Question de M. ROJOUAN Bruno (Allier - Les Républicains-R) publiée le 15/06/2023
M. Bruno Rojouan attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les difficultés liées au développement de l'« urbex » en France.
Le terme « urbex » vient de l'articulation des mots anglais « urban » et « exploration ». Les personnes qui s'adonnent à cette activité s'introduisent dans des lieux abandonnés dont l'accès est interdit pour les visiter et parfois pour y faire des vidéos à fins de diffusion sur les réseaux sociaux. L'article 226-4 du code pénal condamne pourtant « l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet ».
Bien qu'illégale, cette activité fait l'objet de nombreuses vidéos sur les plateformes telles que You Yube, ce qui attire de plus en plus de personnes. De plus, outre le fait que cette activité soit dangereuse, elle entraine surtout de nombreux vols et dégradations dans les lieux en question.
Or, l'article 311-3 du code pénal énonce que « le vol est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende » et l'article 322-1 du même code que « la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, sauf s'il n'en est résulté qu'un dommage léger ». Pour autant, cette activité est en plein essor, et ce malgré la répression et les interdictions. La présence de technologies de surveillance, de voisins aux aguets ou même de vigiles ne dissuade d'ailleurs pas ces « explorateurs ».
De plus, certaines de ces vidéos ont incité des personnes malveillantes, qui avaient repéré des tableaux ou autres objets de valeur, à s'introduire dans les lieux filmés pour y dérober ces biens.
Les exemples de cambriolages sont nombreux. En 2019, le château de Steene, dans le nord de la France, faisait l'objet d'un cambriolage. Lors de son arrestation, l'auteur des faits arguait qu'il était présent pour faire de l'« urbex » alors que l'enquête démontra qu'il était en train de soustraire des objets de grande valeur.
Aujourd'hui, il semble important de mettre en place des moyens visant à protéger ces endroits et leur patrimoine. En effet, bien qu'abandonnés, cela ne justifie pas les intrusions et les atteintes portées à ces lieux.
Ainsi, il souhaite savoir quelles dispositions le Gouvernement compte mettre en place afin de remédier à cette problématique.
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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 07/12/2023
L'urbex, ou exploration urbaine, est une pratique consistant à visiter des lieux inoccupés et apparemment abandonnés. Elle connaît une expansion importante depuis quelques années, portée par la diffusion de vidéos sur les réseaux sociaux. Cette pratique est illégale car elle constitue a minima une violation de domicile (article 226-4 du Code pénal - CP). Elle est souvent accompagnée de vols avec effraction et/ou en réunion, ainsi que de dégradations et de destructions. L'exploitation des chiffres issus du fichier de Traitement des antécédents judiciaires (TAJ), permet d'établir qu'en 2022, 94 procédures faisant référence à de « l'urbex » ont été initiées en zone de compétence gendarmerie. 37 % de ces procédures ont été résolues et impliquaient en grande majorité des personnes majeures (28). Le taux d'élucidation est très supérieur à celui des atteintes aux biens en général (15,3%). Depuis le début d'année 2023, 35 procédures ont été ouvertes et 19 affaires ont été résolues. Là aussi, une grande majorité de faits commis est imputable à des personnes majeures (16). 35 de ces sites sont connus pour faire partie du monde de l'urbex. Ces chiffres ne reflètent sans doute pas l'intégralité du phénomène, dans la mesure où tous les faits ne font pas l'objet d'un signalement aux forces de l'ordre, notamment s'agissant des lieux isolés et ne nécessitant aucune effraction pour y pénétrer. La lutte contre cette pratique fait partie intégrante de la lutte contre les cambriolages. La difficulté réside souvent dans la prévention des faits ou l'identification des auteurs en raison même de la nature des lieux visités, souvent isolés et peu protégés. La question de la qualification est également problématique, des faits de vols, de dégradations ou de violation de domicile étant parfois difficiles à associer à l'urbex. Les mesures mises en oeuvre portent sur la prévention et l'anticipation, avec un important effort sur l'investigation des phénomènes sériels. Le volet préventif se décline dans des actions de sensibilisation des publics intéressés (les élus locaux qui connaissent potentiellement les propriétaires, les