Question de Mme EVREN Agnès (Paris - Les Républicains) publiée le 09/11/2023
Question posée en séance publique le 08/11/2023
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Evren. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Dès votre prise de fonction, monsieur le ministre, et de nouveau il y a quelques jours, vous avez prononcé des mots forts contre le harcèlement. Votre position a été courageuse : parents, enseignants, victimes, tous avaient besoin d'entendre ce message clair. L'omerta était devenue insupportable.
Les chiffres, publiés hier, du sondage réalisé par l'Institut français d'opinion publique (Ifop) pour le compte de l'association Marion la main tendue sont accablants : un jeune sur cinq est victime de harcèlement scolaire, soit deux fois plus qu'auparavant ; la moitié des victimes ne parlent pas ; près de 80 % des parents se disent inquiets. Il y a donc urgence.
Les faits, je le rappelle, sont sans précédent. Auparavant, le harcèlement scolaire s'arrêtait aux grilles de l'école, à seize heures trente. Aujourd'hui, il se répand vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur les réseaux sociaux, comme TikTok, Instagram ou Snapchat, qui, par leur viralité, en démultiplient les effets, avec des conséquences dramatiques, et ne laissent aucun répit aux victimes.
Vous avez annoncé 30 millions d'euros supplémentaires pour la création de brigades anti-harcèlement. Ces moyens seront-ils suffisants ? En effet, trop d'établissements gèrent la pénurie : celle des médecins, des psychologues, des infirmières scolaires.
Pouvez-vous nous confirmer que tous les personnels scolaires seront désormais systématiquement formés pour prévenir et détecter ces faits ? Allez-vous rendre obligatoires les questionnaires d'autoévaluation, alors que les deux heures de temps scolaire banalisées sont facultatives ?
Enfin, en matière de sanctions, pouvez-vous nous donner des précisions sur la mise en place des mesures d'éloignement du harceleur pour protéger la victime ? Ces dispositions, je tiens à le rappeler, avaient déjà été proposées par notre collègue Marie Mercier dans sa proposition de loi, cosignée par 215 sénateurs siégeant sur toutes les travées de cet hémicycle ? (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le ministre, face à ce drame humain considérable, l'action doit être à la hauteur de la communication. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. - M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
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Réponse du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse publiée le 09/11/2023
Réponse apportée en séance publique le 08/11/2023
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Evren, s'il est une cause qui peut nous rassembler par-delà les clivages politiques, je crois profondément que c'est la lutte contre le harcèlement scolaire. Ce fléau est absolument insupportable : des élèves vont à l'école la boule au ventre, parfois ils se donnent la mort, parce qu'ils subissent des brimades, des insultes, des coups.
Je vous remercie donc pour votre question très constructive. Pour lutter contre ce fléau, je vous le confirme, nous avons besoin de toutes les bonnes idées : celles qui ont été défendues ici même par le groupe Les Républicains, ces dernières années, notamment par Mme Mercier, nous inspirent évidemment dans notre action. (Ah ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous m'avez posé trois questions très concrètes.
La première concerne la formation. Oui, nous généralisons le programme de lutte contre le harcèlement à l'école (pHARe), aux termes duquel chaque établissement scolaire doit comprendre au moins cinq adultes réellement formés à la lutte contre le harcèlement : des enseignants, des personnels de vie scolaire, mais aussi d'autres personnels : nous avons ainsi constaté qu'il était très utile de former des agents de la cantine, car ils voient beaucoup de choses et peuvent détecter et signaler certains faits.
La deuxième question porte sur le questionnaire d'autoévaluation. Demain sera organisée, comme chaque année, la journée nationale de lutte contre le harcèlement à l'école. Les années précédentes, un tiers environ des établissements organisaient une action à cette occasion. Cette année, j'ai décidé que tous les établissements scolaires devraient participer.
J'indique aussi, pour vous répondre très concrètement, que les deux heures de temps scolaire banalisées ne sont absolument pas optionnelles. La classe devra s'arrêter pendant deux heures dans tous les établissements : ce temps sera consacré à débattre du harcèlement et à remplir le questionnaire d'autoévaluation rédigé avec Marcel Rufo, Éric Debarbieux et Nicole Catheline.
La troisième question, enfin, porte sur le changement des règles en matière de sanctions. Je l'ai dit cet été, dès mon entrée en fonctions, c'est au harceleur de quitter l'établissement et non plus au harcelé. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
Je vous le confirme, cette règle s'applique. À Mont-de-Marsan, par exemple, un lycéen qui faisait l'objet de harcèlement depuis la rentrée scolaire l'a signalé, le 9 octobre, au chef d'établissement, qui l'a accompagné dans le dépôt d'une plainte. Une semaine plus tard, les trois élèves harceleurs, âgés de 15 et 16 ans, ont été interpellés par les forces de police et placés en garde à vue. Ils passeront devant le juge des enfants le 15 novembre et ont d'ores et déjà été exclus de l'établissement.
Comme eux, plusieurs dizaines de jeunes harceleurs ont déjà été exclus de leur établissement depuis que j'ai pris cette décision. La peur et la honte sont en train de changer de camp. Évidemment, il reste du travail pour que cette mesure s'applique partout, mais vous pouvez compter sur ma mobilisation, comme je sais pouvoir compter sur la vôtre, pour avancer. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour la réplique.
Mme Agnès Evren. Je vous remercie pour vos précisions, monsieur le ministre. Rappelons cependant que, en dépit des nombreuses annonces faites, notamment il y a quelques années, sur le respect de la laïcité à l'école, force est de constater que celle-ci a rarement été aussi fragilisée. J'ose espérer qu'il n'en sera pas de même pour la lutte contre le harcèlement scolaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
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