Question de M. PLA Sebastien (Aude - SER) publiée le 14/12/2023
M. Sebastien Pla souligne à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports les vives inquiétudes que suscite la procédure formelle ouverte par la Commission européenne contre la France, portant sur les conditions de financement de l'activité de fret à la SNCF sur la période 2017-2019, et notamment sur les avances de trésorerie consenties à Fret SNCF depuis début 2007 et jusqu'au 1er janvier 2020, l'annulation de la dette financière de Fret SNCF au moment de son changement de statut et l'injection de capital de 170 millions d'euros consécutive à cette transformation, au motif qu'ils seraient susceptibles de constituer des aides d'État, en violation des règles européennes destinées à garantir l'équité concurrentielle.
Il l'interroge sur les choix stratégiques retenus dans le plan de transformation de Fret SNCF annoncé et notamment l'intérêt de supprimer la SAS Fret SNCF au profit d'une nouvelle entité dont une part du capital pourrait être à terme cédé à des intérêts privés, engageant ainsi l'abandon de 30 % du trafic de l'opérateur public, mais aussi la suppression de 500 emplois et la cession à ses concurrents de plusieurs dizaines de locomotives...
Il souligne en effet que l'ouverture à la concurrence du Fret ferroviaire en 2006 n'a pas généré, à l'évidence, le trafic supplémentaire escompté, puisque celui-ci est passé de 44 milliards de tonnes par kilomètres en 2006 à 35 en 2022, entrainant, de ce fait, un report du transport de marchandises sur la route, et la saturation des axes comme l'autoroute A 9, en Occitanie, dont l'une des voies est occupée de manière permanente par une colonne ininterrompue de transporteurs routiers assurant la liaison entre le Sud et le Nord de l'Europe.
Il estime, à l'instar de nombreux agents, citoyens et élus locaux de la région Occitanie, que le projet de transformation annoncé emporte le risque majeur de privatiser un trafic jusqu'alors supporté par l'opérateur public, pire qu'il s'inscrit à contresens de l'objectif de doublement de la part modale du fret ferroviaire d'ici à 2030 prévu par l'article 131 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite « Climat et Résilience », au motif que les transports comptent parmi les secteurs les plus fortement émetteurs de gaz à effet de serre.
Il lui rappelle qu'à l'inverse, un large effort de modernisation est attendu sur le réseau, et regrette le manque d'ambition de la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire, comme l'insuffisance des crédits apportés dans le cadre du plan France relance, bien en deçà des investissements nécessaires à l'entretien et à la modernisation du réseau, au maillage du territoire, au développement des capacités de production et à l'urgence que la crise climatique impose.
Il lui demande donc quel bilan dresse-t-il du développement du fret ferroviaire depuis l'ouverture effective à la concurrence en 2006 et quelles sont les conclusions qu'il en tire et la prospective qu'il propose pour infléchir cette tendance au recul du fret ferroviaire.
