Question de M. BLANC Étienne (Rhône - Les Républicains) publiée le 03/10/2024
M. Étienne Blanc appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les dysfonctionnements découlant de la définition des compétences du parquet national financier (PNF) et des conditions pratiques d'exercice de sa compétence concurrente avec les parquets des tribunaux judiciaires.
En effet, au sens de l'article 705 du code de procédure pénale et de la circulaire pénale du 31 janvier 2014, la compétence du PNF serait limitée à des affaires dites de grande complexité, dessaisissant dans les faits les parquets territoriaux réputés moins compétents.
La Cour de cassation dans un arrêt du 14 avril 2020 n°1980875 a confirmé cette exigence d'être en présence des formes « les plus complexes de la délinquance économique ».
Or, il apparait que très souvent le PNF s'autosaisit de dossiers ne correspondant pas exactement aux exigences des textes au détriment des « procureurs et parquet de droit commun » avec la conséquence de ralentir et de complexifier le bon fonctionnement des juridictions, dès lors qu'in fine ce sont bien des juridictions de droit commun qui auront la charge de l'audiencement.
Il lui demande quelles mesures il entend prendre notamment en renforçant le rôle de filtre des chefs de juridictions pour parer à cette importante difficulté.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/04/2025
A titre liminaire, il convient de rappeler que les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire interdisent au ministre de la Justice de commenter ou d'interférer dans les décisions de l'autorité judiciaire. De même, en application de l'article 1er de la loi du 25 juillet 2013, il n'appartient pas non plus au ministre de la Justice de donner quelque instruction que ce soit aux parquets dans le cadre de dossiers individuels. Aux termes de l'article 705 du code de procédure pénale, le procureur de la République financier exerce une compétence concurrente à celle des parquets de droit commun pour la poursuite, l'instruction et le jugement de certaines infractions limitativement énumérées, telles que les atteintes à la probité ou les fraudes fiscales, dans les affaires qui « sont ou apparaitraient d'une grande complexité ». Le dernier alinéa précise que les affaires délictuelles pour lesquelles le PNF a exercé sa compétence sur le fondement de l'article 705 du code de procédure sont jugées - non par la juridiction dont relève le parquet initialement saisi - mais par des magistrats du siège du tribunal judiciaire de Paris spécialement désignés par le premier président de la cour d'appel de Paris. L'article 43-1 du code de procédure pénale donne aux parquets disposant d'une « compétence spécialisée et concurrente qui s'étend aux autres ressorts judiciaires », notamment au PNF, un pouvoir d'évocation des affaires. Ainsi, lorsque ce dernier décide d'exercer sa compétence, les parquets près ces tribunaux sont tenus de se dessaisir sans délai à son profit. Afin de favoriser le meilleur niveau de traitement judiciaire, la circulaire de politique pénale relative au procureur de la République financier du 31 janvier 2014 invite les procureurs de la République et procureurs généraux concernés à instaurer un dialogue afin de retenir la compétence du parquet et de la juridiction dont la spécialisation, les effectifs et les moyens paraitront les plus adaptés à un traitement efficace de la procédure. Cette circulaire clarifie par ailleurs les critères de la « grande complexité ». Entrent ainsi dans ce champ les dossiers susceptibles de provoquer un retentissement national ou international de grande ampleur ou les affaires se distinguant par la complexité des montages financiers, la technicité de la matière, l'enchevêtrement des sociétés ou des structures impliquées, et, plus largement, lorsque le recours à un parquet hautement spécialisé est indispensable au bon déroulement des investigations et à une bonne administration de la Justice. Il en découle que le PNF a notamment vocation à se saisir des dossiers de corruption d'agent public étranger ou de responsables de haut niveau, de fraude fiscale complexe ou internationale et d'escroqueries à la TVA de type « carrousels ». Comme le rappelle la circulaire, l'instauration du PNF a pour but d'accroitre l'efficacité des enquêtes et poursuites, d'assurer leur homogénéité sur l'ensemble du territoire et de présenter un interlocuteur judiciaire unique aux partenaires nationaux et internationaux intervenant dans ses domaines de compétence. La création de ce parquet s'est en outre accompagnée d'une simplification du paysage institutionnel judiciaire de la lutte contre la grande délinquance économique et financière, avec la suppression de la quasi-totalité des pôles économique et financiers. Il n'a pas été porté à la connaissance du ministre de la Justice de difficultés ayant trait à l'exercice par le PNF de sa compétence concurrente.
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