Question de M. CHAIZE Patrick (Ain - Les Républicains) publiée le 16/11/2023

M. Patrick Chaize appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur l'impérieuse nécessité d'agir dans l'objectif d'améliorer la balance commerciale française au service de la filière forêt-bois.
Depuis 2017, nous faisons face à une crise sanitaire frappant une partie des forêts les plus productives de la région Auvergne-Rhône-Alpes. La conjoncture commerciale, peu dynamique, provoque un retrait de la demande. Un nombre croissant de propriétaires forestiers voient leurs recettes forestières ainsi que leur capital forestier sur pied littéralement amputés. Ainsi les effets de cette crise fragilisent durablement les efforts des propriétaires forestiers et entament leur capacité d'investissement. Pour autant, les difficultés de mise en oeuvre de la gestion durable des forêts publiques françaises ne doivent pas décourager les propriétaires et les amener à se détourner de l'entretien de leur massif.
Tout porte à croire que les effets du changement climatique ne faibliront pas et que le modèle économique et sylvicole de la forêt française devra évoluer pour survivre. Survivre pour une filière comme celle de la forêt et du bois signifie préserver ses emplois (près de 375 000 salariés directs), approvisionner son industrie en matériaux de qualité et maintenir une gestion forestière durable en permettant d'investir dans les programmes de coupes et de travaux nécessaires au renouvellement, à l'amélioration et à l'adaptation des peuplements au changement climatique.
Face à ce constat, et dans le sillage des assises nationales du bois et de la forêt, le Gouvernement a déployé des crédits conséquents orientés vers : l'aide à la replantation ; le soutien à l'investissement dans des chaudières à biomasse pour l'industrie de la première transformation ; le soutien aux entreprises d'exploitation forestière ; l'aide à la construction de bâtiments avec des produits bois issus de la forêt française. Ces aides seront pérennisées grâce au dispositif France 2030.
Toutefois, ces mesures ne répondent que partiellement aux difficultés du premier maillon de la filière. Il s'agit aujourd'hui de prévenir une dévalorisation du matériau bois. En effet, le prix des sciages de bois n'est pas corrélé à la baisse des cours des bois sur pied. De plus, les grandes surfaces de bricolage, grands acheteurs de bois scié, continuent de se tourner vers l'importation, au détriment des opérateurs locaux.
Face à ces constats, il y a lieu aujourd'hui d'aider le premier maillon de la filière et de se pencher sur la répartition de la valeur ajoutée des produits de la filière forêt-bois.
C'est pourquoi il lui demande s'il envisage, en complément du dispositif France 2030, d'intervenir sur les politiques d'achat de bois et d'encadrer davantage les marchés.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 20/12/2023

Réponse apportée en séance publique le 19/12/2023

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 922, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Patrick Chaize. Ma question porte sur l'impérieuse nécessité d'agir pour améliorer la balance commerciale française grâce à la filière forêt-bois.

Depuis 2017, nous faisons face à une crise sanitaire frappant une partie des forêts, dont celles les plus productives d'Auvergne-Rhône-Alpes. La conjoncture commerciale, peu dynamique, provoque un retrait de la demande. Un nombre croissant de propriétaires forestiers voient leurs recettes forestières ainsi que leur capital forestier sur pied littéralement amputés.

Tout porte à croire que les effets du changement climatique ne faibliront pas et que le modèle économique de la forêt française doit évoluer pour survivre : nous devons préserver ses emplois, qui représentent près de 375 000 salariés directs, approvisionner son industrie en matériaux de qualité et maintenir une gestion forestière durable.

Si le Gouvernement déploie des dispositifs d'accompagnement importants, ces mesures ne répondent que partiellement aux difficultés du premier maillon de la filière. Il faut prévenir une dévalorisation du matériau bois.

À la différence des bois de chêne pour lesquels il faut lutter contre l'export des grumes, l'enjeu est inversé pour les résineux dans les temps de crise que nous traversons : il s'agit de lutter contre l'importation de bois transformé. Cette dépendance à l'importation désavantage les propriétaires forestiers, en mettant à mal l'avenir du financement du modèle de gestion multifonctionnelle. De surcroît, elle met l'industrie nationale à rude épreuve, accroît le déficit de la balance commerciale et aggrave le mécanisme de déforestation importée.

Dans ce contexte, et en complément du dispositif France 2030, le Gouvernement envisage-t-il d'intervenir sur les politiques d'achat de bois et d'encadrer davantage les marchés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Chaize, je ne suis pas certain que l'on puisse fixer précisément à 2017 le moment où la crise de la forêt française et de la filière bois a commencé... Il me semble que cette crise est bien plus ancienne. Les forestiers vous diraient même que le sujet existe depuis dix, quinze ou vingt ans. Le dépérissement forestier n'est pas nouveau ; en revanche, il s'accélère - vous avez raison de le dire.

Tout d'abord, concernant le dépérissement des forêts, nous devons travailler à mieux accompagner les professionnels pour qu'ils fassent évoluer leurs exploitations de manière à affronter le dérèglement climatique. C'est tout le sens du volet « renouvellement forestier » du plan de relance, qui consacre 250 millions d'euros au financement du reboisement et du renouvellement selon des modalités de gestion durable qui prennent en compte le phénomène de grande migration que subissent les forêts, qu'il s'agisse des résineux ou des feuillus, et qui les fait évoluer de manière importante.

Ensuite, dans un certain nombre de cas, la surface des forêts dépérit à grande vitesse. Cela concerne des centaines de milliers d'hectares de bois, de sorte qu'il faut traiter le problème très rapidement. Sinon, la filière risque de subir une perte nette.

Nous devons donc penser nos outils de transformation non seulement pour l'avenir, mais aussi dans le cadre de la crise qui s'annonce : elle arrive dans nos forêts comme une tempête silencieuse qui se manifestera très rapidement.

Comme je l'ai dit, nous avons prévu une enveloppe de 250 millions d'euros pour financer des plantations et le renouvellement forestier - c'était une première étape en vue de la transformation de nos forêts - et nous ajoutons maintenant 200 millions d'euros.

Jamais des moyens aussi importants n'ont été dégagés et ils seront reconduits en 2024 - c'est inscrit dans le projet de loi de finances qui est en cours d'examen par le Parlement -, ainsi que les années suivantes. Il est important de le préciser, parce que cela donne de la visibilité aux différentes filières qui pourront ainsi s'organiser et lancer la modernisation de leurs outils pour transformer la forêt française.

Enfin, il faut poursuivre la logique mise en oeuvre dans le cadre de l'accord de filière « chêne », en développant la contractualisation. J'ai confiance dans cette logique. Pendant des années, on n'a pas rémunéré la matière et elle est partie ailleurs. Désormais, la matière coûte parfois très cher et l'on peine à trouver un équilibre économique global. D'où la nécessité de contractualiser. Tel est le sens de l'accord de filière « chêne », qu'il faut élargir aux résineux et même plus largement à l'ensemble des feuillus.

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.

M. Patrick Chaize. Monsieur le ministre, la forêt a fourni des recettes à certaines communes, mais elle est désormais source de déficit. Le risque est donc que les communes abandonnent les forêts, alors que celles-ci font partie de notre patrimoine.

À mon sens, nous devons rester vigilants sur la valorisation des bois dépérissants. (M. le ministre approuve.) En effet, ces bois sont achetés à prix très bas, alors que leur fonction mécanique est identique à celle du bois vert. Je vous invite à renforcer l'accompagnement de la filière pour faire en sorte de mieux valoriser les bois dépérissants.

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