Question de M. CAMBIER Guislain (Nord - UC) publiée le 09/11/2023

M. Guislain Cambier interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la mise en place des clauses miroirs aux frontières du marché intérieur.
C'est lors du premier conseil de l'Union européenne sous présidence française, le 17 janvier 2022, que le ministre de l'agriculture français a fait de la mise en place des « clauses miroirs » une priorité européenne. Évoquées à plusieurs reprises par le Président de la République, ces mesures imposeraient aux partenaires commerciaux qui souhaitent exporter leurs produits agricoles vers l'Union européenne de se conformer au préalable à ses normes sanitaires et environnementales.
Aujourd'hui, alors que les agriculteurs français respectent les nombreuses préconisations de la Commission européenne et tout particulièrement la réduction drastique de pesticides, ces obligations ne sont pas imposées aux produits importés hors de l'Union européenne. C'est ainsi que des pesticides et antibiotiques non autorisés en Europe peuvent l'être à l'étranger et se retrouver dans nos assiettes.
C'est d'abord une question de protection du consommateur qui se pose ici. Ainsi, le consommateur français n'est pas informé que les lentilles produites au Canada le sont avec des pesticides formellement interdits en Europe par exemple. Ces produits chimiques n'ont qu'un seul objectif : augmenter les volumes de récoltes « quoi qu'il en coûte » ! et donc au détriment de la santé des consommateurs européens.
Mais c'est donc aussi une différence de traitement qui peut être assimilé à de la concurrence déloyale !
Les agriculteurs rencontrés dans le département du Nord et tout particulièrement dans l'arrondissement d'Avesnes-sur-Helpe ont soutenu, dès 2022, les annonces du ministre de l'agriculture qui faisaient « une priorité » la mise en place de ces clauses miroirs. Deux ans après cette annonce, ces mêmes agriculteurs s'interrogent sur l'effectivité de cet engagement.
Pourtant, les clauses miroirs seraient un moyen de protéger efficacement notre agriculture de la concurrence déloyale des produits importés ne respectant pas les mêmes exigences.
Comme les agriculteurs de son territoire, il souhaite connaître l'état d'avancement de la mise en oeuvre des clauses miroirs, près de deux ans après l'annonce du ministre de l'agriculture.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 20/12/2023

Réponse apportée en séance publique le 19/12/2023

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, auteur de la question n° 906, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, lors du premier conseil de l'Union européenne sous présidence française, le 17 janvier 2022, vous avez fait de la mise en place des clauses miroirs une priorité européenne.

Évoquées à plusieurs reprises par le Président de la République, ces mesures imposeraient aux partenaires commerciaux qui souhaitent exporter leurs produits agricoles vers l'Union européenne de se conformer au préalable à ses normes sanitaires et environnementales.

Aujourd'hui, alors que les agriculteurs français respectent les nombreuses préconisations de la Commission européenne, tout particulièrement la réduction drastique de produits phytosanitaires, ces obligations ne sont pas imposées aux produits importés de l'extérieur de l'Union européenne. C'est ainsi que des pesticides et antibiotiques non autorisés en Europe peuvent l'être à l'étranger et se retrouver dans nos assiettes.

Par exemple, le consommateur français n'est pas informé que les lentilles produites au Canada le sont avec des pesticides formellement interdits en Europe.

Ces produits chimiques ont pour seul objectif d'augmenter les volumes de récolte, quoi qu'il en coûte, donc au détriment de la santé des consommateurs européens. Cette différence de traitement peut être assimilée à de la concurrence déloyale.

Les agriculteurs que j'ai rencontrés dans le département du Nord, en particulier dans l'arrondissement d'Avesnes-sur-Helpe, vous ont soutenu dès 2022, alors que vous annonciez que ces clauses miroirs étaient une priorité. Mais, deux ans après cette annonce, rien.

Comme les agriculteurs de mon territoire, je souhaite connaître l'état d'avancement de la mise en oeuvre des clauses miroirs, près de deux ans après l'annonce que vous avez faite à leur sujet.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Cambier, vous ne pouvez pas dire qu'il ne s'est rien passé !

Le Gouvernement a inscrit la question des clauses miroirs à l'agenda européen, alors qu'elle n'y figurait pas, et cela sous l'impulsion de mon prédécesseur, Julien Denormandie, en accord avec le Président de la République dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.

Oui, il faut introduire des clauses miroirs dans l'ensemble des accords internationaux. Nous avons d'ailleurs refusé certains accords, comme ceux avec l'Australie et le Mercosur. La France, parfois seule - sans doute trop seule... -, a refusé ces accords au motif que des clauses miroirs n'y figuraient pas, en particulier celles qui sont relatives à l'accord de Paris. Voilà un exemple d'action concrète que nous avons menée. L'absence de clauses miroirs dans ces deux accords a justifié notre refus de les entériner. Nous avons donc tenté, vous le voyez bien, de progresser sur ce sujet.

En outre, en matière de réciprocité des normes, nous avons défendu trois types de mesures miroirs : l'interdiction des importations de produits d'origine animale pour lesquels il a été fait usage d'antimicrobiens ; la suppression des tolérances à l'importation de produits contenant des résidus de pesticides interdits ; et la lutte contre la déforestation importée. Ces mesures s'appliquent désormais dans un certain nombre d'accords et des décisions européennes ont été prises dans ce sens.

L'initiative portée par la France a eu pour résultat l'introduction d'une conditionnalité tarifaire dans l'accord avec la Nouvelle-Zélande réservant le bénéfice de l'accès préférentiel aux produits issus de bovins nourris à l'herbe.

Pa ailleurs, la Commission européenne a présenté le 6 décembre 2022 le projet d'acte délégué permettant d'étendre aux importations de viande l'interdiction européenne d'utiliser des antibiotiques.

L'accord trouvé entre le Conseil européen et le Parlement européen le 6 décembre 2022 sur l'instrument de lutte contre la déforestation est un autre exemple de résultat concret que nous avons obtenu.

Enfin, la Commission européenne a également adopté, le 2 février dernier, au titre de la protection des pollinisateurs, la mise à zéro des limites maximales de résidus acceptables dans un certain nombre de produits.

Je ne dis pas que tout est résolu, mais nous essayons de progresser à chaque fois que c'est possible. Dans toutes les discussions que nous avons sur les questions commerciales, nous veillons à intégrer des clauses miroirs, car sans elles, nos agriculteurs subiraient une distorsion de concurrence.

Certes, il ne s'agit pas d'une équivalence absolue et ni l'agriculture brésilienne ni l'agriculture canadienne ne fonctionnent comme l'agriculture française. Toutefois, dès que l'on constate un risque de distorsion de concurrence, il faut travailler à inclure des clauses miroirs et c'est ce que nous faisons.

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.

M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, nos agriculteurs méritent une égalité de traitement, que leurs produits soient en concurrence avec d'autres qui proviennent de l'extérieur ou de l'intérieur de l'Union européenne.

C'est un enjeu essentiel pour nos villages et nos communes, ainsi que pour notre puissance agricole. L'agriculture ne doit pas être une variable d'ajustement des négociations commerciales.

Je prends acte de votre fermeté et je vous invite à tenir cette position tout au long des négociations à venir.

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