Question de Mme CONWAY-MOURET Hélène (Français établis hors de France - SER) publiée le 27/07/2023

Mme Hélène Conway-Mouret interroge Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les actions menées par notre pays en faveur de la francophonie.

La francophonie connaît une forte croissance : le nombre de locuteurs devrait passer de 320 millions aujourd'hui à 770 millions en 2050, soit 8 % de la population mondiale. Le français est la 5e langue la plus parlée dans le monde et est présente sur les cinq continents (notamment en République démocratique du Congo, au Maroc, au Canada et en Belgique). Sur le plan économique, l'ensemble des pays francophones et francophiles représente environ 16,5 % du produit intérieur brut mondial et détient près de 15 % des réserves de ressources minières et énergétiques.

Pourtant, dès 2014, dans son rapport présenté au Président de la République intitulé « La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable », un éminent économiste et haut fonctionnaire constatait que « le potentiel économique de la francophonie {était} insuffisamment exploité par la France » et que « faute d'un effort majeur, on pourrait assister à un recul de l'espace francophilophone. »

En effet, alors qu'il est établi que deux pays partageant des liens linguistiques tendent à échanger environ 65 % plus que s'ils n'en avaient pas, la France semble encore sous-estimer l'importance des échanges avec les pays francophones et francophiles.

Dans la perspective du prochain sommet de la francophonie en 2024, qui se tiendra en France pour la première fois depuis plus de trente ans, il serait souhaitable de définir enfin notre vision et de prendre des mesures concrètes à la hauteur de cette ambition afin de « bâtir une aire d'interactions » comme l'ont souligné les membres de la commission de l'enseignement, des affaires culturelles, de la francophonie et de l'audiovisuel extérieur de l'assemblée des Français de l'étranger (AFE).
De nombreux étudiants et chercheurs francophones rencontrent encore d'importantes difficultés pour obtenir ou renouveler leur visa et se tournent de fait vers d'autres pays, tels que le Canada, dont les dispositifs d'accueil sont plus propices à l'attraction des jeunes talents. Il serait donc souhaitable de rendre l'obtention d'un visa étudiant quasi automatique pour les jeunes francophones ayant obtenu le droit de poursuivre leurs études en France. La mise en place d'un « visa étude et recherche francophone » qui faciliterait ces parcours au sein de la zone francophone, ou encore d'un programme « Erasmus francophone » susceptible d'encourager les échanges étudiants au sein de cette zone, proposée dans une résolution par les élus à l'AFE lors de la 38e assemblée, serait une piste pour renforcer les liens avec des étudiants souvent formés par le système éducatif francophone et ainsi l'attractivité de l'enseignement supérieur en langue française. Il serait également opportun que les conseillers des Français de l'étranger soient associés aux travaux préparatoires du sommet de la francophonie précédemment cité.

Elle souhaiterait connaître la position du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sur ces suggestions.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 02/11/2023

