Question de M. JOYANDET Alain (Haute-Saône - Les Républicains) publiée le 03/10/2024

M. Alain Joyandet attire l'attention de Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation sur la marge de manoeuvre dont disposent les communes pour aider et pérenniser l'installation de commerces locaux. Plus précisément, certaines communes - notamment celles situées en zone rurale voire très rurale - souhaiteraient pouvoir mettre gracieusement à disposition d'un ou plusieurs professionnels des locaux commerciaux, qui relèvent de leur domaine privé, afin de réduire leurs charges. En application de l'article L. 2221-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les personnes publiques « gèrent librement leur domaine privé selon les règles qui leur sont applicables ». Cependant, selon la jurisprudence administrative et plusieurs réponses ministérielles constantes, la location d'un local communal s'effectue par un contrat de droit privé. La commune est donc libre de choisir son cocontractant sous deux réserves. D'une part, elle ne peut louer un bien à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé pour un loyer inférieur à sa valeur locative, sauf à justifier de motifs d'intérêt général et de contreparties suffisantes. D'autre part, la commune est soumise au principe d'égalité sous le contrôle du juge administratif dans son choix du cocontractant. Par ailleurs, une commune ne peut attribuer d'aides en nature ou de subventions que dans le strict respect des principes d'égalité et de transparence. À cette fin, elle doit justifier l'octroi de ces aides, qui doivent répondre à un motif d'intérêt général, s'inscrire dans une mission de service public ou participer à l'exercice d'une compétence communale. En ce sens, la commune doit également fixer des critères objectifs d'attribution des aides, qui permettent de désigner les catégories de personnes potentiellement bénéficiaires selon des modalités claires et garantissant à la fois l'absence de tout favoritisme et de toute discrimination. Enfin, le Conseil constitutionnel a jugé à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité que « le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques ainsi que la protection du droit de propriété, qui ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi la propriété de l'État et des autres personnes publiques, (...) font obstacle à ce que des biens faisant partie du patrimoine de personnes publiques puissent être aliénés ou durablement grevés de droits au profit de personnes poursuivant des fins d'intérêt privé sans contrepartie appropriée eu égard à la valeur réelle de ce patrimoine ». Aussi, il le remercie de bien vouloir lui indiquer si la mise à disposition gratuite de locaux commerciaux par des communes rurales à des professionnels pour inciter et pérenniser leur installation s'inscrit légalement dans le cadre juridique rappelé précédemment.

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Transmise au Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation


Réponse du Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation publiée le 10/04/2025

En application de l'article L. 2211-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), le domaine privé des personnes publiques est constitué des biens qui ne relèvent pas du domaine public. Par ailleurs, font également partie du domaine privé les réserves foncières, les biens immobiliers à usage de bureau qui ne forment pas un bien indivisible avec ceux relevant du domaine public (article L. 2211-1 second alinéa du CG3P) ainsi que les chemins ruraux, et les bois et forêts soumis au régime forestier (article L. 2212-1 du CG3P). La mise à disposition d'un bien appartenant au domaine privé d'une collectivité n'est pas soumise à l'obligation de sélection et publicité préalable (Conseil d'Etat, 2 décembre 2022, n° 455033 et n° 460100). La commune demeure ainsi libre du choix du cocontractant. De plus, les personnes publiques « gèrent librement leur domaine privé » dont la gestion obéit aux règles de droit privé (article L. 2221-1 du CG3P). Ainsi, il est possible pour celles-ci de conclure des conventions d'occupation précaire, des baux emphytéotiques (article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales) ou des baux commerciaux. Toutefois, « une personne publique ne peut légalement louer un bien à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé pour un loyer inférieur à la valeur locative de ce bien, sauf si cette location est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes. » (Conseil d'Etat, 28 septembre 2021, n° 431625). En ce sens, ne constitue pas un motif d'intérêt général, la mise à disposition d'un local afin de favoriser l'installation d'un professionnel de santé à un prix inférieur au marché dès lors que la commune « ne fait pas partie de la zone déterminée par le directeur général de l'agence régionale de santé, que caractérise une offre insuffisante de soins pour cette profession » (Conseil d'Etat, 28 septembre 2021, précité). Ainsi, les communes sont astreintes à louer leurs biens à des professionnels au prix du marché sauf à justifier d'un intérêt local et d'une contrepartie suffisante, l'existence de ces deux conditions étant soumise à l'appréciation souveraine des juridictions.

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