Question de M. CANÉVET Michel (Finistère - UC) publiée le 08/06/2023
M. Michel Canévet attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la digitalisation de l'hôpital comme solution face à l'accroissement du temps administratif au détriment de la délivrance des soins. Malgré une enveloppe totale de 1,4 milliard d'euros annoncée en faveur du rattrapage du retard numérique dans le secteur de la santé lors du dernier Ségur de la santé, en 2020, on constate que les évolutions sont faibles. Révélatrice d'un système de santé défaillant, la crise économique et sociale de la pandémie peut être vue comme un catalyseur de transformation digitale dans les centres de santé. La digitalisation des hôpitaux peut se traduire par les prises de rendez-vous en ligne, la dictée vocale, les aides à la prescription, la téléconsultation ou encore la capacité de partage des dossiers médicaux au sein de structures de soins coordonnées entre les villes et les hôpitaux.
Il conviendrait de s'attacher à développer la digitalisation comme cela s'effectue déjà pour la médecine libérale avec des entreprises comme Doctolib. Pour cela, des expérimentations pourraient être menées dans quelques établissements de santé, comme ce fut le cas pour l'hôpital européen de Marseille qui est parvenu à réduire de 25 % le temps de prise en charge des patients par les urgentistes grâce à une forte digitalisation accroissant l'efficacité du corps médical.
Dans son rapport 2023 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, paru le 24 mai 2023, la Cour des Comptes émet des inquiétudes sur le déficit persistant de notre système de soins hospitaliers. Pour 2022, elle note que la branche maladie, assurant la prise en charge des dépenses de santé des assurés et garantissant l'accès aux soins, porte un déficit de 21 milliards d'euros, supérieur à celui de l'ensemble de la sécurité sociale, et en aggravation de 1,9 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale. Il y a donc urgence à développer la digitalisation pour aider les soignants, réduire l'emprise administrative et redonner aux hôpitaux une visibilité financière
En effet, le développement de la téléconsultation et des prises de rendez-vous médicaux en ligne permet de réduire la durée des séjours hospitaliers et la charge administrative, tout en garantissant une continuité dans la délivrance de soins. La numérisation du secteur de la santé assure également une réduction des erreurs médicales, notamment médicamenteuses. On estime le coût annuel de ces erreurs médicales à 350 millions d'euros chaque année. Elles s'expliquent le plus souvent par une surcharge de travail et un stress permanent pour le personnel médical, en particulier pour le corps infirmier. En effet, ces derniers consacrent entre deux et trois heures par jour à la gestion et à la distribution des médicaments, ainsi qu'à diverses tâches administratives liées au stockage.
Enfin, digitaliser l'hôpital, c'est aussi le réhumaniser et offrir du temps aux équipes médicales et paramédicales pour qu'elles puissent se concentrer sur le coeur de leur métier. Par exemple, le temps global passé à rédiger la documentation médicale diminue de 45 % grâce à l'utilisation de la dictée vocale, ce qui se traduit pour chaque médecin libéral par un gain de temps quotidien de 90 minutes. La digitalisation permet aussi d'accroître la disponibilité du personnel soignant, point essentiel pour lutter contre les déserts médicaux.
Il souhaite donc connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour faciliter le développement de la digitalisation des hôpitaux et en particulier mener quelques expérimentations dans des établissements volontaires.
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Transmise au Ministère de la santé et de la prévention
Réponse du Ministère de la santé et de la prévention publiée le 21/12/2023
Le Ministère de la santé et de la prévention a fait de la diminution de la charge administrative des soignants l'un des axes majeurs de la politique de rétablissement de l'attractivité des fonctions hospitalières. Le développement du numérique joue un rôle central dans ce processus. La nouvelle feuille de route nationale du numérique en santé 2023-2027, publiée au mois de mai 2023, comprend 4 axes dont un axe visant spécifiquement à "redonner du temps aux professionnels de santé et améliorer la prise en charge des personnes grâce au numérique". Les initiatives en la matière ne sont cependant pas nouvelles. En effet, les premiers accompagnements des établissements ont débuté dès 2012. Depuis plus de dix ans, ils ont été déclinés par différents programmes de financement des systèmes d'information hospitaliers : le plan Hôpital Numérique 2012-2017, le programme HOP'EN (Hôpital numérique ouvert sur son environnement) 2018-2022, et le programme SIMPHONIE de simplification des parcours administratifs hospitaliers pour les patients et les professionnels. Le programme HOP'EN de modernisation des systèmes d'information hospitaliers trouve son origine dans le cadre de la stratégie nationale « Ma santé 2022 » et constitue le plan d'action pour le développement du système d'information de production des soins à l'hôpital. Reprenant les bases posées dans le cadre du plan Hôpital numérique, il vise à amener tous les établissements de santé d'ici fin 2023 vers un palier de maturité de leur système d'information. Dans ce cadre, 1 718 projets portés par 1 436 établissements de santé ont bénéficié d'un financement dans le cadre d'une enveloppe globale de 420 Meuros (bilan d'octobre 2022). En complément, ce programme s'articule avec le programme "Ségur Usage Numérique en établissements sanitaires (SUN-ES) ", mis en place en 2021 et doté de financements complémentaires de 210Meuros, et visant notamment à accroitre la sécurité des