Assurance décennale et filière photovoltaïque

Question de M. MENONVILLE Franck (Meuse - Les Indépendants) publiée le 27/07/2023

M. Franck Menonville attire l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur les difficultés à trouver une assurance pour les professionnels du bâtiment en matière de transition énergétique.
Les entreprises de la filière photovoltaïque rencontrent depuis plusieurs années des difficultés relatives à l'obtention d'assurances décennales, en raison d'une série de sinistres qu'a subie la filière. Bien que les procédés techniques se soient nettement améliorés, force est de constater que ces difficultés subsistent.
En effet, ces procédés sont soumis à un processus de délivrance d'évaluations techniques du centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), garantissant la qualité de conception. Des évolutions dans ce processus ont déjà permis de lever certains obstacles à l'assurabilité des installations photovoltaïques, comme par exemple en définissant des techniques courantes, mais selon les professionnels du bâtiment, il existe encore beaucoup de procédés qui ne sont pas assurables.
Ainsi, l'activité de pose de panneaux photovoltaïques sur nos territoires est limitée malgré la demande et les investissements publics possibles.
Il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement sur les solutions et les garanties qu'il pourrait apporter aux entreprises afin de débloquer la situation des assurances décennales des professionnels de la transition énergétique.

Publiée dans le JO Sénat du 27/07/2023 - page 4648

Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie

Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie publiée le 09/05/2024

L'assurance décennale, rendue obligatoire par la loi Spinetta du 4 janvier 1978 pour tous les professionnels du bâtiment, concerne les vices et dommages pouvant affecter la solidité d'un ouvrage et de ses équipements indissociables et les dommages pouvant affecter l'étanchéité des bâtiments et les rendant impropres à leur utilisation. L'installateur est tenu de fournir une copie de l'attestation d'assurance décennale installeur de photovoltaïque avant le début des travaux. Cette attestation doit comprendre plusieurs mentions, dont le nom du chantier, les travaux couverts, la surface assurée, et la mention "installation photovoltaïque" le cas échéant. Les entreprises de la filière photovoltaïque rencontrent aujourd'hui des difficultés relatives à l'obtention d'assurances décennales, à la suite d'une série de sinistres provoqués par la filière à ses débuts. Afin de résoudre ces difficultés, plusieurs actions ont été menées afin de professionnaliser la filière, de limiter les contre-références et ainsi permettre un retour à la normale de l'assurabilité des chantiers d'installations photovoltaïques. Des obligations de qualification ou certification des installateurs ont été introduites dès 2017 dans la réglementation tarifaire dédiée aux installations de moins de 100 kWc, afin d'assurer une meilleure qualité de mise en oeuvre des installations. En outre, les cahiers des charges des appels d'offres spécifiques à la réalisation d'installations photovoltaïques sur bâtiments de puissance supérieure à 100 kWc, prévoient une obligation de certification des matériels électriques utilisés et une obligation pour les entreprises réalisant les installations de disposer d'une certification et d'une qualification professionnelle reconnues par le comité français d'accréditation (COFRAC). Un dispositif de contrôle à la mise en service a également été mis en place pour toutes les installations photovoltaïques de puissance supérieure à 100 kwc, afin de vérifier la conformité des installations aux dispositions réglementaire. Les critères d'intégration au bâti des installations photovoltaïques ont également été supprimés, quelle que soit la puissance de l'installation, afin de permettre l'utilisation de systèmes photovoltaïques ne remplaçant pas les éléments de couverture, plus simples à mettre en oeuvre et ne nécessitant plus de modifier significativement les éléments de construction assurant l'étanchéité du bâtiment. Enfin, le processus de délivrance des évaluations techniques (ATec) par le groupe d'experts adossé au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a été fluidifié et accéléré afin d'élargir le champ des procédés disposant de cette garantie de qualité de conception. Ces évolutions, ainsi que les actions menées par les organisations professionnelles, ont d'ores et déjà participé à lever certains obstacles à l'assurabilité des installations photovoltaïques. De nombreux systèmes photovoltaïques ont ainsi été reconnus comme des "techniques courantes", ce qui facilite leur assurabilité, par l'Agence qualité construction (AQC), qui regroupe l'ensemble des organisations professionnelles du bâtiment dont la fédération représentant les sociétés d'assurance. En cas de refus d'un assureur de fournir une garantie décennale, l'entreprise peut saisir en dernier recours le Bureau central de tarification (BCT). Cette autorité administrative indépendante a pour rôle de fixer la prime moyennant laquelle l'assureur est tenu de garantir le risque. Les tarifs et la politique commerciale des sociétés d'assurances restent libres et il leur appartient de sélectionner en connaissance de cause les risques qu'elles acceptent de couvrir et de définir leurs critères de tarification, en fonction notamment des informations qu'elles auront pu obtenir des assurés sur les installations effectuées. Au-delà de leurs actions de facilitation, les pouvoirs publics n'ont pas vocation à intervenir pour imposer à un assureur de contracter des engagements dont il doit rester libre d'apprécier la portée. L'administration poursuit ses échanges avec les assureurs et les professionnels du bâtiment afin de permettre une amélioration continue de cette situation afin d'adapter la réglementation aux risques (formation des installateurs, méthodes d'évaluation des procédés, intégration au bâti…). Enfin, le Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique est actuellement en train de finaliser un rapport sur l'évolution du système assurantiel français face aux enjeux posés par le dérèglement climatique. Ce rapport vise, entre autres, à réfléchir aux moyens de garantir à l'avenir l'assurabilité des particuliers, entreprises, collectivités territoriales et des écosystèmes face aux risques climatiques. L'assurabilité du photovoltaïque, enjeu majeur pour la décarbonation de l'énergie, sera donc inclus dans ce rapport.

Publiée dans le JO Sénat du 09/05/2024 - page 2123