Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 03/10/2024
Mme Nathalie Goulet interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le non-respect prolongé du principe « extrader ou juger » et les causes de la non-performance prolongée d'une obligation de quitter le territoire de la France (OQTF) qui affectent négativement les relations de la France avec son partenaire clé en Asie centrale, le Kazakhstan.
Elle, qui a présidé le groupe d'amitié France Asie centrale, a eu connaissance du feuilleton judiciaire concernant un ancien banquier en fuite dans l'hexagone et accusé par son pays de détournement de fonds.
Il avait été inculpé à Paris en octobre 2020 pour abus de confiance aggravé et blanchiment d'argent, et placé sous contrôle judiciaire, dans le cadre d'une information judiciaire. Celle-ci avait été ouverte le 2 avril 2018 à la suite d'une plainte et d'une dénonciation officielle en juillet 2017 des autorités kazakhes, fondées sur le principe « extrader ou juger ». Cet ancien banquier est accusé d'avoir détourné 7,5 milliards de dollars.
Compte-tenu des faits avérés de fraude et de blanchiment d'argent, la Cour de cassation a invalidé le 23 mai 2023 l'annulation des poursuites judiciaires visant cet ancien banquier kazakh, entrainant la reprise des poursuites du moins en théorie.
Dans le même temps, en novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a ordonné à cet individu de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, dont il a été fait appel, en principe non suspensif.
L'enquête judiciaire sur l'abus de confiance aggravé et blanchiment d'argent n'a pas progressé depuis 2020.
Le 9 avril 2024 a été promulguée la loi n° 2024-321 autorisant la ratification du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan, facilitant notamment les demandes d'extradition.
Elle lui demande s'il entend rendre effectives les conventions judiciaires entre la France et le Kazakhstan et notamment appliquer les décisions qui concernent un de ses ressortissants.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargé des personnes en situation de handicap publiée le 23/10/2024
Réponse apportée en séance publique le 22/10/2024
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 018, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, la lutte contre le blanchiment d'argent et la criminalité organisée est une priorité. La réunion du Groupe d'action financière (Gafi) qui se tient à Paris le montre bien.
Lorsque je présidais le groupe d'amitié France-Asie centrale, j'ai eu connaissance d'un feuilleton judiciaire - ma question s'adressait au garde des sceaux - concernant un ancien banquier en fuite dans l'Hexagone, accusé par son pays de détournement de fonds d'une valeur de 7,5 milliards de dollars - une paille ! Il avait été inculpé dans le cadre d'une information judiciaire ouverte en avril 2018, à la suite d'une plainte.
Nous constatons aujourd'hui que le principe « extrader ou juger » est difficilement appliqué.
Compte tenu des faits avérés de fraude et de blanchiment, la Cour de cassation a invalidé en mai 2023 l'annulation des poursuites, qui devaient donc reprendre. Parallèlement, l'individu fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) depuis le mois de novembre 2023. Or la procédure judiciaire n'a pas avancé, et l'OQTF n'est pas appliquée.
Soit l'enquête judiciaire pour abus de confiance aggravé et blanchiment se poursuit, soit l'OQTF doit être appliquée !
En toute hypothèse, nous avons, depuis le 9 avril 2024, une convention d'entraide avec le Kazakhstan. Dès lors, madame la ministre, la question que je souhaitais adresser au garde des sceaux est simple : avez-vous l'intention d'appliquer le principe « extrader ou juger » ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargée des personnes en situation de handicap. Madame la sénatrice Goulet, mon collègue le garde des sceaux vous prie de bien vouloir l'excuser de ne pouvoir venir vous répondre ce matin. Il m'a chargée de vous transmettre les éléments suivants.
L'information judiciaire que vous évoquez, ouverte par le parquet de Paris à l'encontre de ce ressortissant kazakhstanais, fait suite au refus d'extrader ce dernier opposé par l'autorité judiciaire française, refus qui a été suivi d'une dénonciation officielle des faits par les autorités kazakhstanaises.
L'ouverture d'une telle procédure judiciaire, toujours en cours et couverte par le secret de l'instruction, est l'illustration flagrante de l'exacte application qui a été faite par la France du principe « extrader ou juger », prévu par l'article 113-8-2 du code pénal.
Si les demandes d'extradition entre la France et le Kazakhstan ne disposent toujours pas de fondement conventionnel dédié, il n'en va plus de même des demandes d'entraide pénale internationale, qui peuvent dorénavant être transmises sur la base de la convention bilatérale d'entraide signée entre nos deux pays le 28 octobre 2021 et qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2024. Celle-ci ne pourra que faciliter et fluidifier la coopération franco-kazakhstanaise en matière d'entraide aux fins d'enquête, éventuellement dans le cadre de l'information judiciaire évoquée.
Pour ce qui concerne, enfin, la question de la mise en oeuvre de l'obligation de quitter le territoire français délivrée à l'encontre de ce ressortissant kazakhstanais, le ministère de la justice n'est pas compétent pour y répondre, s'agissant d'une procédure administrative.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Vous comprenez bien que l'imbroglio judiciaire apparaît comme une difficulté dans cette affaire, qui est extrêmement importante aux yeux de nos amis et partenaires du Kazakhstan - 7,5 milliards de dollars de détournements, ce n'est pas une petite somme !
Je répète qu'il faut absolument lutter contre le blanchiment.
J'ai bien noté les éléments dont vous m'avez fait part. Et s'agissant de l'OQTF, je saisirai le ministre compétent.
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