Question de M. LEVI Pierre-Antoine (Tarn-et-Garonne - UC) publiée le 26/10/2023
M. Pierre Antoine Levi attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre mer sur l'interdiction pour les entreprises de sécurité privée, exerçant une activité mentionnée à l'article L. 611 1 du code de la sécurité intérieure, d'utiliser des caméras individuelles dans le cadre de l'exercice de leurs missions.
Les agents de sécurité privée jouent un rôle crucial dans la protection des citoyens et des biens. Ils sont régulièrement confrontés à des situations de conflit, d'agression verbale et physique, et certains, malheureusement, perdent la vie en service.
La caméra individuelle, en tant qu'outil de dissuasion et de preuve, pourrait contribuer significativement à la protection de ces agents et à la clarification des circonstances lors d'incidents.
Or, malgré les nombreux avantages de la vidéo piéton, notamment sa capacité à réduire l'agressivité lors des interventions, à fournir des preuves juridiques et à encourager un comportement approprié de la part de l'agent, le législateur ne permet pas son utilisation par ces professionnels, comme le souligne la fiche thématique sur le site du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS).
Cette situation est préoccupante, car elle laisse les agents de sécurité privée sans un outil essentiel pour leur protection, dans un contexte où leur rôle est de plus en plus important et où ils sont grandement exposés.
Il est donc impératif que le Gouvernement réexamine cette interdiction, en tenant compte des évolutions de la filière professionnelle et des défis auxquels sont confrontés les agents de sécurité privée.
Ainsi, il souhaiterait savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour permettre aux entreprises de sécurité privée d'utiliser des caméras individuelles, afin d'assurer une meilleure protection pour leurs agents et de renforcer la coopération avec les forces étatiques.
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Transmise au Ministère de l'intérieur et des outre-mer
Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 11/04/2024
Comme tout dispositif de captation des images, les caméras individuelles portent atteinte au droit au respect de la vie privée des personnes filmées, en raison de l'enregistrement de sons et d'images sur la voie publique ou dans des lieux privés. Leur usage doit, à ce titre, être particulièrement encadré et strictement proportionné aux finalités poursuivies et aux missions exercées. L'application du droit de la protection des données à caractère personnel conduit ainsi à en limiter l'attribution à des catégories de personnels et pour des situations strictement délimitées. En effet, si l'usage des caméras individuelles a été autorisé pour certaines catégories d'agents, tels que ceux de la police nationale, de la gendarmerie nationale, des services d'incendie et de secours, de la police municipale ou encore des gardes champêtres en ce moment à titre expérimental, c'est en raison du caractère nécessaire et proportionné de l'atteinte ainsi portée au droit au respect de la vie privée, eu égard au but poursuivi et aux fonctions exercées. En l'espèce, une extension du dispositif des caméras mobiles aux agents de sécurité privée ne paraît pas répondre à un besoin impérieux, ni reposer sur des motifs pertinents et suffisants car contrairement aux policiers municipaux et aux gardes champêtres, les agents de sécurité privée ne disposent d'aucune prérogative de police judiciaire et disposent d'un champ d'intervention restreint. En outre, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2021-940 du 15 octobre 2021, s'inspirant d'une jurisprudence constante du Conseil d'État (CE, 7 /10 SSR, 1er avr. 1994, n° 144152, n° 144241 ; CE, 5 / 3 SSR, 29 déc. 1997, n° 170606), a considéré qu'il résulte de l'article 12 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen « l'interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la «force publique« nécessaire à la garantie des droits. Cette exigence constitue un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. » Il n'est donc pas possible de déléguer des compétences générales de police administrative ou de surveillance de la voie publique à des personnes privées tels que les agents de sécurité privée. Dans ces conditions, et à ce stade, ces agents ne peuvent être regardés comme exerçant des missions de nature à justifier qu'ils soient autorisés à filmer leurs interventions au moyen de caméras individuelles.
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