Question de Mme FÉRET Corinne (Calvados - SER) publiée le 22/06/2023
Mme Corinne Féret attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la situation de la psychiatrie en France.
En 2017, la ministre de la santé de l'époque reconnaissait « l'abandon de la psychiatrie ». Six ans plus tard, rien n'a changé. Année après année, les lois de financement de la sécurité sociale n'apportent pas de réponse permettant d'améliorer la situation de ce secteur. Dans les faits, les personnels exercent dans des conditions difficiles, encore dégradées à l'issue de la crise de la covid-19, qui a accru la détérioration de la santé mentale. L'usage de psychotropes et de mesures de contention augmente, dénoncé par les médecins eux-mêmes, qui n'ont pas d'autre choix et, globalement, la prise en charge des patients se dégrade. Des enfants et leurs parents souffrent du manque d'accompagnement, alors que les files d'attente s'allongent dans les centres médico-psychologiques et médico-psycho-pédagogiques.
Manifestement, la mesure de l'urgence et de la gravité de la situation de crise que connaît la psychiatrie publique est loin d'être prise en compte, les établissements étant confrontés à des départs massifs et sans précédent de praticiens et de personnels soignants non médicaux. Partout, les fermetures de lits, voire d'unités entières, se multiplient, forçant à des restructurations particulièrement délétères pour la prise en charge des patients.
Ce faisant, dans notre pays, il n'est pas rare de croiser des personnes relevant de la psychiatrie ou de structures dédiées au handicap mental errer dans les rues. Or tous nos concitoyens devraient avoir accès à la prévention et aux soins. Cette absence de prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques n'est évidemment pas sans conséquence, comme en témoigne la récente agression qui a coûté la vie à une infirmière au centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims.
Dans le Calvados, à Caen, les équipes de l'établissement public de santé mentale (EPSM) ne cessent d'alerter sur le manque de personnel, les fermetures de lits et le manque de financements qui, là aussi, portent atteinte à leur sécurité puisque, début juin, un malade a réussi à mettre le feu à sa chambre et à en saccager deux autres, trois agents devant être conduits aux urgences.
Il n'est pas normal de travailler dans la violence et la peur. Aussi, elle souhaiterait connaître la stratégie du Gouvernement pour répondre aux besoins urgents de la psychiatrie publique, qui s'expriment dans le Calvados comme sur l'ensemble du territoire national.
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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargé des personnes handicapées publiée le 05/07/2023
Réponse apportée en séance publique le 04/07/2023
Mme le président. La parole est à Mme Corinne Féret, auteure de la question n° 770, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Corinne Féret. Madame la ministre, en 2017, la ministre de la santé de l'époque reconnaissait l'abandon de la psychiatrie. Près de six plus tard, rien n'a changé.
Le personnel exerce dans des conditions difficiles, qui se sont encore dégradées à l'issue de la crise de covid-19, laquelle a d'autant plus détérioré la santé mentale des adultes comme des plus jeunes. Ainsi, des enfants et leurs parents souffrent d'un manque d'accompagnement et les files d'attente s'allongent dans les centres médico-psychologiques ou médico-psycho-pédagogiques.
Manifestement, l'urgence et la gravité de la crise que connaît la psychiatrie publique sont loin d'être prises en compte. Les établissements sont confrontés à des départs massifs et sans précédent de praticiens et de personnels soignants non médicaux. Partout, les fermetures de lits, voire d'entités entières, se multiplient, forçant les directions à des restructurations particulièrement délétères pour la prise en charge des patients.
Les retards ou les défauts de prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques ne sont évidemment pas sans conséquence, comme en témoigne la récente agression qui a coûté la vie à une infirmière au centre hospitalier universitaire de Reims.
Dans le Calvados, au début du mois de juin dernier, au sein de l'établissement public de santé mentale (EPSM) de Caen, un malade a réussi à mettre le feu à sa chambre et à en saccager deux autres. Résultat : trois agents ont dû être conduits aux urgences. On vient d'apprendre que cet été, faute de médecins, l'établissement va devoir fermer l'un de ses services, quelques semaines après avoir fermé temporairement vingt-huit lits dans trois unités.
Les équipes ne cessent d'alerter les autorités, en vain, sur cette situation, qui porte atteinte à leur sécurité et à celle des patients. Ce personnel, déjà sous tension, n'a pas à travailler dans la peur.
Aussi, madame la ministre, je souhaiterais connaître la stratégie du Gouvernement pour répondre aux besoins urgents de la psychiatrie publique, en particulier dans le Calvados et plus précisément à l'EPSM de Caen.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, la stratégie d'ensemble pour la santé mentale, qui est une priorité de notre action, est déployée depuis 2018. En 2026, elle aura mobilisé 3,3 milliards d'euros et aura entraîné des réformes et des actions importantes pour la prévention, le parcours de soins et l'inclusion sociale.
La psychiatrie a toute sa place au coeur de cette stratégie. Mais nous n'ignorons rien de la crise qu'elle traverse, qui est multifactorielle. Aujourd'hui, la question est non pas celle des moyens et des financements, mais celle de la capacité à trouver le personnel médical et paramédical nécessaire. En effet, si la démographie médicale est aujourd'hui globalement défavorable, celle de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie l'est encore plus.
Aussi, pour rénover l'attractivité de cette filière et afin que les futurs médecins soient toujours plus nombreux à la rejoindre, des mesures structurantes à moyen et à long termes ont été engagées : suppression du numerus clausus ; passage de quatre ans à cinq ans du diplôme d'études spécialisées (DES) de psychiatrie ; augmentation du nombre de postes de chefs de clinique et de personnels hospitalo-universitaires titulaires en pédopsychiatrie ; renforcement et valorisation de la recherche et de la formation ; recrutement d'infirmiers en pratique avancée en psychiatrie...
Dans l'immédiat, nous nous attachons à optimiser les organisations et les ressources humaines par des réformes structurantes du financement et des autorisations en psychiatrie, par le déploiement de projets territoriaux de santé mentale (PTSM), par la généralisation des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), par l'appui de psychologues volontaires et conventionnés du dispositif « Mon Psy ».
Nous renforçons ainsi l'articulation entre les premières lignes généralistes et l'offre spécialisée, entre l'offre publique et l'offre privée. Nous encourageons la délégation de tâches et nous développons les politiques de prévention de la souffrance psychique et des crises, ce qui contribue à protéger l'hôpital et les services d'urgence.
Le sujet de la sécurité des soignants, que vous avez mentionné, est un autre enjeu qu'il ne faut pas mélanger avec celui que je viens d'évoquer. Ce sont deux questions distinctes. Le ministre François Braun travaille bien sûr pour sécuriser les urgences.
Mme le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je veux insister sur le fait qu'il y a urgence à agir, aussi bien pour les agents hospitaliers et les patients déjà pris en charge que pour les personnes qui devraient l'être.
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