Question de Mme PUISSAT Frédérique (Isère - Les Républicains) publiée le 28/03/2024
Mme Frédérique Puissat attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires au sujet du décret tertiaire qui impose que l'installation photovoltaïque sur le toit d'un bâtiment public soit financée par le propriétaire du bâtiment, ce qui exclut la possibilité de faire appel à un tiers investisseur.
Les collectivités locales, en première ligne pour répondre au défi du changement climatique, sont particulièrement concernées par les enjeux de décarbonation de leurs bâtiments. La solarisation de ces derniers représente un potentiel considérable au vu de leur parc très vaste.
Cependant, les collectivités se heurtent au respect du décret tertiaire dans leurs projets d'installation d'énergie photovoltaïque.
Le décret tertiaire impose des actions de réduction de la consommation d'énergie finale des bâtiments à usage tertiaire, dans l'objectif d'atteindre une réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010.
Or, dans sa formulation actuelle, le décret tertiaire suppose que l'installation photovoltaïque sur le toit d'un bâtiment public, tel un lycée, soit financée par le propriétaire du bâtiment. En effet, l'arrêté du 10 avril 2020 relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire indique que les données de consommations sont fournies « à partir de factures ou tout autre moyen approprié d'effet équivalent ».
La production photovoltaïque autoconsommée permet ainsi de réduire la consommation nette des bâtiments si elle ne fait pas l'objet d'une facturation, mais ce n'est pas le cas pour une installation qui appartient à un tiers ou à une société de projets (SPV) qui se rémunérerait en vendant la production au bâtiment public.
Cette application stricte du décret tertiaire, selon laquelle la prise en compte de la réduction de la consommation d'énergie ne peut se faire qu'à partir des investissements réalisés en autoconsommation seule, se révèle contre-productive. Les collectivités se trouvent effectivement désincitées à solariser plusieurs milliers de m2, ce qui va à l'encontre des objectifs d'accélération et de massification des énergies renouvelables.
Une modification du décret tertiaire permettrait de comptabiliser, dans les objectifs du décret, l'électricité produite par un tiers investisseur sur le toit d'un bâtiment, et permettrait d'exploiter au mieux le potentiel de solarisation. Une telle mesure constituerait une aide utile pour toutes les collectivités locales qui doivent faire face à un mur d'investissements dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint.
Ainsi, elle lui demande si le Gouvernement compte modifier le décret tertiaire afin de tenir compte de cette situation.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement publiée le 10/04/2024
Réponse apportée en séance publique le 09/04/2024
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 1185, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le ministre délégué, je vous remercie de suppléer le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires que je souhaitais interroger sur le décret du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, dit « décret tertiaire ».
Aussi vertueux soit-il, ce décret n'est pas sans poser des problèmes aux communes qui doivent le mettre en application. Pour rappel, les collectivités doivent réduire d'au moins 40 % la consommation d'énergie finale de leurs bâtiments de plus de 1 000 mètres carrés d'ici à 2030.
Pour ce faire, il existe plusieurs solutions, dont celle de la production d'énergie renouvelable grâce à des panneaux photovoltaïques installés sur les bâtiments.
Or la rédaction actuelle du décret tertiaire ne permet la prise en compte des investissements en matière d'énergie renouvelable qu'au-delà des efforts engagés pour atteindre l'autoconsommation énergétique, ce qui met un certain nombre de collectivités, comme celle de Vienne Condrieu Agglomération, en Isère, en difficulté.
Cela signifie, monsieur le ministre délégué, qu'il n'est pas possible de prendre en compte la production d'énergie renouvelable issue de panneaux photovoltaïques installés par un tiers investisseur dans le cadre de ce décret.
J'imagine que l'agglomération de Vienne n'est pas la seule collectivité à connaître ce type de difficulté. Nous avons demandé à plusieurs reprises au Gouvernement qu'il réécrive ce décret, afin d'offrir, de façon vertueuse, la possibilité de faire appel à un tiers investisseur. Cette reformulation ne coûte guère. L'envisagez-vous, et dans quel délai ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice Puissat, en France, les objectifs de réduction de la consommation énergétique des bâtiments à usage tertiaire consistent à réduire de moitié, d'ici à 2040, la consommation finale, qu'elle soit d'origine renouvelable ou non renouvelable.
Toutefois, ce dispositif Éco-énergie tertiaire n'impose pas que l'installation photovoltaïque sur le toit des bâtiments soit financée par son propriétaire.
L'origine renouvelable de l'énergie - ici de l'électricité - ne doit pas être considérée comme un droit à consommer davantage. Si la production d'énergie renouvelable est vertueuse, il convient d'être vigilant sur l'impact des installations de production sur l'environnement lorsqu'aucun effort n'est fait pour réduire la consommation.
La pose de panneaux photovoltaïques en toiture ne peut donc pas se substituer aux efforts qu'il convient de faire pour que les niveaux de consommation atteints soient raisonnables pour le reste du bâtiment.
Un modèle économique qui reposerait sur un financement privé des panneaux photovoltaïques et un retour sur investissement grâce à la production et la revente de l'énergie produite pourrait par ailleurs conduire à une surconsommation énergétique.
Pour autant, le Gouvernement est, tout comme vous, favorable à ce que l'on accélère la production d'énergie renouvelable, notamment le solaire en toiture.
C'est ainsi que les collectivités peuvent bénéficier de dispositifs de soutien à la production d'électricité à partir d'énergie photovoltaïque.
Pour les projets de moins de 500 kilowatts-crête sur les toitures, hangars ou ombrières, elles peuvent demander un tarif garanti de l'électricité par l'intermédiaire du guichet unique dit S21. Pour les projets d'une puissance plus importante, elles peuvent obtenir un tarif grâce à la mise en concurrence dans le cadre des appels d'offres lancés régulièrement par le ministère.
Ces collectivités peuvent également bénéficier d'une prime à l'autoconsommation si le développement du photovoltaïque s'inscrit dans une logique de réponse à un besoin de consommation territoriale.
Le Gouvernement soutient une consommation d'énergie mieux maîtrisée, via des actions d'efficacité et de sobriété énergétiques, et une production plus durable, via le développement du photovoltaïque.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le ministre, je ne comprends absolument pas votre réponse.
Nous avons tous comme objectif la réduction de la consommation énergétique des bâtiments publics. Alors, si un tiers investisseur tire un bénéfice de l'installation de panneaux solaires, qu'est-ce que cela peut faire, dès lors que cela permet de réduire cette consommation ? Quelle que soit la manière, les objectifs sont les mêmes !
Réécrire ce décret ne coûterait absolument rien au Gouvernement. Il suffirait d'ajouter une simple phrase pour que ces objectifs vertueux soient atteints.
Je vous remercie de bien vouloir faire part de ma franche incompréhension au ministre concerné par ma demande.
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