Question de M. MÉRILLOU Serge (Dordogne - SER) publiée le 03/10/2024
M. Serge Mérillou attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé de la mer et de la pêche sur les conséquences de la prolifération du grand cormoran pour les populations de poissons des cours d'eau et des plans d'eau de Dordogne.
Le grand cormoran, dont le régime alimentaire est piscivore, est une espèce autochtone protégée au niveau national depuis les années 1970. Les effectifs étaient alors très faibles (environ 15 000). Ils ont augmenté jusqu'aux années 2010 où ils se sont stabilisés autour de 100 000. Ces dernières années, le cormoran ne cesse de proliférer en France.
Afin de contrôler l'impact que le grand cormoran occasionne sur les poissons, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de destruction. C'est l'arrêté ministériel cadre du 26 novembre 2010 qui fixe les conditions et limites dans lesquelles les dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées. Il est complété par un arrêté pris tous les 3 ans, qui fixe les plafonds départementaux dans les limites desquelles les dérogations peuvent être accordées.
L'arrêté, couvrant la période 2022/2025, a été publié le 1er octobre 2022. Il exclut les cours d'eau et les plans d'eau des dérogations possibles aux interdictions de destruction. Les seules dérogations accordées concernent la protection des piscicultures, dans 58 départements.
En Dordogne, d'après la fédération départementale de la pêche, les effectifs de cormorans semblaient s'être stabilisés autour de 1 500 individus jusqu'au début des années 2000. Depuis l'interdiction des tirs de régulations en rivière, leur nombre a fortement augmenté, la population de cormorans du département étant évaluée à 3 000 individus pour l'hiver 2023-2024. Avec une consommation journalière de poissons d'un cormoran hivernant estimée à 425 g par jour et par oiseau, la prédation hivernale sur une période de 6 mois est de 229 500 kg de poissons. L'impact de ce prélèvement sur les populations de poissons des cours d'eau et des plans d'eau de Dordogne peut donc être considéré comme extrêmement conséquent.
Les conséquences pour la filière piscicole sont également alarmantes. Le plafond départemental des dérogations à l'interdiction de destruction de grands cormorans pouvant être accordées est très insuffisant, avec seulement 100 individus par an.
La perte de chiffre d'affaires due au déficit de production, calculée pour l'année 2018, varie de 2 700 à 4 000 euros par hectare selon les exploitants laissant un résultat brut d'environ 1 500 euros /ha. Avec un total de charges de production dépassant les 1 000 euros/ha, il en résulte une très faible marge bénéficiaire. Ce phénomène s'est encore accentué en 2024, ce qui pourrait rapidement causer la mise en faillite de nombreuses entreprises d'aquaculture.
Au regard de ces éléments, de l'importance des dégâts causés par le grand cormoran sur la faune piscicole, les tirs de régulation à l'échelle du territoire métropolitain sont indispensables au maintien de la diversité et de la densité des peuplements de poissons sans que cela ne porte préjudice à la dynamique des populations du grand cormoran.
Aussi, il lui demande d'autoriser à nouveau la régulation de la population du grand cormoran.
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Transmise au Ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Réponse du Ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche publiée le 29/05/2025
Le grand cormoran est une espèce autochtone protégée au niveau national. Il bénéficie également au niveau européen du régime général de la protection de toutes les espèces d'oiseaux (directive « oiseaux »). Avec son régime alimentaire piscivore, il est une espèce importante pour le fonctionnement et l'équilibre des écosystèmes. En effet, en tant que prédateur naturel, le grand cormoran diminue notamment la consommation du plancton et contribue indirectement à une meilleure oxygénation des eaux. De même, il limite la pression parasitaire par élimination sélective des individus les plus faibles et accélère le recyclage et les flux de matière dans les chaînes alimentaires. La population de la sous-espèce Phalacrocorax carbo sinensis s'était significativement réduite jusque dans les années 1970. Depuis lors, en raison de sa protection, le nombre moyen de grands cormorans a augmenté jusqu'à atteindre une population de presque 120 000 individus hivernants en 2024, ce chiffre étant relativement stable depuis 2013. Afin de contrôler l'impact que le grand cormoran occasionne sur les piscicultures et, le cas échéant, les poissons sauvages, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de régulation depuis les années 1990. Ces moyens d'action font régulièrement l'objet d'ajustements, notamment en lien avec l'évolution de la population sur le territoire et les besoins des acteurs. Ainsi le nouvel arrêté-cadre du 24 février 2025 fixe les nouvelles conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de perturbation intentionnelle et de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant les grands cormorans. A la condition que des impacts significatifs soient avérés, ce texte autorise de nouveau la destruction de grands cormorans au titre de la protection des espèces piscicoles menacées dans les cours d'eau et plans d'eau. Au-delà des consultations obligatoires, il a fait l'objet de nombreux échanges avec l'ensemble des partenaires concernés afin de tenir compte de l'ensemble des remarques des parties prenantes. Il apporte un cadre rénové, plus ambitieux et plus sécurisé juridiquement, visant à la coexistence du grand cormoran avec les pisciculteurs et à la limitation de son impact sur les écosystèmes aquatiques, dans le respect de la réglementation en vigueur pour la protection des espèces. Dans le nouvel arrêté-cadre du 24 février 2025 figurent des simplifications administratives et des assouplissements importants s'agissant des dérogations à l'interdiction de perturbation intentionnelle et de destruction de l'espèce. Ainsi la période de destruction est étendue de droit jusqu'au 30 juin pour les piscicultures. La mise en oeuvre d'opérations complémentaires est permise jusqu'au 31 juillet en pisciculture sur justification (auparavant, les opérations complémentaires devaient s'achever au plus tard le 30 juin). Désormais, les plafonds de destruction autorisés au titre de la protection des poissons menacés sont fixés par les préfets en respectant le seuil maximal de 20 % de la population départementale hivernante recensée lors du comptage national, ce seuil pouvant être porté à 30 % en cas d'absence de plafond sur les piscicultures dans le département. En outre, en cas d'atteinte du plafond accordé au titre de la protection des piscicultures avant la fin de la campagne, le plafond peut être augmenté dans la limite de 10 % du nombre d'individus autorisés à la destruction sur les piscicultures dans le département. De même, afin de piloter au plus près les destructions de grand cormoran, il est ajouté un délai de transmission des comptes-rendus des opérations aux préfets de 72 heures suivant les destructions, via une plateforme en ligne simplifiée qui sera créée. Enfin, tout bénéficiaire d'une dérogation à l'interdiction de destruction pourra réaliser, aux mêmes périodes et sur les mêmes lieux que les tirs, en complément, des opérations d'effarouchement sonores et visuels, sans qu'il soit besoin d'effectuer des démarches administratives supplémentaires. L'ensemble de ces assouplissements doit cependant respecter les enjeux liés aux règlementations en vigueur, et notamment l'exigence que des mesures alternatives aient préalablement été mises en place sans succès, et le nécessaire évitement des impacts sur les autres espèces protégées. Ainsi, le texte a pour ambition d'assurer une meilleure coexistence entre le grand cormoran et les activités de pêche et de pisciculture, tout en maintenant le bon état de conservation de l'espèce et en limitant l'impact des opérations menées sur les milieux.
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