Question de M. SAUTAREL Stéphane (Cantal - Les Républicains-A) publiée le 14/09/2023

M. Stéphane Sautarel attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion concernant l'adaptation du droit du travail au secteur de l'abattage.
En effet, les entreprises du secteur de l'abattage peuvent rencontrer des difficultés de recrutement. Le plus souvent, les entreprises doivent faire appel à des salariés de prestataires extérieurs parce qu'elles ne disposent pas de la main-d'oeuvre qualifiée pour certaines missions spécifiques, et ce, en dépit des recrutements effectués. Or, les dispositions du code du travail peuvent être un frein. Malgré leur bonne volonté, les entreprises peuvent tomber sous le coup de l'article L. 8241-1 du code du travail relatif au délit de prêt illicite de main-d'oeuvre, ou de l'article L. 8231-1 du code du travail relatif au délit de marchandage. Les contrats de travail peuvent également être considérés comme une main-d'oeuvre à but lucratif masquée sous l'apparence d'un contrat de sous-traitance ou d'un contrat de prestation de services.
Afin de ne pas pénaliser ces entreprises qui peinent déjà à trouver de la main-d'oeuvre qualifiée, il lui demande s'il serait possible d'adapter le droit du travail de manière à prendre en compte les particularités de ce secteur essentiel à notre économique pour ne pas sanctionner les entreprises.

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Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 21/12/2023

Le Gouvernement est conscient des difficultés de recrutement dans le secteur des métiers liés à l'abattage de la viande et met en oeuvre diverses mesures pour accompagner les acteurs de la filière. Il ressort d'un diagnostic finalisé en avril 2023 par l'agence nationale pour la formation professionnelle des adultes dans la filière abattage du département de l'Aveyron qu'elles peuvent être liées à différents facteurs : la mobilité géographique limitée des travailleurs ; un nombre limité de personnes formées aux métiers et des conditions de travail ou de salaire peu attractives. Ces conclusions ont permis de dégager trois axes de travail avec les entreprises, les acteurs de la branche et les acteurs emploi formation du département : l'attractivité des métiers ; l'accueil et l'accompagnement en entreprise des nouveaux embauchés et l'amélioration des conditions de travail. Deux forums Emploi ont ainsi été organisés afin d'agir sur les représentations des publics pour attirer plus de candidats et de même qu'un colloque sectoriel pour partager les bonnes pratiques en matière d'accueil, d'intégration et d'accompagnement des nouveaux salariés (construction de parcours d'intégration ; recours au tutorat et à l'action de formation en situation de travail. Les entreprises ont également été accompagnées afin de réduire la pénibilité des postes de travail sur les chaînes de production. Enfin, dans le cadre de la Charte emploi pour l'accompagnement de la filière alimentaire, il est prévu d'accompagner de manière expérimentale un ou deux abattoirs en Franche-Comté et en Nouvelle Aquitaine par la mise en place d'une démarche de marque employeur afin de professionnaliser chaque maillon de la chaîne de recrutement (attractivité, recrutement, intégration, fidélisation). Cette démarche englobe un autodiagnostic puis un travail de fond sur le management, les conditions de travail, les parcours de montée en compétences et de mobilités professionnelles. Elle a ainsi vocation à permettre aux entreprises de créer une identité et une image distinctive en tant qu'employeur, de répondre aux enjeux de recrutement et de fidélisation et de contrebalancer l'image de la filière en s'appuyant sur les atouts du secteur. Le manque d'attractivité des métiers liés à l'abattage de la viande et des difficultés rencontrées par ces entreprises ne sont pas de nature à justifier une adaptation des règles issues du code du travail uniquement pour les entreprises de ce secteur, qui aurait vocation à les faire échapper aux sanctions pour des faits constitutifs de marchandage et de prêt illicite de main-d'oeuvre. Ces deux infractions ont pour objet de sanctionner des opérations de fourniture illicite de main d'oeuvre et non pas d'entraver le recours à de la main-d'oeuvre extérieure réalisé dans le respect des dispositions légales. Il est tout à fait loisible aux entreprises du secteur de l'abattage de la viande de faire appel à des prestataires extérieurs ou à des salariés temporaires dans le respect des dispositions légales, afin de pourvoir à leurs besoins de main-d'oeuvre. Les dispositions du code du travail relatives au prêt illicite de main-d'oeuvre et au marchandage ne font pas obstacle à l'intervention, au sein des entreprises du secteur de l'abattage, de salariés extérieurs ou de salariés temporaires dans le respect des dispositions légales lesquelles sont indispensable afin de garantir les droits des travailleurs. L'article L. 8231-1 du code du travail, relatif au délit de marchandage, interdit ainsi uniquement les opérations à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui ont pour effet de causer un préjudice aux salariés qu'elles concernent ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail. L'article L. 8241-1 du code du travail, relatif au délit de prêt illicite de main-d'oeuvre, énonce quant à lui que le travail temporaire constitue une exception au principe d'interdiction de toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre. Aussi, cet article ne fait pas obstacle aux opérations réalisées conformément aux dispositions du code du travail relatives au travail temporaire. Les articles L. 1251-1 et suivants du code du travail viennent garantir les droits des salariés en prévoyant notamment que chaque mission donne lieu à la conclusion d'un contrat de mise à disposition, contrat commercial conclu entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise cliente, prévoyant les conditions de mise à disposition du salarié temporaire et d'un contrat de travail temporaire qui est le contrat de travail conclu entre le salarié temporaire et l'entreprise de travail temporaire. Conformément à l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice. Ce type de contrat peut notamment être utilisé par les entreprises pour faire face à un accroissement temporaire de l'activité. De même, les contrats de prestation de services, qui sont des contrats commerciaux encadrés par l'article 1710 du code civil sous le nom de « louage d'ouvrage », sont par nature licites. Seule la fourniture prohibée de main-d'oeuvre à but lucratif masquée sous l'apparence d'un contrat de sous-traitance ou d'un contrat de prestation de services peut en conséquence être sanctionnée. Le juge est amené à apprécier, dans chaque cas d'espèce, les conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité vis-à-vis du donneur d'ordre indépendamment de la volonté exprimée par les parties ou de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention. Dans le cadre de cette appréciation souveraine, les juges tiennent notamment compte de la nature de la prestation fournie, de l'encadrement des salariés ainsi que de leur mode de rémunération. Ainsi, la prestation n'est licite que si le prestataire accomplit un travail déterminé, lequel, mais seulement à titre accessoire, implique pour sa réalisation, la présence de ses salariés chez le client. Un contrat de prestation de services suppose l'absence de lien de subordination juridique permanente entre le donneur d'ordre et le salarié, le prestataire étant l'unique employeur de ce dernier. Même si le prestataire apporte les capacités ou la technicité de sa main-d'oeuvre, la prestation ne saurait avoir pour objet de mettre cette main d'oeuvre à disposition du client, une telle opération à but lucratif relevant exclusivement du cadre légal du travail temporaire. Aussi, si la prestation a pour objet la mise à disposition de main-d'oeuvre auprès du client, l'entreprise prestataire méconnaît les dispositions relatives aux conditions d'exercice de l'activité de travail temporaire et prive les travailleurs mis à disposition des garanties prévues par la réglementation.

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