Question de M. BILHAC Christian (Hérault - RDSE) publiée le 02/11/2023

M. Christian Bilhac attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la question de l'anonymat des publications sur les réseaux sociaux.
Si, à l'origine, les réseaux sociaux étaient censés faciliter le partage et l'ouverture au monde, le constat est moins heureux aujourd'hui, au regard des propos excessifs, haineux, injurieux, violents, racistes, sexistes, qui parcourent la planète, et la plupart du temps, sous couvert d'anonymat, sans oublier les fausses informations qu'ils permettent de diffuser et répandre très rapidement, sans modération ni vérification.
En effet, au nom de la liberté d'expression, les réseaux sociaux sont devenus un déversoir de haine et force est de constater qu'ils constituent trop souvent le support idéal pour faire circuler de fausses informations partagées sans être vérifiées.
Cette escalade, difficile à enrayer, permet à des internautes mal intentionnés de manipuler les informations à des fins qui peuvent être particulièrement dangereuses notamment en matière de sécurité publique.
Aussi, il lui demande dans quelles mesures l'identification de l'internaute anonyme, qui s'exprime au moyen de ces réseaux et interfaces, pourrait devenir obligatoire sans nuire à la liberté d'expression.

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique publiée le 09/05/2024

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour garantir la protection des droits fondamentaux des utilisateurs en ligne, face aux risques systémiques que les grandes plateformes peuvent générer en matière de haine, de harcèlement et de violence en ligne. S'agissant de l'anonymat des publications sur les réseaux sociaux, il convient de rappeler que l'anonymat en ligne n'existe pas. Si l'utilisation de ces plateformes peut reposer sur l'emploi de pseudonymes et de coordonnées fournies de façon déclarative, dans l'immense majorité des cas, les autorités publiques sont en mesure de retrouver l'identité de l'auteur d'une infraction commise en ligne à partir de ses données de connexion. Le cadre légal en vigueur en France offre en effet les moyens d'identifier des utilisateurs de ces plateformes. L'article 6 II de la loi n° 2004- 575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) impose aux réseaux sociaux de conserver toutes données permettant d'identifier les auteurs des contenus diffusés sur leurs services, dont notamment l'adresse IP. Le décret n° 2011-219 du 25 février 2011 relatif à la conservation et à la communication des données permettant d'identifier toute personne ayant contribué à la création d'un contenu mis en ligne fixe la liste des données d'identification à conserver obligatoirement. Dès lors, l'autorité judiciaire a le pouvoir d'enjoindre aux plateformes de lui transmettre ces données et, par exemple dans le cas de recueil de l'adresse IP, de demander aux fournisseurs d'accès à Internet l'appariement entre une adresse IP et l'identité civile qui s'y rattache. Ces mesures doivent toutefois être proportionnées au but poursuivi et ne peuvent consister en des mesures générales d'investigation. Aussi, le véritable point de blocage réside davantage dans le degré de coopération des réseaux sociaux et leur collaboration effective avec les services répressifs. En effet, certains fournisseurs de services de plateforme en ligne se fondent sur leur situation d'extranéité pour refuser la transmission directe des données requises aux services de police français. C'est cette problématique que le Gouvernement souhaite traiter, avec la mise en place d'un Groupe de Contact Permanent, enceinte de coopération entre les services administratifs et judiciaires et les plateformes en ligne, mais également un renforcement des moyens de la réponse judiciaire : création d'un dispositif de plainte en ligne, augmentation des moyens de Pharos, création d'un parquet spécialisé. Pour lutter efficacement contre les propos haineux en ligne, la première des priorités est en effet de renforcer les outils dont disposent la police et la justice pour leur permettre d'agir plus rapidement et efficacement contre les auteurs d'infractions et ainsi mettre fin au sentiment d'impunité sur les réseaux sociaux. De plus, la France et l'Europe se sont dotées de réglementations qui permettent de responsabiliser les plateformes en ligne dans la lutte contre les contenus illicites et de compléter l'arsenal de peines existant en cas de cyberharcèlement. La présidence française de l'Union européenne a ainsi permis l'adoption du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques (DSA), qui vise à responsabiliser les plateformes en ligne pour qu'elles luttent efficacement contre la propagation des contenus illicites ou préjudiciables, dans le respect des droits fondamentaux des utilisateurs, y compris le droit à la liberté d'expression. Le DSA prévoit ainsi que les plateformes mettent en place des canaux de signalement de tout contenu illicite, faciles d'accès et d'utilisation, et veillent à ce que les notifications soumises par des signaleurs de confiance soient traitées prioritairement et donnent lieu à des décisions dans les meilleurs délais. Après avoir émis un avertissement préalable, les plateformes doivent désormais suspendre les comptes des personnes qui fournissent fréquemment des contenus manifestement illicites. Au titre du DSA, les très grandes plateformes en ligne ont par ailleurs pour obligation d'identifier, d'analyser et d'atténuer les « risques systémiques » qu'elles font peser sur leurs utilisateurs. Concrètement, elles doivent désormais prendre des mesures pour adapter leur processus de modération des contenus, y compris la rapidité et la qualité du traitement des notifications relatives à des types spécifiques de contenus illicites, en particulier en ce qui concerne les discours haineux illégaux ou la cyberviolence. En cas de non-respect de ces nouvelles règles, les plateformes s'exposent à des amendes dont le montant peut atteindre jusqu'à 6% de leur chiffre d'affaires mondial. En cas de violations graves et répétées au règlement, les plateformes pourront se voir interdire leurs activités sur le marché européen. Au niveau national, le Gouvernement poursuit également cet objectif dans le cadre du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN) qui, dans sa version en date du 26 mars 2024, prévoit que le juge, lorsqu'il condamne une personne pour des faits de haine en ligne, de cyberharcèlement, ou d'autres infractions graves, pourra prononcer une peine complémentaire de suspension du compte d'accès au service de plateforme en ligne utilisé pour commettre ces infractions. Cette peine de « bannissement numérique » sera signifiée au fournisseur du service de plateforme en ligne qui devra procéder au blocage du compte sous peine de se voir condamné à une peine de 75 000 euros d'amende, et pourra mettre en oeuvre des mesures pour bloquer les autres comptes éventuellement détenus par l'intéressé et faire obstacle à la création de nouveaux comptes par cette même personne. Cette disposition permettra de lutter plus efficacement contre la haine en ligne et le cyberharcèlement en évitant que les utilisateurs condamnés pour ces types de délits puissent recréer de nouveaux comptes lorsque le compte utilisé pour commettre les délits a été suspendu par le service de plateforme en ligne.

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