Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SER) publiée le 03/10/2024

M. Didier Marie attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur à propos de l'augmentation des traversées de la Manche enregistrée en 2024, année d'un nombre de décès sans précédent dans des tentatives pour rejoindre l'Angleterre. En effet, selon la Préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, 46 personnes ont perdu la vie au large des côtes françaises depuis le 1er janvier 2024.

Bien que les services de l'État permettent parfois d'éviter ces drames, comme ce fut le cas le 1er mai 2024 au large de Dieppe dans le département de la Seine-Maritime où 66 personnes dans une embarcation de fortune ont été secourues, nous décomptons beaucoup trop de tentatives mortelles de traversée au départ des côtes de la Manche. Il souhaite alors savoir quels sont les moyens mis en place par le Gouvernement pour éviter ces drames et pour lutter efficacement contre les passeurs.

Par ailleurs, le traité entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à la mise en oeuvre de contrôles frontaliers dans les ports maritimes de la Manche et de la mer du Nord des deux pays, dit traité du Touquet, ne semble plus suffisant pour endiguer efficacement les départs depuis nos côtes vers notre voisin outre-manche. Bien qu'il ait été complété en 2018 par le traité de Sandhurst, ce dernier reste un accord franco-britannique et nécessite des moyens supplémentaires. Ainsi, il l'interroge sur la volonté du Gouvernement de négocier à l'échelon européen un accord entre l'Union européenne et la Grande Bretagne en plus des accords du Touquet.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations publiée le 23/10/2024

Réponse apportée en séance publique le 22/10/2024

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 047, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Didier Marie. Monsieur le ministre, chaque semaine, des dizaines, voire des centaines de personnes, fuyant la misère ou l'oppression, tentent, après un périple dangereux à travers l'Afrique et l'Europe, de traverser la Manche, au péril de leur vie, pour rejoindre la Grande-Bretagne dans l'espoir d'une vie meilleure.

La préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord en a malheureusement dénombré des milliers depuis le début de l'année. Elle a enregistré 52 décès.

Oui, il y a eu 52 décès, dans l'indifférence ! Ce nombre est sans précédent. Le 8 octobre dernier, à la suite de quatre nouvelles disparitions, dont celle de deux enfants, les maires du littoral ont exprimé leur sentiment d'abandon et leur colère et demandé à l'État d'agir.

Ma question est simple, monsieur le ministre : que leur répondez-vous ?

Quels moyens allez-vous déployer pour éviter ces drames, lutter efficacement contre les passeurs et protéger les migrants ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Othman Nasrou, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, je commencerai tout d'abord par vous rappeler la très grande détermination du ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, à reprendre le contrôle de la politique migratoire et à lutter plus efficacement contre l'immigration irrégulière. Il s'agit d'une action globale, qui le mobilise à cette fin. Je vous confirme ainsi qu'il a déjà engagé des discussions à l'échelon européen avec l'ensemble de nos partenaires, notamment avec ses homologues.

Cette lutte contre l'immigration irrégulière exige - il faut le dire clairement - de démanteler les filières de passeurs. Les lignes bougent en Europe sur ce dossier, comme l'a montré le dernier Conseil « Justice et affaires intérieures » auquel le ministre de l'intérieur a participé voilà quelques jours.

Nous avons aussi engagé un travail sur la révision et la renégociation de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive Retour.

Pour ce qui concerne la situation plus particulière qui vous préoccupe, dans la Manche et en mer du Nord, notre façade frontalière la plus en tension, je tiens à saluer la mobilisation de nos forces de l'ordre, qui ont démantelé 197 filières d'immigration irrégulière entre 2020 et 2023.

Vous l'avez dit, et je veux le dire à mon tour, chaque décès de migrant qui tente une telle traversée est un drame absolu. Mais ne nous y trompons pas : la responsabilité en revient d'abord aux réseaux criminels, qui organisent ces filières d'immigration irrégulière.

Vous avez eu raison de souligner, monsieur le sénateur, que rien ne pourrait être durablement accompli sans un partenariat avec le Royaume-Uni. Aussi, le ministre de l'intérieur a tenu à s'entretenir avec son homologue britannique, Yvette Cooper, lors d'une réunion bilatérale, dès les premiers jours de sa prise de fonction.

Depuis l'accord de retrait entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, il n'y a pas de cadre juridique européen. Il en faudra un, et nous défendons le principe de la nécessité d'un partenariat migratoire entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.

Le ministre de l'intérieur se réunira prochainement avec ses homologues au sein du groupe de Calais, à savoir les représentants du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de la Belgique, des Pays-Bas, afin d'avancer vers la conclusion de ce partenariat nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.

M. Didier Marie. En effet, monsieur le secrétaire d'État, la France et la Grande-Bretagne sont liées par le traité du Touquet, complété par celui de Sandhurst, ce qui a permis à nos voisins d'outre-Manche d'engager des moyens sur notre territoire - qui restent manifestement insuffisants.

Vous venez de le rappeler à votre tour, la question migratoire est européenne. À mon sens, c'est non pas l'externalisation de l'accueil au mépris des droits fondamentaux ou une énième loi sur l'immigration, qui réglera les difficultés, mais un accord européen basé sur la solidarité pour mettre en oeuvre le pacte sur la migration et l'asile, tel qu'il a été adopté. Celui-ci doit se concrétiser sans tarder. Il faudra aussi aller plus loin pour que la solidarité à l'égard des migrants ne soit pas un vain mot.

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