Question de Mme DREXLER Sabine (Haut-Rhin - Les Républicains-A) publiée le 03/10/2024

Mme Sabine Drexler interroge M. le ministre de l'intérieur sur la coopération policière entre la France et la Suisse.

Le 11 mai 1998, un accord a été signé entre la France et la Suisse afin de renforcer la coopération transfrontalière en matière de sécurité. Sur le plan pratique, ce texte a conduit à la création d'un Centre de coopération policière et douanière (CCPD), puis a permis l'apparition de patrouilles mixtes en zone frontalière, en avril 2004. L'entrée de la Suisse dans l'espace Schengen a conduit à la conclusion d'un second accord signé à Paris le 9 octobre 2007.

Cependant, l'article 1 du décret n° 2009-836 du 7 juillet 2009 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière, signé à Paris le 9 octobre 2007, dispose que seuls les agents de l'État, soit la police nationale, la gendarmerie nationale et la douane, peuvent mener des opérations conjointes avec les autorités policières suisses, principalement fédérales et cantonales. Côté français, l'échelon local a été totalement oublié de cet accord. En effet, ce dernier ne permet pas aux collectivités territoriales dotées d'une police municipale ou de gardes champêtres communaux et intercommunaux, à l'instar des Brigades vertes en Alsace, d'organiser des patrouilles mixtes avec les forces policières suisses. Cela se révèle être un véritable frein dans le cadre de l'organisation de manifestations transfrontalières. Parallèlement, le secteur des Trois Frontières est impacté par de nombreux dépôts sauvages dont certains auteurs sont de nationalité suisse. Une meilleure collaboration entre les polices municipales et les forces policières helvétiques permettrait de faciliter l'échange d'informations.

D'autant plus que depuis l'accord de Paris, le nombre de policiers municipaux a considérablement augmenté. Au 1er janvier 2020, la France ne comptait pas moins de 23 934 policiers municipaux, faisant de ces derniers « une composante utile, voire indispensable, de la sécurité publique » selon la Cour des comptes. Il serait donc légitime que la police municipale et les gardes champêtres, à l'image des Brigades vertes en Alsace, trouvent pleinement leur place dans cet accord de coopération.

Aussi, elle lui demande quelle est la stratégie du gouvernement afin de mieux intégrer l'échelon local en matière de coopération policière entre la France et la Suisse.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 29/05/2025

L'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière, signé à Paris le 9 octobre 2007 (« Accord de Paris »), constitue le socle de la coopération bilatérale en la matière. Au-delà du contexte lié à l'adhésion de la Suisse à l'espace Schengen (effectif depuis le 12 décembre 2008), la conclusion de cet accord, qui a abrogé l'accord franco-suisse du 11 mai 1998 (« accord de Berne »), a modernisé le cadre juridique de la coopération (en le portant au niveau qualitatif du Traité de Prüm, signé en 2005 avec plusieurs États limitrophes et intégré en 2008 dans le droit de l'UE). Cet accord, qui donne largement satisfaction aux deux Parties, fait l'objet de travaux réguliers de suivi, afin de s'assurer qu'il répond bien aux besoins institutionnels et opérationnels des deux pays. L'Accord de Paris permet aux parties de développer, dans le respect de leur souveraineté nationale et du rôle des autorités administratives et judiciaires territorialement compétentes, une coopération transfrontalière des services chargés de missions de police et de douane, par la définition de nouvelles modalités de coopération policière et douanière, l'institution de centres de coopération policière et douanière et la coopération directe entre les services compétents. En vertu de l'article 1er de l'accord, les services français compétents pour la mise en oeuvre de cette coopération sont la police nationale, la gendarmerie nationale, la douane et, pour certaines dispositions de l'accord, les autorités judiciaires et administratives. Les agents de police municipale et les gardes champêtres communaux et intercommunaux ne font en revanche pas partie des autorités compétentes au titre de la mise en oeuvre de cet accord et cette situation est logique, à plusieurs titres. En l'état actuel du droit français, il ne serait tout d'abord pas possible de confier aux agents de police municipale des missions de coopération internationale. Au regard du principe à valeur constitutionnelle de libre administration des collectivités territoriales, la possibilité pour l'État de désigner des fonctionnaires territoriaux pour agir en son nom - qui plus est pour des finalités régaliennes - sur le territoire d'un autre État semble en effet pour le moins incertaine. De plus, conformément aux articles L. 511-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, les agents de police municipale sont compétents sur le territoire de leur commune et agissent sous l'autorité du maire. Les conditions dans lesquelles les agents de police municipale peuvent intervenir en dehors du territoire communal sont strictement limitées et encadrées par la loi. Les articles L. 512-1 à L. 512-3 du code de la sécurité intérieure autorisent ainsi, dans certaines circonstances et selon certaines conditions, la mutualisation des agents de police municipale, qui peuvent dès lors intervenir sur le territoire de plusieurs communes ; mais pour autant, à droit constant, il n'est pas possible de permettre aux agents de police municipale de participer, de l'autre côté de la frontière, à des patrouilles mixtes ou à toute autre forme de coopération. Il en est de même pour les gardes champêtres, dont les missions et attributions sont fixées aux articles L. 521-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. On soulignera que ces agents ne disposent pas des mêmes compétences et prérogatives opérationnelles que les fonctionnaires de police et des douanes ou les militaires de la gendarmerie, notamment en matière d'interpellation de personnes ou de mesures privatives de liberté. De surcroît, une partie des dispositions prévues par l'accord franco-suisse implique que les autorités compétentes disposent d'attributions de police judiciaire afin de pouvoir mener des investigations. Or, comme le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de le rappeler dans une décision récente (décision n° 2021-817 du 20 mai 2021 sur la loi pour une sécurité globale préservant les libertés), les agents de police municipale et les gardes champêtres n'agissent pas sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire et ne peuvent donc pas se voir confier des compétences de police judiciaire. Par ailleurs, s'agissant de la gestion de manifestations transfrontalières ou de grands événements d'ordre public, il revient en premier lieu aux forces de sécurité intérieure nationales d'en assurer les sécurisations sous l'autorité du préfet. Toutefois, si les agents de police municipale ne peuvent pas établir de contacts directs avec les autorités suisses, ni participer à des missions sur le territoire suisse, ils peuvent néanmoins être mobilisés sur des missions relevant de leurs compétences (contrôles routiers par exemple), à la demande des forces de sécurité intérieure françaises, lorsque ces dernières sont engagées sur une opération conjointe franco-suisse. Les articles L. 512-4 à L. 512-7 du code de la sécurité intérieure encadrent en effet les modalités d'intervention des agents de police municipale au profit des forces de sécurité de l'État. Le Gouvernement poursuivra en tout état de cause les travaux de réflexion visant à approfondir la coproduction de sécurité du côté français de la frontière, en tenant pleinement compte de la plus-value que peuvent apporter les agents des polices municipales et les gardes champêtres, mais également en gardant pleinement à l'esprit le rôle de chacun des acteurs du continuum de sécurité et en veillant à leur bonne complémentarité.

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