Question de Mme SENÉE Ghislaine (Yvelines - GEST) publiée le 14/12/2023
Mme Ghislaine Senée attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports sur le projet de liaison routière entre la RD30 et la RD190, qui prévoit la réalisation de 6 kilomètres d'aménagement par la création d'une route à 2x2 voies, la requalification de voies existantes, et la réalisation d'un nouveau pont sur la Seine.
Ce projet, vieux d'une quarantaine d'années, se révèle aujourd'hui totalement incompatible avec un grand nombre d'engagements et objectifs que s'est fixée la France.
En premier lieu, le projet entre en contradiction totale avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui prévoit une baisse de 28 % des émissions du transport d'ici 2030, alors que le projet augmentera de 14 % les émissions de gaz à effet de serre sur les routes du territoire. En effet, en raison du phénomène de l'effet induit, le trafic augmentera de 114 % sur l'A13. La réalisation de ce projet contredit donc l'objectif de report modal au coeur des orientations de la SNBC, alors qu'est mise en oeuvre la phase 2 du tramway 13, qui répond pourtant strictement à la capacité de report modal sur ce secteur.
En second lieu, le projet entre en contradiction avec l'objectif zéro artificialisation nette des sols (ZAN) d'ici 2050. Ce projet va obligatoirement engendrer l'élargissement de voiries en amont et en aval afin de régler les nouveaux engorgements à prévoir (entrée d'Achères ; sortie de la RN184 ; tronçon de la RD154 passant par Marsinval et Villennes pour déboucher sur le pont d'Orgeval déjà saturé en heure de pointe, puis sur la RN13). Ces élargissements artificialiseront des espaces naturels agricoles et forestiers d'ores et déjà hors enveloppe ZAN.
En troisième lieu, le projet sera coûteux sur le plan de la santé. Selon le commissaire enquêteur, la pollution de l'air risque de dépasser les seuils acceptables dans une vallée de Seine déjà classée en zone rouge dans le projet partenarial d'aménagement (PPA) d'Ile-de-France. Concernant la pollution sonore, elle attire l'attention du Gouvernement sur le cas de familles de gens du voyage sédentarisées, situées à quelques mètres de la future 2x2 voies, qui n'ont pas été prises en compte dans l'étude d'impact relative au bruit, et ne bénéficieront donc d'aucune protection sonore.
En dernier lieu, le projet est incompatible avec les efforts de redressement des finances publiques. Le projet accuse en effet un véritable dérapage de ses coûts : le montant pourrait dépasser les 200 millions d'euros pour un coût initial estimé à 120 millions d'euros, soit une hausse de 67% des coûts. À ces dépenses s'ajouteront celles inhérentes à l'entretien des ponts, évaluées entre 25 000 et 40 000 euros par pont et par an selon le rapport d'information sénatorial « sécurité des ponts : éviter un drame », qui souligne aussi la rareté de la compétence d'entretien des ponts et le manque de moyens des départements.
L'abandon de ce projet écologiquement préjudiciable irait dans le sens des décisions d'abandon d'un certain nombre de projets autoroutiers désormais obsolètes à l'heure de l'urgence écologique. En Ile-de-France, l'État avait notamment abandonné le prolongement de l'A104, indiquant souhaiter « privilégier le report vers les transports collectifs » (réponse du 24/11/2022 à la question écrite n° 02750).
Si le projet relève de la compétence du département, le Gouvernement reste entièrement responsable du respect des engagements de la France, et notamment de l'objectif ZAN, de la SNBC et de la maîtrise des finances publiques.
Aussi, elle lui demande ce que compte faire concrètement le Gouvernement face à ce projet, source d'une profonde incompréhension chez une grande partie des citoyens, tant il entre en contradiction avec les engagements et objectifs que s'est fixée la France, à l'heure du tournant écologique.
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Transmise au Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 19/01/2024
Réponse apportée en séance publique le 18/01/2024
M. le président. La parole est à Mme Ghislaine Senée, auteure de la question n° 974, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Ghislaine Senée. Lundi prochain, nous serons un certain nombre de parlementaires à assister au lancement de la COP Région Île-de-France, aux côtés du Gouvernement. L'objectif de cette conférence régionale des parties est de travailler collectivement pour permettre à la région d'atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de mise en oeuvre de la trajectoire « zéro artificialisation nette », et de protection de la biodiversité et des écosystèmes.
Dans ce contexte, le projet routier de pont d'Achères, appelé A104 bis et défendu par le département des Yvelines, avance à grand bruit avec le démarrage des travaux préparatoires, notamment de nombreux défrichements, malgré l'opposition unanime des associations locales et des populations qui en subiront les nuisances.
Ce projet vieux de 40 ans, fruit d'une vision obsolète de l'aménagement, induira une hausse du trafic de 114 % dans une boucle enclavée de la Seine, entraînera nuisances et pollutions, affectera la santé des riverains et provoquera la destruction d'écosystèmes précieux dans mon département - sans parler des coûts d'entretien dans les années à venir, dont on sait aujourd'hui qu'ils seront difficilement supportables. Pour quels bénéfices ?
Monsieur le ministre, que compte faire concrètement le Gouvernement face à ce projet, source d'une profonde incompréhension chez une grande partie de nos concitoyens, tant il entre en contradiction avec les engagements et les objectifs que s'est fixés la France à l'heure du tournant écologique ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Ghislaine Senée, je ne pourrai pas - et je le regrette - participer lundi prochain à la COP Région Île-de-France, car je représenterai le Gouvernement - « resserré », comme vous le savez - au même moment à l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé des grandes opérations d'aménagement les copropriétés dégradées.
Je tiens néanmoins à vous confirmer qu'est bien inscrite dans l'orientation globale que nous défendons, conformément à nos ambitions en termes de planification écologique, une massification des transports en commun et du ferroviaire, plutôt que de la route. Les contrats de plan État-région (CPER) proposés prévoient en effet une diminution de 80 % des crédits consacrés à la route par rapport aux années 2000 et de 40 % par rapport aux années 2010.
Cela ne signifie pas que tous les projets sont arrêtés. Il s'agit, pour chacun d'entre eux, de faire l'analyse la plus pertinente possible, au regard tant de son impact immédiat que de ses conséquences.
Le projet que vous évoquez a fait l'objet voilà tout juste dix ans d'une déclaration d'utilité publique (DUP), laquelle a été prorogée en 2017. Comme vous l'avez rappelé, il est promu non par l'État, mais par le département des Yvelines.
L'élément nouveau de ce dossier est la décision de justice qui est intervenue le 4 décembre dernier, par laquelle le tribunal administratif de Versailles a rejeté toutes les demandes des associations, considérant que leurs inquiétudes ou leurs alarmes n'étaient pas fondées.
Le tribunal administratif a ainsi fait valoir, d'une part, que, les opérations de défrichement étant pour l'essentiel déjà réalisées, pointer le risque que celles-ci pourraient provoquer revenait à évoquer un sujet qui aujourd'hui n'existe pas ou n'existe plus, d'autre part, que l'arrêté préfectoral ne portait pas une atteinte grave et immédiate aux espèces protégées, en particulier l'oeudicnème criard, espèce d'oiseau - toujours d'après le juge - qui ne niche pas sur le site du projet routier proprement dit.
Tels sont les éléments en ma possession au sujet de ce projet engagé, je le répète, par une collectivité territoriale et non par le Gouvernement.
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