Question de Mme FÉRET Corinne (Calvados - SER) publiée le 22/06/2023

Mme Corinne Féret attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées sur le décret n° 2022-257 du 23 février 2022 modifiant les règles de cumul de la pension d'invalidité avec d'autres revenus.
Pour rappel, cette pension d'invalidité vient en compensation d'une perte durable de capacité de travail, du fait de difficultés de santé. Elle est destinée à garantir à l'invalide un revenu décent. Elle peut être cumulée à une activité professionnelle à temps partiel et à une couverture prévoyance. Aujourd'hui, afin d'inciter à la reprise d'activité, lorsque le cumul du revenu d'activité et de la pension d'invalidité dépasse le revenu perçu avant la mise en invalidité, la pension n'est réduite que de la moitié du dépassement constaté, au lieu de l'intégralité auparavant.
Cependant, le décret de février 2022 a introduit d'autres nouveautés : si le cumul est toujours comparé aux revenus perçus avant la mise en invalidité, il est désormais limité au plafond annuel de la Sécurité sociale (PASS). De plus, alors que la comparaison sur une base trimestrielle, avec baisse de pension après 2 trimestres de dépassement, permettait de réduire l'impact des primes exceptionnelles et des modulations de temps de travail nécessaires à certains, du fait des fluctuations de leur état de santé, ce n'est plus le cas avec la comparaison sur base annuelle instaurée par ce décret.
En pratique, dans le Calvados comme ailleurs, la mise en place d'un plafonnement au PASS, que rien ne justifie dans la mesure où la pension d'invalidité est une prestation contributive pour laquelle les salariés cotisent sur l'assiette totale de leurs revenus, amène les personnes concernées à subir une diminution importante, voire une suspension totale de leur pension d'invalidité. Rappelons que cette dernière entraîne de facto la suspension du versement des rentes de prévoyance, puisque celles-ci sont assujetties au versement d'une pension d'invalidité. Les travailleurs handicapés concernés sont donc doublement pénalisés alors qu'ils ont, comme les entreprises qui les emploient, cotisé pendant des années dans le cadre de contrats de prévoyance.
Tout ceci va à l'encontre de l'esprit de la réforme, qui visait à favoriser le cumul emploi-ressources et le retour ou le maintien dans l'emploi des personnes en situation de handicap. Au-delà des répercussions sur certains pensionnés, le signal qui est donné est très négatif, incitant les personnes qui « gagnent bien » leur vie à limiter ou même quitter leur activité pour ne pas perdre de revenus. Alertée par ses adhérents, la fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH) s'est mobilisée dès octobre 2022 pour dénoncer cette situation et la faire évoluer, allant jusqu'à proposer un projet de décret rectificatif.
Convaincue que le maintien dans l'emploi ou la reprise d'une activité adaptée aux personnes devenues invalides en raison d'une maladie ou d'un accident doivent être encouragés, elle lui demande les mesures qu'elle entend prendre afin de réviser rapidement certaines règles de calcul de la pension d'invalidité introduites par le décret de février 2022.

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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé des personnes handicapées publiée le 13/07/2023