systèmes d'information, l'alimentation de Mon Espace Santé/ DMP et l'utilisation de la messagerie sécurisée de santé professionnelle. Parallèlement, le Ministère de la santé et de la prévention déploie le programme SIMPHONIE de simplification des parcours administratifs hospitaliers en généralisant le tiers payant complémentaire (projet ROC), en facilitant le paiement des restes à charges patients (projet Diapason) et en généralisant la dématérialisation des échanges entre patients et hôpital (prise de rendez-vous et préadmission en ligne, préparation du déploiement de l'application carte vitale et information sur téléphone portable, informations sur bornes à l'entrée de l'établissement ). Réduire le déficit de notre système de santé et simplifier le travail des soignants passe également par la mise en place de parcours coordonnés ville-hôpital et le partage de dossiers médicaux entre les établissements de santé, les professionnels de villes et les structures de coordination. Le Ministère de la santé et de la prévention déploie depuis 2018 le programme e-Parcours, qui met à disposition des professionnels des outils de coordination de parcours de santé prioritaires, en particulier pour les prises en charge complexes. À date, 16 régions ont finalisé le déploiement de leur offre numérique. Le programme a permis d'outiller près de 300 projets de parcours de soins différents (AVC, diabète, périnatalité, prise en charge de l'obésité pédiatrique, de l'enfance vulnérable, neurologie, VigilanS pour la prévention du suicide, expérimentations Article 51 ) intégrés entre les établissements de santé, les structures de coordination et les professionnels exerçant en libéral. À fin du 1er trimestre 2023, on dénombrait une moyenne de 64 300 utilisateurs uniques par trimestre, et 1,8 millions de dossiers de coordination ont été ouverts depuis 2018. Les prises en charge à distance via le numérique représentent en effet des opportunités majeures pour la politique d'accès aux soins ; elles permettent d'abolir les distances, de faciliter les échanges d'information donc la coordination autour du patient et de lui permettre d'accéder plus facilement au bon soin au bon moment. Ces pratiques permettent également une rupture de l'isolement de certains professionnels par la mise en place de réseaux et la complétion de l'offre de soins à disposition de leurs patients (notamment par l'utilisation de la téléexpertise). La télésanté (qui comprend les activités de télémédecine et de télésoin) permet enfin d'encourager l'exercice coordonné avec l'accompagnement aux téléconsultations par une infirmière ou un pharmacien et la mise en place d'organisations innovantes (nouvelles coordinations permises par la télémédecine et protocoles de coopération par exemple). Les conditions d'un déploiement rapide de la télésanté sont en place, pour permettre aux patients d'obtenir, notamment dans les zones en tension, une prise en charge et un suivi plus rapide. Les hôpitaux peuvent ainsi utiliser les leviers suivants : la téléconsultation (consultation d'un professionnel médical à distance) qui est remboursée depuis septembre 2018 sur l'ensemble du territoire et pour tous les patients. Elle permet notamment d'améliorer le parcours de soins pour préparer une intervention (téléconsultation de pré-anesthésie par exemple) ou convoquer de nouveau un patient (post urgence par exemple). Entre 1 et 1,5 millions de téléconsultations sont effectuées chaque mois en France ; la téléexpertise (qui permet à un professionnel de santé de solliciter à distance l'avis d'un professionnel médical face à une situation médicale donnée) est prise en charge par l'assurance maladie depuis janvier 2019 notamment dans les zones en tension et généralisée à tous les patients depuis le mois d'avril 2022 (avenant n°9 à la convention médicale). Elle permet d'accélérer la pose du diagnostic, un accès plus rapide à une médecine de spécialité et un gain de temps médical (l'activité étant concentrée sur l'expertise et la compétence) ; la télésurveillance (qui permet à un professionnel médical d'interpréter à distance, grâce à l'utilisation d'un dispositif médical numérique, les données de santé du patient recueillies sur son lieu de vie et de prendre des décisions relatives à sa prise en charge) est entrée dans le droit commun en décembre 2022 après 9 ans d'expérimentations (programme ETAPES ou expérimentations au titre de l'article 51 de la LFSS pour 2018). La télésurveillance permet notamment d'améliorer les prises en charge des patients (diminution des hospitalisations et des passages aux urgences), de réorganiser des parcours et des pratiques (optimisation des organisations de soin) et d'améliorer le confort de vie des patients ; le télésoin (qui permet à un auxiliaire médical ou à un pharmacien de prendre en charge un patient et de le suivre à distance pour les actes ne nécessitant pas un contact direct ou un équipement spécifique non disponible auprès du patient) est autorisé depuis 2021 pour 18 professionnels de santé. Pour le moment, seuls les actes de télésoin réalisés par les orthophonistes, les orthoptistes et les infirmiers font l'objet d'un remboursement par l'Assurance maladie obligatoire (avenants : 17 à la convention nationale des orthophonistes ; 14 à la convention nationale des orthoptistes et 9 à la convention nationale des infirmiers). Enfin, la Stratégie d'Accélération « Santé Numérique » 2021-2025, dotée de 625 Meuros, permet de compléter les nombreux dispositifs énoncés pour faire de la France un leader mondial de la santé numérique. La mise en oeuvre de ces différents programmes va se poursuivre et s'enrichir de nouvelles actions, dans le cadre de la feuille de route nationale du numérique en santé 2032-2027.
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