Question de Mme EUSTACHE-BRINIO Jacqueline (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 03/10/2024
Mme Jacqueline Eustache-Brinio attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la polygamie subie par de trop nombreuses femmes dans notre pays, en violation de l'article 433-20 du code pénal qui dispose que « le fait, pour une personne engagée dans les liens du mariage, d'en contracter un autre avant la dissolution du précédent, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ».
Alors que l'excision a été judiciarisée en France et heureusement interdite, force est de constater que la polygamie, considérée par l'organisation des Nations unies comme une discrimination à l'égard des femmes, constitue une autre brutalité dont elles sont victimes.
Ce phénomène existe toujours dans notre pays, notamment par le cumul de mariages religieux ou coutumiers, prononcés en France ou à l'étranger, qui ne sont pas reconnus légalement.
Ainsi des femmes sont contraintes de partager le même mari sous le même toit, des enfants sont contraints de partager le même père et de cohabiter avec plusieurs mères et demi-frères et soeurs, sans pouvoir échapper à cet état de fait qui leur est souvent imposé, loin des repères familiaux de notre pays.
La polygamie est en grande partie cachée, comme en témoigne la difficulté à trouver des chiffres fiables. Lors de l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République en 2021, le Gouvernement se référait, dans l'étude d'impact, à une étude de 2006 de la commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), selon laquelle 180 000 personnes seraient concernées en France par la polygamie. Malheureusement, aucune statistique publique n'est disponible sur ce phénomène malgré le fait que la polygamie constitue un motif de refus ou de retrait de certains documents de séjour depuis 1993.
Elle lui demande quelle est la réalité des familles polygames en France et quels sont les moyens mis en place par le Gouvernement pour y remédier et faire appliquer efficacement son interdiction dans le respect de la dignité de la femme.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/12/2024
L'article 147 du code civil, qui interdit de contracter un second mariage avant la dissolution du premier, érige le principe de la monogamie au rang des conditions de fond essentielles pour pouvoir contracter un mariage en France ou à l'étranger, dès lors que l'un des deux époux est français. Afin de garantir le respect de l'interdiction absolue de la polygamie, la loi impose, en amont de la célébration d'un mariage d'un Français à l'étranger par une autorité étrangère, la délivrance d'un certificat de capacité à mariage. Ce certificat est établi par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises si le mariage est conforme aux conditions de fond prévues par la loi française (article 171-2 du code civil). Lorsque des indices sérieux laissent présumer que le mariage est polygamique, l'autorité diplomatique ou consulaire a l'obligation de saisir sans délai le procureur de la République compétent, qui peut s'opposer à cette célébration (article 171-4 du code civil). Après la célébration du mariage, le procureur de la République de Nantes, qui est seul compétent pour apprécier la validité d'un mariage célébré à l'étranger dont un Français ou un binational franco-étranger demande la transcription sur les registres de l'état civil français, peut sursoir à cette transcription lorsque des indices sérieux laissent présumer que le mariage est polygamique (article 171-7 du code civil). Par ailleurs, au nom de l'ordre public international français, l'officier de l'état civil français ou les autorités diplomatiques ou consulaires étrangères en France ont l'interdiction de célébrer un mariage polygamique entre deux personnes de nationalité étrangère, quand bien même le statut personnel de ces dernières les y autoriserait. Dans l'hypothèse où un mariage polygamique entre deux personnes étrangères aurait été valablement contracté à l'étranger, la reconnaissance des effets de ces unions en France est limitée et ne s'applique pas aux effets personnels du mariage. Ainsi, en vertu du principe d'égalité des époux et celui d'une nécessaire solidarité entre eux, il n'est pas admis que le mari puisse imposer à sa première femme la présence de sa seconde épouse au domicile conjugal. Le mari ne peut non plus être dispensé de l'obligation de vie commune sous prétexte que son statut personnel l'autorise à avoir plusieurs foyers. Par ailleurs, la conclusion d'un nouveau mariage par le mari, même de statut polygamique, est reconnu par la jurisprudence comme un motif de divorce pour faute. Enfin, un certain nombre de règles ont pour objet de dissuader les couples polygames et de limiter la perpétuation de la polygamie sur le sol français. La polygamie est ainsi un obstacle à l'acquisition de la nationalité française (article 21-4 du code civil), ainsi qu'au bénéfice du regroupement familial (article L. 434-9 du CESEDA). Ces règles civiles, couplées à l'incrimination pénale, permettent ainsi de lutter le plus efficacement possible contre la polygamie.
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