Question de M. ARNAUD Jean-Michel (Hautes-Alpes - UC) publiée le 19/10/2023
M. Jean-Michel Arnaud attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur l'absence de protection fonctionnelle pour les conseillers municipaux.
Conformément à l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : « La commune est tenue de protéger le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion ou du fait de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. »
L'article 10 de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, adoptée le 10 octobre 2023 par le Sénat, élargit le bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats ayant déposé leur candidature, pendant toute la durée de la campagne électorale. À l'inverse, les amendements parlementaires ayant pour objectif d'étendre ladite protection à tous les élus municipaux ont, quant à eux, été déclarés irrecevables en raison des coûts engendrés par cette mesure.
Les conseillers municipaux ne sont donc pas automatiquement couverts par la protection fonctionnelle alors que les risques encourus peuvent être équivalents à ceux encourus par les maires ou les élus ayant reçu des délégations. En définitive, il appartient au juge de se prononcer sur l'application du dispositif aux élus locaux n'ayant pas reçu de délégation de l'exécutif.
Pour autant, dans un arrêt de 2011, le Conseil d'État a consacré, en tant que principe général du droit, l'octroi de la protection fonctionnelle à tout agent public quel que soit le mode d'accès à leurs fonctions. Traduire cette doctrine jurisprudentielle dans la loi symboliserait le soutien de l'État envers les élus municipaux notamment en milieu rural.
Il l'interroge alors sur les mesures qu'il compte prendre afin que la protection fonctionnelle soit élargie à tous les conseillers municipaux.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 01/11/2023
Réponse apportée en séance publique le 31/10/2023
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 862, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Jean-Michel Arnaud. Les agressions de maires et de conseillers municipaux étaient, selon les estimations de l'Association des maires de France, en hausse de 15 % en février 2023.
Face à de tels actes, conformément au code général des collectivités territoriales, « la commune est tenue de protéger le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages ».
Tout acte de violence envers certains élus locaux entraîne donc l'activation automatique de la protection fonctionnelle. J'ai bien dit « certains élus locaux » ! En effet, en l'état actuel du droit, les conseillers municipaux sans délégation ne sont pas systématiquement couverts par ladite protection, alors que les risques encourus peuvent être équivalents à ceux qui sont encourus par les maires ou les adjoints.
Dans l'optique d'assurer la sécurité des élus municipaux, le Sénat a récemment adopté, à l'unanimité, la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires. Néanmoins, à l'occasion de l'examen du texte, nous n'avons pas pu légiférer sur la protection fonctionnelle en faveur des conseillers municipaux sans délégation, l'article 40 de la Constitution nous ayant été opposé.
À l'heure actuelle, il appartient donc au juge de se prononcer sur l'application du dispositif en prenant en compte la jurisprudence de 2011, qui consacre, en tant que principe général du droit, « l'octroi de la protection fonctionnelle à tout agent public quel que soit le mode d'accès à leurs fonctions ».
Vous l'avez compris, seul le Gouvernement peut prendre la décision d'étendre la protection fonctionnelle à l'ensemble des élus municipaux.
Madame la ministre, le Gouvernement a-t-il l'intention d'élargir le dispositif aux conseillers municipaux sans délégation ? Est-il disposé, comme cela a été récemment demandé en commission des lois, à lever le gage d'un amendement parlementaire relatif à sur cette problématique ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Arnaud, les élus municipaux bénéficient d'un régime de protection qui s'apparente à la protection fonctionnelle applicable aux agents publics. Les collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale et certains syndicats mixtes sont ainsi tenus d'accorder leur protection à certains de leurs élus en cas de faits n'ayant pas le caractère de faute personnelle détachable du service ou des fonctions.
Ce régime s'applique dans les cas suivants.
Premièrement, l'élu fait l'objet de poursuites judiciaires civiles ou pénales pour des faits qui n'ont pas le caractère de faute détachable de l'exercice de ses fonctions. S'agissant des élus des conseils municipaux, la protection fonctionnelle relève de l'État lorsque l'élu agit en qualité d'agent de l'État.
Deuxièmement, l'élu est victime de violences ou d'outrages à l'occasion ou du fait de ses fonctions.
Troisièmement, cette protection peut également, à leur demande, être accordée aux conjoints, enfants et ascendants directs des élus décédés dans l'exercice ou du fait de leurs fonctions à raison des faits à l'origine du décès.
Comme je m'y suis engagée lors de l'adoption en première lecture de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, le sujet de l'extension de la protection fonctionnelle sera travaillé lors de la navette parlementaire.
Enfin, comme vous le savez, le bénéfice de la protection fonctionnelle doit, en l'état actuel du droit, faire l'objet d'une délibération expresse de l'organe délibérant.
Toutefois, le Gouvernement soutient la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, déposée par M. François-Noël Buffet, Mme Françoise Gatel et M. Mathieu Darnaud, examinée récemment par le Sénat, qui prévoit certaines évolutions, notamment le fait de rendre l'activation de la protection fonctionnelle automatique.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Cela étant, l'extension prévue ne vise que les conseillers départementaux et régionaux ayant une délégation. Les conseillers municipaux de base ne sont donc pas concernés !
Or, dans de nombreux départements de France, dont le mien, un certain nombre de conseillers municipaux, parce qu'ils sont conseillers municipaux, sont menacés, invectivés, voire agressés, alors qu'ils ne peuvent pas bénéficier de la protection fonctionnelle.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Michel Arnaud. Le Gouvernement doit mobiliser les moyens financiers nécessaires pour mettre en oeuvre une telle protection.
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