Question de M. RICHARD Alain (Val-d'Oise - RDPI) publiée le 01/06/2023

M. Alain Richard attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur les risques sévères de pertes de ressources pour les cliniques privées d'Île-de-France assurant les soins médicaux et de réadaptation (SMR) que fait prévoir la réforme de leur financement prévue pour le 1er juillet 2023. L'enjeu est vital pour ces établissements qui offrent un soutien indispensable aux services de pointe des hôpitaux en accueillant leurs patients dès la fin des soins intensifs dans les conditions de technicité et de sécurité requises.
Le mécanisme de financement prévu, qui n'est pas encore stabilisé à quatre semaines de l'entrée en vigueur, entraîne au moins deux facteurs déstabilisants pour les cliniques qui se sont engagées, pour répondre à une demande des autorités de santé, dans la fourniture de ces soins de suite spécialisés impliquant un niveau élevé d'interventions médicales et paramédicales.
D'une part, la prise en compte des surcoûts propres à l'Île-de-France n'est pas prévue, ou en tout cas pas chiffrée, alors que ce régime spécifique est en vigueur depuis longtemps pour permettre la poursuite d'activité de ces établissements indispensables. L'étude réalisée récemment par la fédération professionnelle en relation avec les services ministériels établit que le surcoût induit par les conditions propres à l'Île-de-France est de 10 %, et est d'autant plus impactant que la tarification pour l'Île de France englobe les honoraires d'interventions médicales qui sont financées séparément pour les établissements hors Île-de-France.
D'autre part, la classification envisagée ne tient pas compte des charges spécifiques de soins de suite spécialisés. C'est particulièrement le cas pour les SMR en cancérologie, cardiologie, neurologie qui mobilisent des temps d'intervention médicaux et paramédicaux bien supérieurs à la situation moyenne. Les services en cause dans les établissements privés d'Île-de-France ont souvent fonctionné à perte ces dernières années. La non-prise en compte de leurs charges réelles au terme d'une réforme qui a un objectif structurel signifierait leur mise en danger à brève échéance.
Il l'appelle à donner maintenant l'impulsion nécessaire pour que cette réforme longuement anticipée, qui pourtant se déroule au milieu de graves incertitudes de mise au point, ne conduise pas des établissements qualifiés et expérimentés à renoncer à des activités de soins indispensables du fait d'un défaut de financement insurmontable.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargé de l'organisation territoriale et des professions de santé publiée le 07/06/2023

Réponse apportée en séance publique le 06/06/2023

Mme le président. La parole est à M. Alain Richard, auteur de la question n° 727, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. Alain Richard. Madame la ministre, je vous adresse un signal d'alarme en ce qui concerne la mise au point de la tarification des soins médicaux et de rééducation (SMR), en particulier dans le contexte de l'Île-de-France.

La réforme du financement, qui était souhaitée et qui a été longuement concertée, n'est pas encore au point alors qu'elle doit entrer en vigueur le 1er juillet prochain. Elle soulève deux inquiétudes pour les cliniques d'Île-de-France.

Le premier sujet d'inquiétude est celui de certains surcoûts que nous voyons bien en matière de main-d'oeuvre : la compétition, assez forte, entraîne une obligation de suivre les niveaux de rémunération pour garder le personnel. Naturellement, un autre surcoût est celui de l'immobilier, si bien qu'une évaluation faite entre les organisations professionnelles et le ministère constate des charges 10 % plus élevées pour le fonctionnement des cliniques en Île-de-France.

Le second sujet d'inquiétude est que ces établissements sont des supports indispensables des services hospitaliers de pointe pour accueillir les malades dès la fin des soins intensifs. Si on ne tient pas compte des charges spécifiques aux actes médicaux les plus intenses que sont la cancérologie, la cardiologie et la neurologie, ces établissements, qui ont déjà du mal à équilibrer leurs comptes, fonctionneront à perte : le risque est sérieux que certains de ces services ne soient fermés et que l'offre de soins ne disparaisse.

Quelles dispositions le Gouvernement a-t-il prévues de manière qu'on ne se trouve pas dans cette impasse ?

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, comme vous le soulignez, les premières études d'impact concernant cette réforme ont pu faire apparaître des pertes de ressources pour certains établissements SMR de la région Île-de-France.

Toutefois, il convient de souligner qu'il s'agit de projections qui ne sont en rien figées. Elles ont justement pour finalité de servir de base de travail et doivent permettre l'ajustement des paramètres associés dans le cadre de la mise en oeuvre des nouvelles modalités de financement. Une nouvelle version amendée est ainsi en préparation, laquelle devrait permettre de corriger les distorsions les plus manifestes tout en donnant davantage de visibilité pluriannuelle aux acteurs.

Par ailleurs, si l'application de la réforme est bien prévue pour le 1er juillet 2023, il est important de rappeler que le nouveau modèle n'est pas d'application immédiate.

Ainsi, afin de simplifier et de stabiliser la campagne budgétaire pour l'ensemble des acteurs, les vecteurs actuels de financement seront maintenus jusqu'à la fin de l'année, notamment les prix de journée pour le ex-OQN (ex-objectif quantifié national).

L'application des impacts de la réforme sera faite a posteriori, selon une méthodologie partagée avec les fédérations d'établissements SMR et les agences régionales de santé (ARS). La méthode retenue évitera la reprise des crédits déjà alloués aux établissements durant la campagne au titre de l'exercice 2023.

Un mécanisme de transition visant par ailleurs à amortir les impacts de la réforme et à sécuriser les trajectoires financières des établissements est prévu sur trois ans. Cette période doit justement permettre d'affiner les nouvelles modalités de financement afin de prendre en compte dans leur complexité l'ensemble des enjeux de filières et de territoires pour les SMR.

Concernant les surcoûts induits par les conditions propres à l'Île-de-France, le coefficient géographique sera bien pris en compte dès l'application de la réforme.

Concernant les activités spécifiques dont vous soulignez, à juste titre, la valeur ajoutée dans la prise en charge des patients, mais également les surcoûts spécifiques au regard de la charge en soins associée, des groupes de travail nationaux sont prévus afin de s'assurer de leur juste prise en compte dans le modèle.

Des travaux sont encore en cours sur les grilles tarifaires des séjours, qui seront applicables dans le futur modèle. Ils ont vocation à identifier les situations qui apparaissent de manière systématique insuffisamment valorisées et qui doivent faire l'objet d'ajustements en amont de la publication des prochains tarifs.

Mme le président. La parole est à M. Alain Richard, pour la réplique.

M. Alain Richard. Je remercie Mme la ministre des éclaircissements qu'elle a donnés : ils montrent une réelle prise en compte par le Gouvernement des enjeux spécifiques à ces catégories d'établissement. Heureusement qu'une période de glissement avant l'application de la nouvelle réforme aura lieu. Je ne peux que former le voeu que la discussion se conclue positivement pour tout le monde.

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