Question de M. ROJOUAN Bruno (Allier - Les Républicains-R) publiée le 18/05/2023

M. Bruno Rojouan attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la surpopulation carcérale en France.

Le 1er mai 2022, le ministère de la justice compte 71 038 détenus dont un surnombre de 13 985 personnes incarcérées.

Le 21 mars 2018, le rapport de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) recommande aux pouvoirs publics de s'engager dans une politique publique de déflation carcérale.

En janvier 2020, la Cour européenne des droits de l'homme condamne la France pour traitements inhumains et dégradants en raison de la surpopulation de ses prisons. Dans sa décision, la Cour souligne que « les taux d'occupation des prisons concernées révèlent l'existence d'un problème structurel ». Pour pallier ce problème, elle préconise « l'adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention », tout en instaurant « un recours préventif permettant aux détenus, de manière effective, en combinaison avec le recours indemnitaire, de redresser la situation dont ils sont victimes ».

La surpopulation carcérale française touche aussi bien les détenus que les agents de l'administration pénitentiaire. Pour les premiers, les conditions de détention favorisent la violation de leurs droits et plus particulièrement de leurs droits fondamentaux. Pour les seconds, cette situation vient dégrader les conditions de travail et favoriser le développement des failles de sécurité, représentant un risque pour leur intégrité physique et morale.

Ainsi, il souhaite savoir quelles dispositions le Gouvernement compte mettre en place afin d'améliorer les conditions de détention et réduire le nombre de détenus pour faire cesser la surpopulation des prisons françaises.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 03/08/2023

Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin d'assurer la réponse pénale, améliorer les conditions de travail des personnes pénitentiaires, améliorer la prise en charge des détenus et lutter contre la surpopulation carcérale. L'ambitieux programme immobilier de livraison de 15 000 places supplémentaires de prison, décidé par le président de la République, doit permettre d'atteindre un taux d'encellulement individuel de 80 % sur la totalité des établissements du parc. Les établissements sont implantés dans les territoires qui connaissent les taux de surpopulation les plus importants, à savoir principalement dans les grandes agglomérations. Depuis la mise en oeuvre du programme, 2 441 places ont déjà été livrées. En 2023, 1 958 places supplémentaires seront livrées. Au total, 24 établissements seront opérationnels en 2024, sur les 50 que compte le plan. Ce programme se caractérise par une typologie diversifiée d'établissements pénitentiaires pour mieux adapter les régimes de détention au profil des personnes détenues selon leur parcours, leur peine et leur projet de réinsertion : des maisons d'arrêt à sécurité adaptée, mais également des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS). Ces établissements ont vocation à accueillir des personnes condamnées dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans et proposent un régime de détention adapté, orienté autour de la responsabilisation de la personne détenue afin de préparer efficacement son retour à la vie libre et d'éviter la réitération de son comportement délinquant. La livraison de 2000 places en SAS est programmée. Enfin, trois établissements tournés vers le travail dénommés Inserre (insérer par des structures engendrant la responsabilisation et la réinsertion par l'emploi) seront également livrés. Outre la création de nouvelles places, les récentes évolutions législatives sont intervenues afin de favoriser le recours aux alternatives à l'incarcération, qui constituent des leviers de régulation des effectifs en milieu fermé. Elles permettent également de mieux prévenir la récidive et de favoriser la réinsertion des personnes placées sous-main de justice. Les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ont pour objectif de renforcer le sens et l'efficacité des peines prononcées en limitant le recours aux courtes peines d'incarcération, en favorisant les aménagements de peine ab initio pour les peines inférieures ou égales à 1 an et en prohibant les peines d'emprisonnement inférieures à un mois. Dans la continuité, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire est venue réaffirmer le principe selon lequel la détention provisoire doit demeurer exceptionnelle. Ses dispositions visent à favoriser le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique. Elle introduit également une mesure de libération sous contrainte de plein droit pour les personnes détenues en fin de peine, applicable depuis le 1er janvier 2023. Cette mesure d'exécution de peine, soumise au critère de la détention d'un hébergement, permet une sortie sous condition ou suivie et d'hébergement à 3 mois de la fin de peine pour les peines inférieures à deux ans. Les personnes ainsi libérées sont suivies et contrôlées en milieu ouvert par le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), et ce pour éviter des sorties sèches des détenus qui favorisent la récidive. De surcroît, un travail de fond a été engagé afin de favoriser le recours à la peine de travail d'intérêt général (TIG). Plusieurs modifications du cadre normatif ont été successivement opérées, dans le but d'élargir les possibilités de recours au TIG et d'en simplifier les modalités d'exécution. Le nombre de places de TIG est ainsi passé de 18 000 en janvier 2019 à plus de 35 000 à la fin de l'année 2022. De plus, un plan d'actions portant tant sur la meilleure connaissance des dispositifs et leur promotion que sur les modalités d'organisation des services, a été arrêté par le garde des Sceaux et sera mis en oeuvre en 2023. Le projet de loi d'orientation et de programmation de la Justice prévoit dans ce cadre de renforcer le caractère communicatoire du TIG en fixant la peine encourue dès le prononcé de la mesure en cas d'inexécution des obligations. Par ailleurs, le ministère de la Justice veille au maintien du dialogue entre les acteurs judiciaires et pénitentiaires. Il a élaboré un outil de pilotage destiné à nourrir les échanges entre les chefs de cours et les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires afin de poursuivre l'accompagnement des juridictions dans la mise en oeuvre des dispositions de la loi de programmation de la justice et de favoriser les alternatives à la détention lorsque cela est possible. Depuis l'été 2022, les directeurs de l'administration pénitentiaire, des affaires criminelles et des grâces ainsi que des services judiciaires se sont également engagés à rencontrer l'ensemble des chefs de cour et de juridictions au sein des directions interrégionales afin d'échanger sur la problématique de la surpopulation carcérale et d'identifier les leviers existant. Enfin, la direction de l'administration pénitentiaire, particulièrement vigilante à la régulation des effectifs des établissements les plus suroccupés, mène une politique volontariste d'orientation des personnes détenues vers les établissements pour peine, y compris à faible reliquat de peine. Au cours de l'année 2023, les actions de pilotage mises en oeuvre ont notamment permis un suivi en temps réel des besoins et capacités d'accueil des établissements pénitentiaires, dans le cadre d'une politique dynamique de transfèrement des personnes détenues hébergées dans les établissements en état de surpopulation. En effet, les places dédiées aux centres de détention (CD) et quartiers centre de détention (QCD) représentent 33% du parc immobilier pénitentiaire, soit 20 368 places. Cette politique volontariste d'affectation dans les établissements pour peines a donné des résultats très significatif. En effet, au 1er juin 2020, le taux d'occupation des CD et QCD était de 84,1%. Au 1er juin 2023, ce taux s'élève à 95,35%.

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