Il lui demande également quelle position compte-t-il tenir auprès de la Commission européenne sachant que le développement du fret ferroviaire participe de la stratégie industrielle de la France et que les besoins de raccordement au réseau des installations stratégiques (ports, grands centres de logistique) vont croissant, comme c'est le cas pour le département de l'Aude, et plus généralement pour la partie orientale de l'Occitanie, qui souffre des reports successifs de la réalisation du chainon manquant du projet de ligne à grande vitesse, également dimensionnée pour permettre le déploiement d'une ligne de fret indispensable au développement de ce noeud ferroviaire du sud de l'Europe.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports
Réponse du Ministère auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports publiée le 11/07/2024
Les trafics de fret ferroviaire se sont caractérisés par une période globale de stabilité autour de 52 milliards de tonnes-kilomètres (Md de t.km) entre 1990 et 2000, une période de décroissance régulière entre 2000 et 2010 pour atteindre un plus bas à 30 Md de t.km suite à la crise économique de 2008 puis une nouvelle période de globale stabilité autour de 34 Md de t.km. Après une chute régulière entre 1990 (20%) et 2006, la part modale s'est quant à elle stabilisée autour de 10,5 % depuis 2006. On observe depuis 2021 une évolution à la hausse, impactée cependant par différents événements conjoncturels depuis 2022 (hausses des prix de l'énergie, mouvements sociaux, pénurie de conducteurs, etc). Les principales raisons de cette évolution sont connues et globalement partagées : désindustrialisation, évolution de la production énergétique, différentiel de compétitivité avec le transport routier de marchandises (prix/qualité), fragmentation des envois, etc. mais également conjoncturelles comme la crise économique de 2008, et l'état du réseau ferroviaire qui, dans une phase de travaux importants, rend les circulations difficiles et pénalise la qualité de service. Dans ce contexte, l'Etat est pleinement engagé dans le développement du fret ferroviaire et a publié à cet effet une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire en septembre 2021, validée depuis par décret du 18 mars 2022, qui comprend 73 mesures cohérentes, opérationnelles et indissociables construites en partenariat étroit avec les acteurs du secteur, en cours de mise en oeuvre. Dans ce cadre, une enveloppe budgétaire additionnelle de 170 Meuros a été mise en place à partir de la loi de finances pour 2021 afin de renforcer les soutiens à l'exploitation aux services qui étaient d'environ 125 Meuros en 2019. La stratégie nationale de développement du fret ferroviaire prévoyait le maintien de cette enveloppe supplémentaire jusqu'en 2024, son maintien jusqu'en 2030 a été annoncé en mai 2023 afin de continuer à soutenir les opérateurs fortement impactés par les crises récentes (coûts de l'énergie, mouvements sociaux début 2023), d'améliorer leur compétitivité et de leur donner la visibilité nécessaire à développer de nouveaux services. Dans le prolongement des engagements pris dans le cadre du plan de Relance et des travaux menés par le conseil d'orientation des infrastructures, le Gouvernement a annoncé un plan d'investissements de 4 Mdeuros dont la moitié proviendra de l'Etat. L'ambition est, d'ici 2032, de poursuivre la dynamique initiée dans le cadre du plan de relance en faveur des infrastructures spécifiques aux services de fret ferroviaire qui avait permis 500 Meuros d'investissements financés pour moitié par l'Etat. Un travail partenarial d'identification, de hiérarchisation et de planification des investissements est actuellement mené entre l'Etat, SNCF Réseau et les représentants de l'Alliance 4F. Il est prévu qu'il aboutisse d'ici l'été. Concernant l'avenir de Fret SNCF, à la suite de l'ouverture par la Commission européenne en janvier 2023 d'une procédure formelle sur les conditions de financement de l'entreprise, des échanges ont eu lieu entre l'Etat français et la Commission. L'Etat fait tout depuis cette date pour éviter le scénario du pire, à savoir une issue négative de la procédure qui se traduirait par l'obligation pour Fret SNCF de rembourser plus de 5 Mdeuros. Une telle décision conduirait en effet immédiatement à la liquidation de Fret SNCF, supprimerait de nombreux emplois et remettrait plus d'un million de camions sur les routes chaque année. Plutôt que de prendre le risque - réel en cas d'inaction - de voir disparaître Fret SNCF, et à travers lui une grande partie du fret ferroviaire français, dans les mois qui viennent, la solution privilégiée est de mener une transformation de l'entreprise, qui permettra à terme que la Commission européenne puisse constater l'existence d'une discontinuité économique et éteindre le risque de remboursement des 5 Mdeuros. Cette solution garantit la préservation intégrale du coeur d'activité de Fret SNCF qu'est la gestion capacitaire, clé pour le report modal et indispensable à nos territoires. Elle respecte également les trois lignes rouges que le Gouvernement s'était fixées, à savoir (i) l'absence de tout licenciement pour les statutaires comme les contractuels (100 % des emplois dans le ferroviaire sont préservés, et 90 % des emplois seront maintenus au sein de la nouvelle organisation), (ii) l'absence de privatisation (le groupe SNCF conservera la majorité du capital), et (iii) l'absence de report modal sur la route.
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