Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UC) publiée le 18/05/2023

Mme Catherine Morin-Desailly attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la question des suites judiciaires données aux plaintes et aux signalements des maires quant aux dépôts sauvages.

De nombreuses communes, et en particulier des communes rurales, subissent ces incivilités. Le dépôt sauvage est donc un sujet de préoccupation permanent et quotidien des élus locaux. Afin de lutter contre la prolifération de ces dépôts sauvages et illégaux, certains maires renvoient aux auteurs de ces dépôts, lorsqu'ils sont identifiés, les ordures ramassées.

Quelques élus ont par ailleurs décidé d'opter pour une brigade anti-dépôts sauvages chargée de rechercher les auteurs de l'infraction.

Depuis le 10 février 2020, la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (dite loi AGEC) facilite aux maires la possibilité de sanctionner financièrement les auteurs de ces incivilités. En effet, le maire en sa qualité d'officier de police judiciaire peut constater les infractions, dresser un procès-verbal et sanctionner les atteintes à la salubrité, la sûreté et la sécurité publique.

S'agissant du dépôt de plaintes par les élus, elles sont en pratique et pour la plupart classées sans suite et ils n'en connaissent pas les motifs. La loi prévoit pourtant, depuis 2021 (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets), l'obligation de les informer en indiquant les motivations du classement.

Un sénateur de l'Eure a déploré que cette obligation soit peu respectée dans sa question orale n° 484 du 4 avril 2023. La secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l'écologie, lui a répondu qu'une application serait mise en place d'ici fin 2023, celle-ci devant permettre le partage de l'information et de connaître les suites données aux plaintes des élus et les motivations de leur classement.

Cependant, les dépôts sauvages sont à l'origine d'une dégradation du cadre de vie des citoyens et présentent parfois des risques pour la santé publique avec des déchets polluants (amiante, plomb, plastique, arsenic, etc.) et en proportion trop peu de plaintes sont suivies de poursuites judiciaires. De nombreux élus sont désemparés face à l'absence de sanctions pénales contre les contrevenants ; absence de sanctions qui favorise d'ailleurs les récidives.

Elle lui demande s'il entend mettre en place une logique de poursuites judiciaires systématiques à l'encontre des contrevenants, même dans le cas où, une fois identifiés et entendus par les forces de l'ordre, ils retirent eux-mêmes leurs déchets, ce afin d'obtenir un effet dissuasif.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 07/12/2023

Le ministère de la Justice porte une attention particulière aux infractions relatives aux dépôts sauvages de déchets, lesquelles sont susceptibles d'entraîner des atteintes graves à l'environnement et de générer des risques de santé et de salubrité publique, et partage à ce titre la légitime préoccupation d'un traitement efficace de celui-ci. À cette fin, les sanctions liées aux dépôts sauvages de déchets ont été considérablement renforcées ces dernières années. Ainsi, la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte a aggravé les peines prévues à l'article L. 541-46 du code de l'environnement, qui réprime désormais de 4 ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait d'abandonner, déposer ou faire déposer illicitement des déchets, l'amende étant quintuplée pour les personnes morales. La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire avait déjà permis d'améliorer l'efficacité de la répression pénale de ces infractions en instaurant, dans ce même article, une amende forfaitaire délictuelle de 1500 euros pour les entreprises qui se rendent coupables de ces délits. En outre, plusieurs dispositions contraventionnelles du code pénal, applicables aux particuliers, sanctionnent les dépôts et abandons illégaux de déchets. À ce titre, l'article R. 632-1 du code pénal punit les atteintes au règlement de collecte (dépôt en dehors des heures légales, dans un contenant inadapté, ou prévus pour d'autres types de déchets…) et les articles R. 634-2 et suivants du même code répriment l'ensemble des abandons ou dépôts de déchets réalisés avec ou sans l'utilisation d'un véhicule. Par ailleurs, la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019, portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement, autorise désormais, à la suite d'une modification de l'article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure, le recours au dispositif de vidéoprotection sur la voie publique pour « la prévention de l'abandon d'ordures, de déchets, de matériaux ou d'autres objets ». La loi du 10 février 2020 précitée a précisé cette nouvelle finalité de la vidéoprotection, évoquant désormais la possibilité d'utiliser la vidéoprotection sur la voie publique pour « la prévention et la constatation des infractions relatives à l'abandon d'ordures, de déchets, de matériaux ou d'autres objets ». Ainsi, les images issues de ces dispositifs de vidéoprotection aujourd'hui autorisés peuvent constituer des moyens de preuve en vue d'établir la responsabilité d'une ou plusieurs personnes ayant abandonné des déchets en un lieu non prévu à cet effet. Le travail de recherche des auteurs par la justice en est grandement facilité. Ces mesures, associées au dispositif d'amendes administratives confié au maire, permettent un renforcement efficient de l'arsenal répressif mis à la disposition des acteurs de la lutte contre les dépôts sauvages de déchets. Dans ce cadre renouvelé, les parquets sont particulièrement attachés à assurer, en étroite collaboration avec les élus locaux, une action judiciaire rapide et efficace permettant d'identifier et de sanctionner les auteurs de ces infractions. Le ministère de la Justice a en outre encouragé les échanges entre parquets et élus, en particulier sur les suites données aux plaintes et signalements déposés par ces derniers. Ainsi et notamment, une circulaire du 7 septembre 2020 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif et au renforcement du suivi judiciaire des affaires pénales, a rappelé qu'il était nécessaire que les parquets désignent un magistrat pour être l'interlocuteur des élus du ressort. La circulaire de politique pénale générale du garde des Sceaux du 20 septembre 2022 a, quant à elle, de nouveau invité les parquets généraux et les parquets à poursuivre le renforcement de leurs échanges avec les élus. Enfin, plus récemment, le plan national contre les violences aux élus, présenté par le Gouvernement le vendredi 7 juillet 2023, prévoit la signature systématique de protocoles entre les associations de maires et les procureurs de la République afin de favoriser leurs liens. Dans la continuité des instructions portées par le ministère de la Justice depuis plusieurs années, l'objectif est ainsi de mettre à disposition des élus un point de contact au sein de chaque parquet afin de faciliter les retours sur les suites apportées par l'autorité judiciaires aux plaintes et signalements.

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