associations de sauvegarde du patrimoine, les référents participation citoyenne, la presse locale, les publics des réseaux sociaux) et la mobilisation de toute la chaîne de prévention situationnelle (correspondants et référents sûreté). L'ensemble du dispositif gendarmerie et police mis en place permet une réaction rapide en cas de suspicion. Dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (LOPMI), la création de 239 brigades de gendarmerie et la montée en puissance de la réserve opérationnelle (RO), appui indispensable aux missions de sécurité publique du quotidien, poursuivront cet objectif tout en augmentant la proximité avec la population. Pour garantir l'efficience et la pertinence de cette présence de voie publique, les échelons territoriaux orientent leurs services en se basant sur une analyse fine des zones de vulnérabilité et des créneaux propices aux cambriolages. Les lieux cambriolés bénéficient d'une prise en compte systématique par des gendarmes techniciens spécifiquement formés aux constatations sur ce type de faits (techniciens en identification criminelle (TIC) ou TIC de proximité (TICP) ) lesquels disposent de matériels adaptés et dédiés à la recherche d'indices. Il en est de même pour les services de la police nationale. Les gendarmes et policiers sont également sensibilisés à la dimension numérique de la preuve et s'attachent à rechercher tous les moyens d'identifier les auteurs via les objets connectés, la téléphonie et les dispositifs de vidéosurveillance (publics et privés). Les investigations menées dans le cyberespace constituent également un levier pour appréhender et juguler ce phénomène. À Paris, l'accès des catacombes et de son dédale de 280 km de galeries est formellement interdit par un arrêté préfectoral du 2 novembre 1955, notamment en raison de la dangerosité des lieux (risques de se perdre, éboulements ou chute dans des puits). Un groupe d'intervention et de protection (GIP) de la préfecture de police effectue des patrouilles quasi-quotidiennes. Il est chargé de rechercher, reconduire en surface et verbaliser des individus se trouvant illégalement dans les carrières de Paris et mettre en place un plan de recherche par secteur en cas de signalement de personnes disparues. Il procède aux vérifications techniques et à la sécurisation générale du réseau en relation avec l'inspection générale des carrières (IGC) à qui il signale les plaques d'accès dessoudées ou l'ouverture de nouveaux passages. L'IGC procède en réponse au scellement de plaques d'accès et à l'injection de béton dans les galeries. Elle organise également, mensuellement, des missions de sécurisation de soirée et de nuit pour contrôler la fréquentation du réseau et reconduire en surface les "cataphiles". En 2022, le GIP a effectué 286 missions qui ont donné lieu à 311 contraventions et 11 interpellations. Pour prendre en compte et évacuer les blessés, les effectifs du groupe d'intervention en milieu périlleux (GRIMP) de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris sont compétents pour intervenir dans les carrières du sous-sol de la capitale. Entre 2020 et 2023, ces lieux ont généré 17 interventions des sapeurs-pompiers, permettant de porter assistance à 104 victimes. Ce sont des opérations souvent longues, 3h en moyenne, et qui mobilisent un nombre conséquent de militaires (15 en moyenne) et de véhicules de secours (4 par opération). Au regard de la surface à couvrir, le dispositif de sécurisation actuel paraît correctement dimensionné. Toutefois, l'apparition cyclique de nouvelles brèches engendre ponctuellement une hausse de fréquentation des sous-sols parisiens. Une fois les accès détectés et refermés, le nombre de visiteurs diminue fortement. Aussi, des mesures visent à réduire le nombre d'accès aux carrières, notamment avec le renforcement des dispositifs de verrouillage des puits, le scellement des plaques d'accès et la présence policière. Enfin, dans le cadre du renforcement de la répression du non-respect des décrets et arrêtés de police, le décret n° 2022-185 du 15 février 2022 modifiant la classe de la contravention prévue à l'article R. 610-5 du Code pénal et instituant de nouvelles contraventions a été signé. Il s'ensuit que l'exploration illégale des catacombes parisiennes, qui était précédemment soumise à une amende de la 1ère classe (38euros d'amende) est, depuis février 2022, sanctionnée d'une amende de la 2ème classe (150euros d'amende), plus à même de dissuader les contrevenants.
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