Question de M. FAGNEN Sébastien (Manche - SER) publiée le 03/10/2024

M. Sébastien Fagnen demande à Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins de renforcer les politiques publiques de lutte contre l'amiante en procédant de toute urgence à une systématisation de la surveillance et des travaux pour éradiquer les risques d'exposition d'une part et de veiller à mettre en place des mesures de réparation pour les victimes de l'amiante d'autre part. L'inhalation de fibres d'amiante entraîne des maladies des poumons ou de la plèvre, parfois des pathologies graves comme le mésothéliome de la plèvre. Tandis qu'au Royaume-Uni, la première réglementation pour protéger les travailleurs contre l'exposition à l'amiante date de 1931, il faut attendre 1945 en France pour que l'asbestose soit prise en charge comme maladie professionnelle. Son usage n'a été interdit en France que depuis le 1er janvier 1997, par le décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante, pris en application du code du travail et du code de la consommation. Pourtant, l'amiante continue de tuer. L'association de défense des victimes de l'amiante (Adeva) estime que dans un délai de 20 ans, 100 000 nouvelles victimes de l'amiante pourraient être identifiées. Car si l'amiante est interdit depuis 27 ans maintenant, le nombre de victimes s'accroît sans cesse, d'une part car les maladies peuvent se déclarer plusieurs décennies après l'exposition, d'autre part car 20 millions de tonnes d'amiante seraient encore présentes dans les bâtiments.
Les conclusions de l'assemblée générale de l'Adeva de Cherbourg qui s'est tenue le 16 mars 2024 sont préoccupantes et doivent attirer toute l'attention du Gouvernement. L'association pointe du doigt la précarité de la réparation du préjudice. Concernant le « préjudice d'anxiété » lié à l'amiante, suite à un revirement de la jurisprudence du Conseil d'État en 2022 confirmé fin 2023, des ouvriers d'État de la direction des chantiers navals (DCN) Cherbourg ont récemment vu leurs requêtes de dédommagement rejetées au motif que le délai de prescription avait déjà commencé en 2001 lorsque la DCN a été inscrite sur la liste des sites ouvrant droit à la « préretraite amiante ». Le ministère devrait envisager la réouverture du guichet unique afin que toutes les victimes non indemnisées puissent finalement être dédommagées. Outre cela, la décorrélation de la rente touchée par les victimes réparant la perte des capacités professionnelles et de l'indemnisation relative au déficit fonctionnel permanent et à la réparation des souffrances physiques et morales, victoire obtenue par l'Adeva, a récemment été remise en cause dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. En effet, l'article 39 de ce projet de loi, tel que rédigé par le Gouvernement avant sa suppression par le Parlement, sonnait la remise en cause de l'existence de la faute inexcusable et des indemnisations complémentaires. Mais ce que l'association regrette plus que tout, c'est l'absence de volet pénal. C'est ainsi que les victimes, dont les salariés de DCN - devenu DCNS puis Naval Group - à Cherbourg-en-Cotentin, pointant du doigt la responsabilité d'industriels mais aussi de hauts fonctionnaires, attendent toujours, à raison, un procès pénal qui n'aura pas lieu de sitôt au regard de l'historique du refus par le parquet de la tenue du procès. Ainsi, il lui demande de garantir la mise en place d'une politique publique de désamiantage massif et définitif face au haut degré d'urgence dans lequel nous nous trouvons, à haut risque pour la santé de l'ensemble de la population et la tenue d'un « maxi-procès » pénal à la hauteur du drame subi.

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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargé des personnes en situation de handicap publiée le 23/10/2024

Réponse apportée en séance publique le 22/10/2024

M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen, auteur de la question n° 043, adressée à Mme la ministre du travail et de l'emploi.

M. Sébastien Fagnen. Madame la ministre, nous le savons depuis de longues années, l'inhalation de fibres d'amiante entraîne des pathologies graves des poumons ou de la plèvre. Malgré son interdiction depuis le 1er janvier 1997, l'amiante continue pourtant de tuer.

L'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva) estime que, dans un délai de vingt ans, 100 000 nouvelles victimes de l'amiante pourraient être identifiées. En effet, si l'amiante est interdit depuis vingt-sept ans maintenant, le nombre de ses victimes s'accroît sans cesse,...

