Question de Mme GUHL Antoinette (Paris - GEST) publiée le 07/12/2023

Mme Antoinette Guhl attire l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères concernant les dépenses publiques de l'Agence française de développement (AFD) pour l'installation de son siège social adjacent à la gare d'Austerlitz.
L'AFD est une société de financement et un établissement public industriel et commercial reconnus par le code monétaire et financier. Elle s'emploie à financer, accompagner et accélérer les transitions vers un monde plus juste et durable et joue un rôle clé dans la mise en oeuvre des accords de Paris.
L'AFD a signé une promesse de vente en 2020 pour l'acquisition d'un bien immobilier parisien sous forme de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) de 50 000 m2, devant être construit sur l'un des rares terrains non-bâtis de la capitale, pour un prix de revient de 924 millions d'euros, soit plus de 18 500 euros du m2 .
En juin 2021, le Conseil de l'immobilier de l'État a regretté l'absence d'étude validant le choix d'une mono-localisation, au détriment de l'optimisation du patrimoine existant. Il s'est interrogé sur la pertinence du choix d'un bien à construire plutôt que le réemploi de surfaces existantes, au regard des engagements de l'AFD d'être à 100 % en conformité avec l'accord de Paris, sachant que 60 % des émissions de gaz à effet de serre d'un bâtiment résulte de sa construction.
Le Conseil ajoute que le choix immobilier paraît en décalage avec les pratiques de l'immobilier tertiaire privé, dont la tendance est à la réduction des surfaces depuis la crise du Covid et l'essor du télétravail. À cet égard, le Conseil considère qu'une stratégie moins engageante pour l'AFD aurait mérité d'être étudiée.
Lors d'un débat au sein de la commission des finances du Sénat, il a été relevé en outre que les surfaces réellement occupées par l'AFD seront comprises entre 20 000 m² et 30 000 m², le surplus devant être sous-loué ou vendu à d'autres entreprises. Or, l'activité de location ou de promotion immobilière ne fait pas partie de l'objet social de l'AFD.
Dans le cadre de sa mission de contrôle de la bonne gestion de la dépense publique, la Cour des comptes a été saisie par des citoyennes et citoyens pour examiner le bien-fondé de cette opération. Par ailleurs, de nombreuses mobilisations citoyennes et d'élus ont également vu le jour pour s'opposer à ce projet.
Enfin, il existe plus de 4 millions de m2 de bureaux vacants en Île-de-France, y compris dans la ZAC Rive-Gauche où se trouve le projet. Dans un contexte de crise historique de l'immobilier tertiaire, ce projet pose trois questions : celle du risque financier considérable que cette opération fait peser sur le bilan de l'AFD; celle de la cohérence de ce choix avec les objectifs de la France dans la lutte contre le dérèglement climatique, qui implique de valoriser l'existant autant que possible et d'éviter d'artificialiser les sols comme à Austerlitz; celle enfin de la cohérence de ce choix avec la politique de déconcentration des administrations publiques promue par le Gouvernement.
C'est pourquoi elle lui demande si elle serait prête à dénoncer la VEFA signé par l'AFD et accepter le paiement des pénalités afférentes, plutôt que d'engager l'Agence, et par extension l'État, dans cette opération immobilière contestable faisant peser un risque considérable pour l'AFD, tant du point de vue financier que pour sa crédibilité, et qui est manifestement contraire à l'intérêt général.

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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique


Réponse du Ministère auprès du Premier ministre, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations publiée le 07/02/2024

Réponse apportée en séance publique le 06/02/2024

M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, auteure de la question n° 961, transmise à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Antoinette Guhl. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les dépenses publiques de l'Agence française de développement (AFD) relatives à l'installation de son siège social à Paris.

Je tiens, tout d'abord, à souligner que mon interpellation ne vise pas à remettre en question les actions à l'international de l'AFD, cet établissement public jouant un rôle clé dans la mise en oeuvre de l'accord de Paris. Son action est indispensable : il finance, accompagne et met en oeuvre une série de projets destinés à accélérer la transition vers un monde plus juste et durable. Mais là n'était pas mon propos.

En revanche, et c'est mon propos, en 2020, l'AFD a signé une promesse d'achat pour la construction d'un bien de 50 000 mètres carrés sur l'un des rares terrains non bâtis de Paris afin d'y établir son siège social, pour un coût de 924 millions d'euros. En tant qu'écologiste, je ne peux que déplorer cette opération.

Je m'étonne aussi du prix - plus de 18 500 euros le mètre carré -, et je ne suis pas la seule : c'est le cas de nombreux habitants, d'associations, de militants, d'élus, mais aussi du Conseil de l'immobilier de l'État. En effet, en juin 2021, celui-ci a souligné deux contradictions importantes. Cette opération est d'abord contraire aux engagements climatiques de l'AFD puisque le choix est fait de construire un nouveau bâtiment au lieu d'optimiser les espaces existants ; elle est aussi contraire aux tendances du marché de l'immobilier tertiaire. Depuis la crise de la covid-19 et l'essor du télétravail, le mouvement est plutôt à la diminution des superficies de bureaux.

Lors d'un débat au sein de la commission des finances, il a été relevé que l'AFD n'occuperait que 30 000 mètres carrés dans l'immeuble : les 20 000 mètres carrés restants seront donc loués ou vendus à d'autres entreprises. Or l'activité de location ou de promotion immobilière ne fait pas partie de l'objet social de l'AFD ; c'est donc un problème.

Madame la ministre, le Gouvernement est-il prêt à dénoncer le contrat de vente en l'état futur d'achèvement (Vefa) signé par l'AFD, quitte à payer les pénalités afférentes ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Je note d'abord, madame la sénatrice, et l'on peut s'en féliciter, que les missions de l'AFD augmentent. Cette dynamique doit s'accompagner aussi d'une évolution de l'agence en termes d'organisation. Nous pouvons nous réjouir, en tout cas, que l'AFD soit reconnue, qu'elle fonctionne bien et qu'elle accompagne de plus en plus de pays étrangers.

C'est pour cela, et uniquement pour cette raison, que ce projet a été conçu. Le conseil d'administration de l'Agence a approuvé en 2020 l'acquisition d'un espace de bureaux de 50 000 mètres carrés, au sein d'un projet immobilier déjà existant de 100 000 mètres carrés.

Ce projet vise à rationaliser les emprises immobilières du groupe, grâce au regroupement de 2 500 salariés. Cette opération doit permettre à l'Agence de réduire ses charges d'exploitation immobilières de 40 % par an, à partir de l'entrée dans les locaux en 2026.

En résumé, l'AFD voit ses missions, et donc ses besoins, augmenter. L'opération projetée lui permettra de rationaliser son parc immobilier et son emprise immobilière. Elle n'entraîne aucun coût budgétaire pour l'État. Elle a, par ailleurs, été menée dans les règles : le Conseil d'État a confirmé, dans son arrêt du 19 octobre 2022, la décision de la cour administrative d'appel du 18 novembre 2021, et donc la régularité du permis de construire.

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