Question de Mme GRÉAUME Michelle (Nord - CRCE-K) publiée le 30/11/2023
Mme Michelle Gréaume appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les modalités de l'application de l'article 222-14-2 du code pénal et ses conséquences.
En effet, dans une lettre ouverte en date du 23 novembre 2023, Amnesty international, la ligue des droits de l'Homme, le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature nous alertaient sur les risques liés au recours à ce délit : « Le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions de bien est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».
Plusieurs instances et personnalités, telles la commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, la défenseure des droits, la commission nationale consultative des droits de l'Homme, et plus récemment la contrôleure générale des lieux de privation de libertés (CGLPL), se sont inquiétées d'un usage abusif de ce délit, générant 80 % de procédures classées sans suite une fois opéré le contrôle de l'autorité judiciaire, après que les personnes incriminées aient néanmoins passé près de 24 heures en garde à vue.
Cette invocation abusive de l'article 222-12-4 du code pénal serait particulièrement présente en amont des manifestations, notamment lors de celles s'opposant à la réforme des retraites. La principale crainte des cosignataires est que nous assistions à une mise à mal du principe de liberté de manifester.
Cet article, dans sa rédaction actuelle, laisse trop de place à l'appréciation subjective des éléments constitutifs de l'infraction par les services de police. La CGLPL a d'ailleurs conclu, dans son rapport du 3 mai 2023, qu'elle ne pouvait que « questionner la finalité réelle » de ces gardes à vue, et dénoncer « un recours massif à titre préventif à la privation de liberté à des fins de maintien de l'ordre public », ce qui n'est pas l'objectif de ce délit. La préparation de l'acte violent doit être caractérisée, et non supputée, pour entraîner une application du texte. Le fait de détenir, par exemple, un masque de plongée ou un gilet jaune pour se rendre en manifestation ne peut être considéré comme le signe matériel de l'intention délictuelle de son possesseur. Ces cas ont pourtant bien fait l'objet d'un placement en garde à vue au titre de l'article 222-12-4 du code pénal.
Aussi, elle lui demande ce que le Gouvernement compte faire pour répondre aux craintes exprimées par les associations et organes de défense des libertés d'expression, et ne plus permettre une utilisation abusive de l'article 222-14-2 du code pénal lors de manifestations.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 02/05/2024
L'article 222-14-2 du Code pénal dispose que le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Cette incrimination vise les actes préparatoires à la commission de certaines infractions, à savoir les violences volontaires contre les personnes et les destructions ou dégradations de biens. Elle permet de réprimer des comportements qui ne tombent pas sous le coup du délit d'association de malfaiteurs, d'une part en visant toutes les violences et destructions et non des catégories générales d'infractions définies par leur nature ou la peine encourue, d'autre part en précisant qu'il peut s'agir d'un groupement temporaire. Comme pour l'association de malfaiteurs, il est exigé la participation à un groupement. En revanche, il est précisé que le groupement peut avoir été formé « même de façon temporaire », afin d'inclure dans les poursuites les participants aux bandes informelles, peu structurées, souvent spontanées et de très courte durée, dont les membres, motivés par des évènements fortuits, s'agrègent pour commettre à plusieurs des violences ou des dégradations. Cette participation, pour être répréhensible, doit être réalisée « en vue de la préparation, caractérisée par plusieurs faits matériels » de certaines infractions. Le groupement constitue donc le moyen pour parvenir à cette finalité. Ce délit suppose en outre l'existence d'un dol spécial. La personne poursuivie doit ainsi avoir participé « sciemment » au groupement, « en vue de la préparation de violences ou de dégradations ». La caractérisation de ce dol peut résulter soit de la preuve de la connaissance des faits matériels caractérisant la préparation de ces actes, soit de la preuve de la participation aux faits matériels caractérisant la préparation des infractions. En pratique, cette preuve peut notamment être rapportée par les déclarations des mis en cause ayant fait connaître à des tiers leur intention de commettre des violences ou des dégradations, par exemple sur un blog, ou encore des messages téléphoniques échangés entre les différents membres du groupement. Enfin, dans sa décision n° 2010-604 du 25 février 2010 relative à la loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public, le Conseil constitutionnel est venu préciser que l'infraction prévue à l'article 222-14-2 précité « n'instaure pas de responsabilité pénale pour des faits commis par un tiers ; qu'elle n'est pas contraire au principe selon lequel il n'y a ni crime ni délit sans intention de le commettre ; qu'elle ne crée ni présomption de culpabilité ni inversion de la charge de la preuve ; qu'en conséquence, elle ne porte atteinte ni à la présomption d'innocence ni aux droits de la défense ».
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