La pension d'invalidité vise à compenser la perte conséquente de gains ou de capacité de travail. En fonction de la situation de l'assuré, cette pension équivaut à 30%, pour les pensionnés d'invalidité relevant de la 1ère catégorie, ou 50 % du revenu moyen calculé sur les dix meilleures années civiles de salaire, pour les pensionnés d'invalidité de catégorie 2 ou 3. La réforme mise en oeuvre par le décret n° 2022-257 du 23 février 2022, vise à introduire davantage de justice pour les assurés qui souhaitent conserver ou reprendre une activité rémunérée après leur passage en invalidité afin de permettre que toute heure travaillée conduise à un gain financier. Avant cette réforme, les règles de cumul n'étaient en effet pas favorables à la reprise d'activité dans la mesure où les revenus cumulés des pensionnés d'invalidité – revenus d'activité et pension d'invalidité – ne pouvaient jamais dépasser un certain seuil. Ce seuil, dit de comparaison, était alors fixé au niveau du dernier revenu dont les assurés disposaient au cours de l'année précédant leur passage en invalidité. Depuis la réforme, ces pensionnés d'invalidité exerçant une activité professionnelle et dont les revenus cumulés dépassent le seuil de comparaison ne voient plus leur pension d'invalidité diminuer que de moitié. Il est rappelé qu'avant la réforme, la pension était réduite du montant du dépassement du seuil de comparaison, jusqu'à parfois être totalement supprimée dans certains cas de figure. Par ailleurs et pour éviter de pénaliser les assurés ayant connu une réduction d'activité avant leur passage en invalidité, le seuil de comparaison peut désormais être fixé soit au niveau du salaire de la dernière année d'activité avant le passage en invalidité, soit au niveau du salaire annuel moyen des dix meilleures années d'activité, selon la règle la plus favorable à l'assuré. Ainsi, la réforme a introduit la mise en place d'un seuil alternatif. Enfin, ce seuil de comparaison est désormais limité au plafond de la sécurité sociale, soit 3 666 euros bruts par mois en 2023, soit une augmentation de 6,9 % par rapport au niveau de 2022. C'est sur ce point plus spécifique que des inquiétudes sont formulées. En effet, certains assurés, dont les revenus étaient supérieurs au plafond de la sécurité sociale, sont susceptibles de voir leurs revenus diminuer du fait de la réforme. Le choix de la mise en place d'un plafonnement de ce salaire de comparaison parait justifié au Gouvernement pour deux raisons : la première de ces raisons réside dans le principe même de la pension d'invalidité qui est un revenu de remplacement lié à la perte de capacité de gain des assurés. Il s'agit donc d'une prestation sociale qui n'a pas vocation à compléter des revenus d'activité au-delà d'un certain seuil. Par ailleurs, la réforme n'entraine pas une suppression systématique de la pension des assurés dont les revenus seraient plafonnés. Ils peuvent en effet cumuler leur revenu d'activité plafonné et une pension d'invalidité qui n'est réduite qu'à hauteur de la moitié du dépassement du seuil de comparaison, ce qui permet un cumul partiel. En outre, le calcul de la plupart des prestations contributives de sécurité sociale, est fondé sur la prise en compte d'un revenu plafonné ; la deuxième de ces raisons repose sur le fait que cette réforme a fait plus de gagnants que de perdants. En novembre 2022, seul 1 % du total des pensionnés d'invalidité ont fait l'objet d'une réduction de pension en raison du plafonnement du seuil de comparaison. Ces perdants conservent par ailleurs un niveau de ressources satisfaisant, dans la mesure où ils ont des revenus au moins supérieurs à 3 666 €. En revanche, l'application du seuil de comparaison au niveau du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) a permis à près de 8 % des pensionnés d'invalidité et 26 % de ceux qui exercent une activité professionnelle de voir une augmentation de leurs revenus. C'était l'objectif de la réforme et il est ici pleinement rempli. Il existe toutefois quelques situations où les personnes voient leur montant de pension d'invalidité baisser voire ramener à zéro, ces situations méritent d'être expertisées et une réponse sera apportée si des erreurs étaient constatées. Aussi, des mesures rectificatives sont envisagées. Sans revenir sur le fondement du mécanisme de plafonnement qui est un principe appliqué aux différentes prestations sociales, il pourra être relevé pour permettre le maintien des pensions d'invalidité à la grande majorité des perdants actuels de la réforme. Par ailleurs, le changement des modalités de calcul n'aurait pas dû entraîner de réclamation d'indus de la part des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM). Des instructions ont été envoyées à l'ensemble du réseau des CPAM afin de ne pas notifier les indus. Ainsi, les personnes concernées n'en paieront pas. Cela avait été un engagement pris lors du vote de la réforme. Enfin, certains assurés ont signalé une interruption du versement de la part complémentaire, attribuée par leur organisme de prévoyance, en raison de l'abaissement à zéro de leur pension d'invalidité, alors même que leurs droits sont ouverts. Les organismes complémentaires de prévoyance seront conviés pour échanger avec eux sur ce sujet, leur partager l'analyse juridique du Gouvernement et leur exprimer le souhait de ce dernier de trouver une solution rapide et concrète à ce désengagement de leur part.

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