Question de Mme CUKIERMAN Cécile (Loire - CRCE-K) publiée le 03/10/2024

Mme Cécile Cukierman attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports sur la situation de Fret SNCF.

La Commission européenne a ouvert, le 18 janvier 2023, une procédure formelle d'examen contre l'État français relative au soutien financier dont Fret SNCF aurait bénéficié sur la période 2007-2019.

Alors que la Commission européenne laisse trois ans à la France pour répondre à son alerte, le gouvernement a immédiatement négocié avec Bruxelles, un plan de « discontinuité ».
Le fret ferroviaire fait l'objet de promesses depuis plus de 20 ans. Les plans de restructuration se sont succédés (2003, 2007, 2009, 2011, 2016, 2021), tous fondés sur une politique publique libérale de dérégulation et de baisse des coûts largement inspirée du mode routier.

À chaque fois, les plans de réduction du déficit se sont appuyés sur les mêmes recettes d'attrition des moyens de production. En vingt ans, les fermetures de triages et de dessertes, accompagnées de réductions de personnel ont affaibli les capacités productives de Fret SNCF et dégradé les conditions sociales, de vie et de travail des cheminots.
Tout opérateur confondu, la part modale du transport ferroviaire sur l'ensemble des marchandises transportées en France est passée de 14,6 % en 2009 à 10,7 % en 2021. Fret SNCF assure 50 % de ce total tout en ayant perdu plus de 10 000 emplois sur la même période.
L'affaiblissement du service public de transport ferroviaire de marchandises n'a manifestement pas été compensé par le marché et n'a pas été utile à la collectivité. Pire, l'Union européenne s'apprête à porter un coup supplémentaire à tous les opérateurs de fret ferroviaire en autorisant la circulation de camions de 60 tonnes.

Par ailleurs, l'État français a aussi pris des engagements dans le cadre de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ces effets, en prévoyant un doublement de la part modale du fret ferroviaire d'ici 2030. Cependant, la liquidation annoncée de Fret SNCF prive de fait l'État d'un outil public indispensable pour tenir ses engagements.

Elle souhaite connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour pérenniser Fret SNCF et tenir les engagements du doublement de la part modale du fret ferroviaire d'ici 2030.

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Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports publiée le 19/12/2024

L'Etat est pleinement engagé à développer le fret ferroviaire, afin d'atteindre l'objectif d'un doublement de sa part modale d'ici 2030 (de 9% à 18%), inscrit en août 2021 dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique. L'Etat a publié à cet effet une stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire en septembre 2021, validée, comme le prévoit la loi, par décret début 2022. Cette stratégie comprend 72 mesures opérationnelles construites en partenariat étroit avec les acteurs du secteur et est actuellement en cours de déploiement. Conformément à cette stratégie, une enveloppe budgétaire additionnelle de 170 Meuros a été mise en place à partir de 2021 afin de renforcer les soutiens à l'exploitation aux services de fret ferroviaire. La stratégie nationale de développement du fret ferroviaire prévoyait le maintien de cette enveloppe supplémentaire jusqu'en 2024 ; son maintien jusqu'en 2030 a été annoncé en mai 2023 afin de continuer à soutenir les opérateurs fortement impactés par les crises récentes (coûts de l'énergie, mouvements sociaux début 2023) et d'améliorer leur compétitivité dans l'objectif de développement de ces services. Il a également été annoncé que le montant augmenterait à 200 Meuros par an à partir 2025, avec l'augmentation de l'aide aux services de wagon isolé qui doit progresser de 70 Meuros à 100 Meuros annuels. Dans le prolongement des engagements pris dans le cadre du plan de relance et des travaux menés par le conseil d'orientation des infrastructures (COI), le Gouvernement a annoncé un plan d'investissements de 4 Mdeuros dont la moitié proviendra de l'Etat, consacré aux investissements dans le fret ferroviaire. L'ambition est, d'ici 2032, de poursuivre la dynamique d'investissement initiée dans le cadre du plan de relance en faveur des infrastructures spécifiques aux services de fret ferroviaire qui a déjà permis 500 Meuros d'investissements financés pour moitié par l'Etat. Un travail partenarial d'identification des investissements est actuellement mené entre l'Etat, SNCF Réseau et les représentants de l'Alliance pour le fret ferroviaire français du futur ou Alliance « 4F ». Il est prévu que ce travail aboutisse au second semestre 2024. Concernant spécifiquement l'avenir de Fret SNCF, suite à l'ouverture par la commission européenne en janvier 2023 d'une procédure formelle sur les conditions de financement de l'entreprise, des échanges ont eu lieu entre l'Etat français et la commission. Le Gouvernement fait tout depuis cette date pour éviter une issue négative de la procédure qui se traduirait par l'obligation pour Fret SNCF de rembourser plus de 5 Mdeuros. Une telle décision conduirait en effet immédiatement à la liquidation de Fret SNCF, supprimerait de nombreux emplois et remettrait plus d'un million de camions sur les routes chaque année. Plutôt que de prendre le risque - réel en cas d'inaction - de voir disparaître Fret SNCF, et à travers lui une grande partie du fret ferroviaire français, dans les mois qui viennent, la solution privilégiée est de mener une transformation de l'entreprise, qui permettra que la commission européenne puisse constater l'existence d'une discontinuité économique et éteindre le risque de remboursement des 5 Mdeuros. Cette solution garantit la préservation intégrale du coeur d'activité de Fret SNCF qu'est la gestion capacitaire, clé pour le report modal et indispensable à nos territoires. Elle respecte également les trois lignes rouges que le Gouvernement se fixe, à savoir : l'absence de tout licenciement pour les personnels statutaires comme les contractuels (100 % des emplois dans le ferroviaire sont préservés, et 90 % des emplois seront maintenus au sein de la nouvelle organisation, les 10 % restant bénéficiant de mesures de reclassement et d'accompagnement au sein du groupe) ; l'absence de privatisation (le groupe SNCF conservera la majorité du capital) ; l'absence de report modal sur la route. C'est dans ce contexte que les activités, les personnels et une partie des actifs de Fret SNCF vont être transférés au 1er janvier 2025 à deux nouvelles sociétés récemment créées : Hexafret, un nouvel opérateur ferroviaire spécialisé dans le groupage de wagons et Technis, la nouvelle société de maintenance des locomotives.

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