Question de M. BLANC Étienne (Rhône - Les Républicains) publiée le 03/10/2024
M. Étienne Blanc interroge M. le ministre de l'intérieur sur l'application de l'article L. 236 du code électoral relatif aux conditions dans lesquelles un conseiller municipal peut être déclaré démissionnaire d'office, notamment à la suite d'une condamnation pénale non définitive et frappée d'appel mais assortie de l'exécution provisoire.
Il apparait que contrairement à la lecture littérale des dispositions de l'article L. 236 dudit code, une assimilation soit faite entre décision définitive et exécution provisoire pénale au regard d'une éventuelle peine complémentaire d'inéligibilité ouverte par le code pénal.
Cette interprétation contra legem d'un texte du code électoral portant gravement atteinte à l'expression du suffrage universel et au principe fondateur de la séparation des pouvoirs, il lui demande les mesures qu'il entend prendre pour clarifier cette confusion importante aux conséquences souvent définitives pour des élus relaxés en cause d'appel.
- page 3487
Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 12/06/2025
A titre liminaire, il convient de rappeler que les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire interdisent au ministre de la Justice de commenter ou d'interférer dans les décisions de l'autorité judiciaire. De même, en application de l'article 1er de la loi du 25 juillet 2013, il n'appartient pas non plus au ministre de la Justice de donner quelque instruction que ce soit aux parquets dans le cadre de dossiers individuels. L'article 131-10 du code pénal dispose que « lorsque la loi le prévoit, un crime ou un délit peut être sanctionné d'une ou de plusieurs peines complémentaires qui, frappant les personnes physiques, emportent interdiction, déchéance, incapacité ou retrait d'un droit [ ] ». En complément, l'article 131-26 du même code prévoit que « l'interdiction des droits civiques, civils et de famille porte sur : [ ] 2° L'éligibilité ; [ ] L'interdiction du droit de vote ou l'inéligibilité prononcées en application du présent article emportent interdiction ou incapacité d'exercer une fonction publique. » La faculté pour les juridictions pénales de prononcer l'exécution provisoire des condamnations à la peine d'inéligibilité est prévue à l'article 471 alinéa 4 du code de procédure pénale qui dispose en son 4ème alinéa que « les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-4-1 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision. » L'article L.236 du code électoral fixe les modalités d'exécution de cette interdiction ou incapacité, prononcée par les juridictions pénales, frappant un conseiller municipal en exercice. Il prévoit ainsi que le préfet localement compétent le déclare immédiatement démissionnaire et que cette décision peut faire l'objet d'un recours non suspensif. Trois hautes juridictions françaises ont été amenées à se prononcer sur la régularité et la constitutionnalité de la possibilité pour le juge répressif de prononcer l'exécution provisoire des condamnations pénales. Le Conseil Constitutionnel a tout d'abord considéré que la possibilité pour le juge d'assortir une peine de l'exécution provisoire était parfaitement conforme à la Constitution (décision n° 2014-696 DC ; décision n° 2005-527 DC du 8 décembre 2005). Le Conseil d'Etat a ensuite précisé que cette obligation s'imposait au préfet, que la peine prononcée soit définitive ou simplement exécutoire par provision (CE, 20 juin 2012, n° 356865). La cour de Cassation a enfin estimé que ces dispositions ne portaient atteinte ni à la présomption d'innocence, ni au principe de nécessité des délits et des peines, ni au principe de légalité (Crim, 4 avril 2018, n° 17-84.577), ni aux droits de la défense, ni au droit à un recours juridictionnel effectif (Crim, 21 septembre 2022, n° 22-82.377). S'agissant de l'article L.236 du code électoral, elle a jugé qu'« il ne saurait résulter de ce qu'un élu, condamné pénalement à une peine d'inéligibilité, laquelle peut toujours être écartée par le juge, doive démissionner, une atteinte disproportionnée à la libre administration des collectivités territoriales ».
- page 3349
Page mise à jour le