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) met en oeuvre et soutient de nombreux dispositifs et programmes destinés à favoriser la mobilité des étudiants et chercheurs issus des régions francophones. Les étudiants provenant de régions francophones (Maghreb, Afrique subsaharienne) représentent actuellement le plus important contingent d'étudiants en mobilité en France, comme le montrent les derniers chiffres publiés le 5 juillet 2023 par la sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (SIES/MESR). Ces chiffres ne comptabilisent pas les étudiants étrangers résidant déjà en France : seuls sont comptabilisés les étudiants de nationalité étrangère qui sont venus en France spécifiquement pour y suivre leurs études après une scolarité dans leur pays d'origine. On observe ainsi que les zones d'Afrique subsaharienne et du Maghreb représentent 48,8% de la mobilité. Ces effectifs sont croissants chaque année : les chiffres du SIES/MESR publiés en septembre 2022 montraient en effet une forte augmentation entre 2016 et 2021 de la mobilité étudiante issue des pays d'Afrique subsaharienne : Sénégal +62 %, Côte d'Ivoire +50 %, Cameroun +30 %, Congo-Brazzaville +56 %, Gabon +35%, Bénin +73 %. Par ailleurs, pour faciliter cette mobilité, ce sont aux étudiants issus de ces régions francophones qu'est attribué le plus grand nombre de bourses par les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) de nos postes diplomatiques : le budget bourses des SCAC d'Afrique subsaharienne représente 27,4 % du budget bourses des SCAC et celui des trois pays du Maghreb représente 11,8 %, soit un total de 39,2 %. Ces régions bénéficient également de bourses attribuées dans le cadre des programmes centraux (Eiffel, « Make Our Planet Great Again » - MOPGA, etc.) ainsi que, pour l'Afrique subsaharienne, de programmes spécifiques comme le programme de mobilités croisées, livrable du Nouveau Sommet Afrique France, ou le dispositif des bourses régionales (intra-africaines). Le MEAE fait également partie de la commission de labellisation du Label « Qualité FLE » (français langue étrangère), aux côtés du ministère de la culture, du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et de France éducation. Ce label étatique garantit une formation de qualité aux étudiants internationaux et contribue ainsi à améliorer l'attractivité et l'accueil en France de ces publics qui souhaitent améliorer leur niveau de français. En outre, la mobilité des enseignants est un des outils utilisés par les postes diplomatiques dans le cadre de la coopération éducative pour encourager les échanges d'expertise au service de la formation des enseignants, mais également des formateurs et cadres des ministères chargés de l'éducation. Des partenariats sont ainsi mis en place entre le Réseau des Instituts nationaux du professorat et de l'éducation (INSPé) et les institutions en charge de la formation dans les pays partenaires. Des mobilités d'enseignants sont également soutenues dans le domaine de l'enseignement technique et professionnel, comme le montrent les exemples ci-dessous : - au Bénin, l'accent est mis sur la formation agricole et rurale. Dans ce cadre, l'académie de Versailles accueille, depuis 2021, 24 élèves-enseignants pour quatre années d'études en France, pour un parcours personnalisé du BTS à la licence professionnelle puis au master métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF) ; - en Centrafrique, le partenariat avec le Groupement d'intérêt public de formation de l'Académie de Rennes (GIP-FAR) a permis la mise en place de mobilités croisées de personnels enseignants et d'encadrement dans le cadre de la modernisation de 5 filières de formation professionnelle ; - au Sénégal, le récent séminaire intergouvernemental franco-sénégalais (2022) a été l'occasion de renforcer l'accord de partenariat entre le Réseau-INSPé et le réseau des Centres Régionaux de Formation des Personnels de l'Éducation (CRFPE) au Sénégal. La réforme de la formation des enseignants, axe majeur du partenariat, permet la mise en place de mobilités, d'expertise technique, d'enseignants et d'étudiants dans le cadre de formation visant une codiplômation (co-tutelle de doctorat, Master conjoint) au travers de jumelages entre les deux réseaux. Plusieurs pays d'Afrique tentent, dans un contexte budgétaire et éducatif difficile, de relever le défi d'une bonne maîtrise de la langue française en mettant en place d'ambitieuses politiques de formation. Au niveau multilatéral, le programme de mobilités d'enseignants francophones africains de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), lancé en 2020 et soutenu par la France, est prometteur pour la coopération éducative francophone. Il propose un appui aux besoins en formation des enseignants, en valorisant une mobilité à travers une coopération sud-sud et intra-africaine. Il permet de renforcer les capacités des établissements d'un pays donné, en palliant un manque ponctuel d'enseignants qualifiés de et en français au sein de son système éducatif. Une contribution exceptionnelle de la France de 1,5 million d'euros sur ce programme a été versée à l'OIF fin 2022, et une nouvelle contribution exceptionnelle de 700 000 euros a été fléchée sur ce programme au titre de 2023. Ce programme est actuellement déployé au Rwanda (50 professeurs) et au Ghana (20 professeurs) avec le soutien des postes diplomatiques. Après de premiers résultats tangibles, l'extension de ce programme à d'autres pays devrait se réaliser en 2024. Un appel à candidatures a d'ores et déjà été lancé par l'OIF pour un déploiement du programme aux Seychelles, à partir de janvier 2024. Enfin, avec une contribution de 21 831 045 euros pour l'exercice 2023, la France est le premier contributeur de l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), opérateur de la Francophonie multilatérale pour l'enseignement supérieur et la recherche. Créée il y a 60 ans, l'AUF regroupe plus de 1 000 universités, grandes écoles, réseaux universitaires et centres de recherche scientifique utilisant la langue française dans 115 pays (au-delà des frontières de l'espace francophone institutionnel et du périmètre de l'Organisation internationale de la Francophonie, notamment en Algérie, avec 67 établissements membres, en Chine, au Brésil et en Inde) et est l'une des plus importantes associations d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche au monde. L'AUF favorise la solidarité entre les établissements d'enseignement supérieur et de recherche et vise à renforcer davantage les échanges universitaires et scientifiques francophones. S'agissant de la proposition de mise en place d'un visa étude et recherche francophone quasi-automatique, il convient de noter que la définition des différentes catégories de visas et titres de séjour relève des attributions du ministère de l'intérieur et des outre-mer, en fonction de chaque public : étudiant, chercheur, stagiaire etc. En l'occurrence, l'attribution automatique d'un visa en raison de l'appartenance à une catégorie définie reviendrait à créer un droit de séjour que le législateur n'a pas prévu à ce stade. Le fait d'envisager de délivrer des visas fondés sur la notion de Francophonie se heurterait, par ailleurs, à plusieurs difficultés, tenant en particulier à la définition même de ce que recouvre la Francophonie et du critère utilisé pour caractériser celle-ci. L'établissement d'une distinction dans le traitement des demandes en fonction de la nationalité, si ce critère était retenu, serait ainsi discriminatoire. La délivrance automatique d'un « visa francophone » apparaît enfin difficilement conciliable avec le nécessaire examen individuel des demandes, dont la finalité est, entre autre, de s'assurer de la réalité du motif et de la faisabilité du séjour en France par la production de justificatifs (inscription, capacité financière, logement) ainsi que de l'absence de risque sécuritaire. En matière d'enseignement supérieur et de recherche, une telle mesure comporterait le risque inhérent de faire le jeu d'établissements supérieurs peu sérieux, acceptant des étudiants internationaux et leur dispensant des formations dont la qualité n'est pas avérée. Les pays de la Francophonie, dont les mobilités étudiantes vers la France ont sensiblement augmenté ces dernières années, font l'objet d'une attention particulière, au regard des différents critères étudiés par les services consulaires. De leur côté et dans le cadre de la procédure « Etudes en France », les services culturels de nos ambassades analysent les dossiers de candidature et émettent un avis, dont les critères essentiels sont le niveau de français et la cohérence du projet d'études. Enfin, dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie interministérielle « Bienvenue en France » (2018-2027), le MEAE veille à maintenir l'Afrique parmi les zones géographiques prioritaires concernant les régions de provenance des étudiants et chercheurs internationaux, aux côtés de l'Europe et de l'Indopacifique.

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