec le service, demander au juge administratif de condamner cette administration à réparer intégralement ce préjudice, quand bien même aucune faute ne pourrait-elle être imputée au service et le préjudice serait-il entièrement imputable à la faute personnelle commise par l'agent, laquelle, par sa gravité, devrait être regardée comme détachable du service » (CE, n° 283257, 2 mars 2007). Il a ainsi jugé qu'une faute n'est pas dépourvue de tout lien avec le service en ce qu'elle a pu être commise par le maire, en l'espèce, « avec l'autorité et les moyens que lui conféraient ses fonctions ». Sous réserve de l'appréciation souveraine du juge administratif, il apparaît toutefois probable que des manoeuvres effectuées par le maire dans le cadre de ses prérogatives de gestionnaire des listes constituant des inscriptions illégales d'électeurs puissent être regardées comme détachables des fonctions qui lui sont dévolues par la loi en qualité d'agent de l'État. En effet, le Conseil d'État a reconnu la faute personnelle d'un agent, détachable de l'exercice de ses fonctions, en raison des fins privées poursuivies par les agissements commis en dehors de l'objectif de la mission initialement dévolue (CE, n° 297044, 8 août 2008).
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