Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 03/10/2024
M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre du travail et de l'emploi sur le recours au licenciement pour inaptitude au travail de salariés de longue date en contrat à durée indéterminée (CDI).
De nombreuses très petites entreprises se retrouvent confrontées à des situations comptables délicates lorsqu'un salarié qu'elles emploient depuis de nombreuses années (en CDI) entre en conflit avec la direction et fait en sorte d'obtenir un licenciement pour inaptitude (motif personnel) après un congé maladie en ne donnant pas suite aux différentes offres de reclassement prévues à l'article L. 1226-2 du code du travail.
Ainsi, il indique le cas d'un employé d'une charcuterie de 5 salariés et 4 apprentis qui peut, au terme d'un arrêt maladie d'un an et neuf mois pour cause de dépression, refuser les offres de reclassement et pousser son employeur à procéder à un licenciement pour motif personnel. Si cet employé a été salarié pendant 18 ans par l'entreprise et a cumulé des droits à des congés d'une durée de 10 mois, ce licenciement peut coûter environ 13 000 euros - hors-charges - à l'employeur. En cas d'insolvabilité, l'entreprise pourrait être contrainte de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire afin que le régime de garantie des salaires avance les indemnités de licenciement à l'employé. Cette procédure elle-même pourrait représenter un coût pour l'entreprise d'au moins 5 000 euros. Le coût total du licenciement pour inaptitude est ainsi susceptible d'entraîner la faillite d'une très petite entreprise. Il semblerait donc opportun qu'un dispositif puisse éviter ce type de situation, notamment pour les petites ou moyennes entreprises et petites ou moyennes industries (PME/PMI).
Il souhaite donc connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement afin de permettre aux très petites entreprises de licencier, pour inaptitude, un employé en CDI sans que cela ne mette l'entreprise en danger.
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Réponse du Ministère du travail et de l'emploi publiée le 28/11/2024
En l'état actuel du droit, l'incompatibilité entre le poste occupé et l'état de santé d'un salarié est constatée par le médecin du travail lors d'un examen médical issu d'une visite ou d'un examen prévu dans le cadre du suivi individuel de l'état de santé. Le médecin se prononce sur les capacités restantes du salarié avec, le cas échéant, des indications relatives à son reclassement conformément à l'article L. 4624-4 du code du travail. L'article L. 4624-5 du code du travail prévoit en outre que le médecin du travail peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien en emploi pour mettre en oeuvre son avis et ses indications ou ses propositions. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail (articles L. 1226-2-1, al. 3 et L. 1226-12, al. 3 du code du travail). Lorsqu'aucun poste de reclassement n'a pu être proposé ou que le salarié a refusé les postes proposés, il appartient à l'employeur d'engager une procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est un licenciement pour motif personnel. A ce titre, le salarié perçoit à la rupture de son contrat une indemnité de licenciement dès lors que celui-ci justifie d'une ancienneté ininterrompue égale ou supérieure à 8 mois. Cette indemnité est au moins égale à l'indemnité légale de licenciement, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. Cette indemnité est doublée en cas d'origine professionnelle attribuée à l'inaptitude. L'absence de préavis en raison de l'inaptitude constatée implique l'absence d'indemnité compensatrice de préavis, sauf dispositions conventionnelles contraires. Le salarié peut toujours refuser un poste de reclassement. Le refus du salarié ne constitue pas une faute grave (Cass. soc., 9 avr. 2002, no 99-44.192), ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement, que la proposition de reclassement emporte une modification du contrat de travail ou un simple changement des conditions de travail (Cass. soc., 26 janv. 2011, no 09-43.193). Il convient de souligner que la Cour de cassation peut considérer, dans certaines hypothèses, que lorsque le salarié refuse un poste de reclassement qui serait conforme aux préconisations du médecin du travail sollicité par l'employeur sur la compatibilité du poste et qu'il n'impose pas de modification du contrat de travail, le refus du salarié peut être considéré comme abusif. Le refus abusif de la proposition de reclassement exonère l'employeur de verser au salarié les indemnités spéciales de licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle. Le salarié ne peut pas exiger de percevoir ni l'indemnité compensatrice correspondant à l'indemnité de préavis, ni l'indemnité doublée de licenciement. A titre d'exemple, le refus du salarié est abusif lorsque : - le salarié rejette systématiquement les propositions de l'employeur ou omet d'y répondre malgré des demandes réitérées et alors que l'employeur l'invitait à lui indiquer quel poste pourrait lui convenir (Cass. soc., 27 mars 1991, no 87-42.718) ; - l'emploi proposé est spécialement aménagé en fonction du handicap et avec l'accord du médecin du travail, et s'accompagne d'un maintien intégral de la rémunération (Cass. soc., 7 déc. 1994, no 90-40.840) ; - l'emploi proposé est approprié aux capacités du salarié telles qu'énoncées par le médecin du travail et alors même que l'avis d'inaptitude n'avait pas été contesté et que la proposition de reclassement n'entraînait pas de modification du contrat de travail (Cass. soc., 12 juill. 2006, no 05-42.152) ; - le poste proposé est adapté aux capacités du salarié et comparable à son précédent emploi (Cass. soc., 20 févr. 2008, no 06-44.867). Plus largement, le constat des difficultés rencontrées par nombre de travailleurs à se maintenir en emploi a conduit au renforcement des outils en faveur de la Prévention de la désinsertion professionnelle (PDP) par les articles 18 et 19 de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021. Ainsi, l'article 18 crée les cellules de PDP au sein des Services de prévention et de santé au travail (SPST) en charge de l'accompagnement par une équipe pluridisciplinaire de salariés en risque de désinsertion professionnelle. L'article 19 prévoit la mise en place d'échanges d'informations entre l'Assurance maladie et les SPST s'agissant de situations de salariés en arrêt de travail, détectés comme étant en risque de désinsertion. L'objectif est une prise en charge coordonnée de ce public par l'ensemble des acteurs du maintien en emploi. Par ailleurs, le Plan santé au travail 4 (PST4) 2021-2025 traite également de la question des conditions de travail, de la désinsertion, de l'usure professionnelle et du maintien en emploi au travers de l'objectif 3 : qualité de vie et des conditions de travail et de l'objectif 4 : prévention de la désinsertion et de l'usure professionnelle. L'objectif du Gouvernement est ainsi de mettre en oeuvre l'ensemble des dispositifs existants qui concourent au maintien en emploi des travailleurs dans un contexte de vieillissement de la population active.
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