Mme Nathalie Goulet. C'est vrai !

M. Sébastien Fagnen. ... d'une part, car les maladies peuvent se déclarer plusieurs décennies après l'exposition, et, d'autre part, car 20 millions de tonnes d'amiante seraient encore présentes dans les bâtiments.

Les conclusions de l'assemblée générale de l'Association de défense des victimes de l'amiante (Adeva) Cherbourg, qui s'est tenue le 16 mars dernier, sont extrêmement préoccupantes. L'association pointe du doigt la précarité de la réparation du préjudice.

Pour ce qui concerne le « préjudice d'anxiété » lié à l'amiante, à la suite d'un revirement de la jurisprudence du Conseil d'État en 2022, confirmé à la fin de l'année 2023, des ouvriers d'État de la direction des constructions navales (DCN) de Cherbourg ont récemment vu leurs requêtes de dédommagement rejetées, au motif que le délai de prescription avait déjà commencé en 2001, lorsque la DCN a été inscrite sur la liste des sites ouvrant droit à la « préretraite amiante ».

En outre, alors que l'article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, tel qu'il a été rédigé par le Gouvernement avant sa suppression par le Parlement, revenait sur une victoire obtenue par l'Andeva, c'est désormais l'article 24 du PLFSS 2025 qui concentre toute notre attention.

L'indemnisation du déficit fonctionnel permanent en cas de faute inexcusable de l'employeur sous forme de rente risquerait, par exemple, de constituer un recul pour les victimes les plus gravement atteintes. La réparation en cas de faute inexcusable doit être alignée sur la réparation intégrale des préjudices, conformément à une recommandation des rapports annuels de la Cour de cassation depuis de nombreuses années.

Toutefois, ce que nous regrettons particulièrement, c'est l'absence de volet pénal. Les victimes attendent toujours un procès pénal qui semble malheureusement s'éloigner chaque jour un peu plus...

Face à ce terrible constat et au degré d'urgence dans lequel nous nous trouvons, comment le Gouvernement compte-t-il garantir la mise en place d'une politique publique de désamiantage massif ainsi que la tenue d'un grand procès pénal à la hauteur du drame subi par des générations d'ouvriers ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - Mmes Annick Billon et Nathalie Goulet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes, chargée des personnes en situation de handicap. Monsieur le sénateur Fagnen, l'attention de la ministre du travail et de l'emploi est attirée sur la prévention des expositions professionnelles à l'amiante et sur la réparation de ces expositions.

Un décret du 4 mai 2012 a relevé significativement le niveau de prévention en matière d'exposition des travailleurs à l'amiante. Il a abaissé la valeur limite d'exposition professionnelle à 10 fibres d'amiante par litre d'air sur huit heures et a imposé une méthode d'analyse capable de décompter toutes les fibres d'amiante cancérigènes.

L'inspection du travail contrôle attentivement le respect de cette réglementation, avec près de 11 000 interventions en 2022.

La cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Caata) est un dispositif de réparation à titre collectif, justifié par des expositions à l'amiante importantes intervenues avant 1997.

Ce dispositif s'applique, à titre individuel, aux salariés atteints de maladies professionnelles liées à l'amiante et, à titre collectif, aux salariés des établissements inscrits sur les listes fixées par les arrêtés du 3 juillet 2000 et 7 juillet 2000 et régulièrement mises à jour.

Les salariés exposés à l'amiante peuvent, depuis 2010, demander la réparation du préjudice d'anxiété, quand les ouvriers de l'État peuvent le faire depuis 2017. La reconnaissance du droit à la Caata vaut reconnaissance d'un lien établi entre l'exposition à l'amiante et la baisse de l'espérance de vie, ce qui permet d'être indemnisé au titre du préjudice d'anxiété.

Depuis 2017, DCNS est devenue Naval Group. Cette entreprise n'est pas inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation pour cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata), car le groupe a mis en place une politique de prévention de l'exposition à l'amiante.

En revanche, des sites relevant historiquement de DCNS sont inscrits, depuis 2001, dans l'arrêté ouvrant droit au bénéfice de l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité (Ascaa).

Les partenaires sociaux ont réaffirmé, en mai 2023, puis en 2024, leur attachement au caractère dual de l'indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 retranscrit fidèlement leur accord.

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