Question de M. DURAIN Jérôme (Saône-et-Loire - SER) publiée le 06/07/2023
Question posée en séance publique le 05/07/2023
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jérôme Durain. Monsieur le ministre de l'intérieur, la semaine dernière, un enfant est mort.
Cette mort est tragique, et nous pensons à la douleur de la famille de Nahel. Cette mort a eu des conséquences collectives terribles. Des quartiers se sont embrasés, partout en France et en Île-de-France, dans de grandes villes comme dans de plus petites communes. Nos forces de l'ordre ont rétabli le calme ; il faut les en remercier. Une colère, compréhensible au début, s'est transformée progressivement en haine aveugle, propice aux pillages.
Les sénatrices et sénateurs socialistes ont évidemment appelé au calme, car la République ne peut exister sans ordre. Cependant, elle ne peut pas reposer que sur l'ordre.
Le concours Lépine des postures autoritaires nous laisse entre colère et hébétude : « Deux claques et au lit », une cagnotte par-ci, une milice par-là, une dose de « régression ethnique » : c'est l'incendie après l'incendie. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Roger Karoutchi s'exclame.)
C'est à vous que j'adresse ma question, monsieur le ministre de l'intérieur, puisque vous êtes aux responsabilités, mais c'est une question à laquelle nous devons tous répondre. Une grande partie de la jeunesse paie aujourd'hui notre échec collectif à faire rayonner la République. Nous n'avons pas désamorcé les bombes plantées dans les fondations de notre société.
Les causes de cet échec sont multiples et variées. Certains refusent que l'on se penche sur ce problème, mais si nous ne nous posons pas les bonnes questions, nous ne trouverons pas les justes réponses.
Les questions qui sont posées sont légion : la politique de la ville, les discriminations, le difficile rôle des maires en première ligne... Pour ma part, monsieur le ministre, je veux vous interroger sur ce qui a mis le feu aux poudres : les relations entre police et population.
À la fin de l'année 2020, un Beauvau de la sécurité était convoqué sur ces sujets. Certes, des choses utiles en sont sorties pour la police - nous avons d'ailleurs adopté la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) -, mais force est de constater que toute la population, tant s'en faut, n'est pas réconciliée avec sa police.
Aussi, monsieur le ministre, comment comptez-vous désormais améliorer concrètement les rapports entre police et population ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. - Mme Esther Benbassa applaudit également.)
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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 06/07/2023
Réponse apportée en séance publique le 05/07/2023
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur Durain, à Nanterre, il y a eu un drame. Et je crois que mes premiers mots en tant que ministre de l'intérieur, tout comme ceux de Mme la Première ministre, évidemment, étaient des mots de transparence et d'équilibre. En effet, si l'on soutient les forces de l'ordre - je pense que vous le faites autant que nous -, il faut savoir dire les choses et ne pas mentir aux Français.
La justice passe. Le policier en cause, dont je tiens à souligner qu'il bénéficie toujours de la présomption d'innocence, a été placé en garde à vue, puis mis en examen. Il existe donc des indices graves et concordants laissant supposer qu'il serait responsable, en dehors de la loi de la République et de la déontologie, de la mort de ce jeune homme. Ce policier est en détention provisoire.
Cela dit, je veux aussi avoir une pensée pour les 800 policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers qui ont été blessés pendant ces quatre jours d'émeutes ; ils ont été courageux, à la hauteur de la confiance que la Nation leur accorde.
Bien sûr, on peut toujours améliorer le travail de la police et de la gendarmerie, monsieur le sénateur. Évidemment, il y a toujours des efforts à faire. Mais se concentrer sur le comportement de la police, comme je l'entends parfois faire depuis plusieurs heures, est-ce la seule réponse aux difficultés et aux violences que nous connaissons ?
Si tel est le cas, pourquoi a-t-on attaqué des sapeurs-pompiers ? Ils ne contrôlent personne - ils sauvent tout le monde ! Pourquoi a-t-on attaqué 78 postes de police municipale ? Les polices municipales ne suivent pourtant pas les mêmes consignes que la police et la gendarmerie nationales... Pourquoi a-t-on attaqué des élus ? Tutoyaient-ils ces délinquants, ou ont-ils été particulièrement discriminatoires ? Pourquoi les émeutiers ont-ils attaqué des médiathèques et des écoles ? Pourquoi ont-ils pillé des commerces ?
Cessons de trouver toujours des excuses dans le comportement de la police ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.)
Si la police doit se réformer, monsieur Durain - je sais que je parle à un républicain -, elle ne doit en revanche pas servir de bouc émissaire si l'on veut poser les bonnes questions. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Franck Montaugé. Il n'a pas dit ça !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.
M. Jérôme Durain. Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à ma question. Je vous la poserai donc de nouveau tout à l'heure, lors de votre audition par notre commission des lois.
Alors que soufflent des vents mauvais, des vents sécuritaires (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.), alors que certains syndicats policiers s'égarent en publiant des tracts inquiétants, nous vous demandons, monsieur le ministre, de tenir bon sur les principes républicains de la police et sur les principes de la République tout entière ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)
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