Question de Mme BÉLIM Audrey (La Réunion - SER) publiée le 03/10/2024

Mme Audrey Bélim appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur la situation particulièrement grave de la presse écrite réunionnaise. Le 3 avril 2024, le tribunal de commerce de Saint-Denis de La Réunion a rendu son jugement concernant la reprise du Quotidien de La Réunion : l'offre de Média Capital a été retenue. Elle prévoit que 27 salariés (soit 55 % de l'effectif actuel), dont 15 journalistes, soient conservés. Des personnes essentielles à la vie d'un journal comme les photographes, secrétaires de rédaction et assistants de rédaction ne sont pas reprises à ce stade. Le 31 juillet dernier, le Journal de l'île de La Réunion, l'autre grand quotidien réunionnais, journal qui avait été fondé en 1951, a cessé son activité suite à la liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce. 75 salariés se retrouvent au chômage. La disparition d'un des deux grands titres de presse réunionnais affaiblit durement l'espace public d'information et de débats au niveau local. Or, la liberté de la presse et la pluralité des médias sont essentielles pour le bon fonctionnement de la démocratie. Dans un territoire insulaire comme l'est La Réunion, un journal dispose d'un rôle encore plus essentiel pour la vie politique, économique, sportive et culturelle, ce dernier domaine tenant particulièrement à coeur à Mme la ministre. Force est de constater qu'au-delà de la stratégie ou de la gestion financière de tel ou tel titre, c'est un secteur tout entier qui est aujourd'hui fragilisé au sein de La Réunion. Elle rappelle que les deux titres réunionnais n'ont pas pu bénéficier des aides contre l'inflation du prix du papier car la hausse du prix du papier n'atteignait pas le seuil de 40 % fixé par l'État. Les hausses atteignaient cependant entre 27 % et 30 % d'augmentation du papier, ce qui demeure significatif. C'est pourquoi elle souhaiterait connaître les modalités de soutien de l'État à la presse écrite quotidienne régionale à La Réunion au cours des prochains mois. Elle souhaiterait par ailleurs savoir si un montant minium des campagnes d'information nationales ou locales du Gouvernement est désormais dédié aux journaux de la presse quotidienne réunionnaise. Lors de son déplacement à La Réunion le 30 novembre 2023, la ministre de la culture avait admis qu'il y avait une grande différence de traitement entre les titres de l'hexagone et ceux des outre-mer, notant « de réelles distorsions et un potentiel de rattrapage pour les prochaines campagnes ». « Il faut que l'on prenne en compte les particularités de La Réunion et des territoires ultramarins », avait-elle ajouté notamment lors d'entretiens avec la presse réunionnaise qui ont été publiés en ligne. Il est essentiel que le Gouvernement ait avancé sur cette question au cours des derniers mois. Elle souhaiterait ainsi savoir si un montant minium a enfin été défini et si oui, quel est il.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 05/12/2024

Le ministère de la culture suit avec attention les évolutions du paysage médiatique réunionnais. Le Gouvernement oeuvre pour garantir et améliorer l'accès à l'information sur l'ensemble du territoire, sur tous les formats, papier comme numérique. Les deux titres de presse quotidienne de l'Île de La Réunion ont rencontré d'importantes difficultés financières ces dernières années. Celles-ci se sont traduites par la mise en liquidation judiciaire du Quotidien de La Réunion et sa cession à Media Capital, ainsi que par la liquidation judiciaire du Journal de l'Île de La Réunion (JIR) annoncée par le tribunal de commerce de Saint-Denis le 31 juillet 2024. Les parties prenantes des deux dossiers ont été reçues par le Gouvernement et les services de l'État qui suivent avec attention cette situation et son incidence sur la vie politique, économique et culturelle de l'île. L'attention portée à ces deux titres n'est pas nouvelle ; à titre de rappel, le Journal de l'Île de La Réunion avait bénéficié d'une aide au sauvetage et à la restructuration financée par le conseil régional en 2017, d'abandons de dettes fiscales et sociales par le passé, ou plus récemment de prêts consentis par l'État pour soutenir sa restructuration. Ces mesures n'ont malheureusement pas été suffisantes. Si d'autres titres de presse existent sur le territoire réunionnais, comme le service de presse tout en ligne Zinfos974, les difficultés récurrentes que la presse quotidienne locale rencontre sont préoccupantes pour le maintien du pluralisme du paysage médiatique réunionnais. Cette situation n'est pas tant le résultat d'une conjoncture inflationniste que de difficultés structurelles spécifiques des acteurs de l'ensemble de la chaîne de l'information dans les territoires ultra-marins. Ces difficultés comprennent un lectorat réduit en raison d'un pouvoir d'achat contraint et d'un taux d'illettrisme important parmi la population (le taux de l'illettrisme à La Réunion s'établit à environ 23 % pour la population de 16 à 65 ans, contre un taux de 9 % en France métropolitaine), de faibles ressources publicitaires des titres avec un nombre restreint d'annonceurs locaux aux capacités financières suffisantes, d'une dégradation de la distribution de la presse, d'une baisse constante du nombre de points de diffusion (-34 % du nombre de points de vente à La Réunion entre 2019 et 2023), et d'un surcoût du prix du papier lié aux dépenses d'acheminement. Elles s'ajoutent aux problématiques rencontrées par l'ensemble de la presse écrite sur tous les territoires (réduction du lectorat, attrition des volumes vendus, chute des recettes publicitaires). Les enjeux spécifiques de la presse écrite ultramarine et ses difficultés à répondre aux critères des aides au pluralisme ont motivé la création, en 2021, d'une aide au pluralisme dédiée au soutien de la presse d'information politique et générale des territoires outre-mer. Dotée d'un budget de 2 millions d'euros chaque année et répartie de façon proportionnelle à la diffusion, cette aide bénéficiait à sa création majoritairement aux deux titres de presse quotidienne réunionnais. Ils ont ainsi reçu au total de près de 910 000 euros en 2021 et 850 000 euros en 2022. Le Quotidien de La Réunion a bénéficié de 590 000 euros en 2023 (le Journal de l'Île de La Réunion était inéligible, n'ayant pas été en mesure de produire les attestions de régularité de sa situation sociale et fiscale). D'autres aides sont accessibles aux médias ultra-marins. Le fonds stratégique pour le développement de la presse soutient les investissements des éditeurs, de leurs imprimeurs et de leurs distributeurs dans leur modernisation. Il s'agit d'un levier de transformation et de pérennisation à long terme. Les projets de modernisation ou de restructuration des entreprises ultramarines bénéficient de taux d'aide bonifiés (60 % au lieu de 40 %) dans le cadre de ce dispositif. Au cours des trois dernières années, éditeurs ultramarins, en Guadeloupe, Martinique et Nouvelle-Calédonie se sont saisis du dispositif et obtenu près de 10 millions d'euros d'aide à l'investissement pour l'acquisition d'imprimeries numériques notamment. En ce qui concerne les campagnes d'information nationales ou locales du Gouvernement, la politique d'achat d'espaces dans les médias ne peut aucunement être assimilée à un soutien à la presse. L'achat d'espaces répond à des objectifs quantifiables et objectivables d'atteinte de différentes cibles, selon les messages portés. Les plans médias sont définis en vue de répondre à plusieurs enjeux (coût/efficacité, affinité avec les cibles à atteindre par les acteurs). Il en résulte qu'aucun média n'est écarté ou choisi « de fait » ; son offre est analysée à l'aune d'une stratégie média établie avec l'agence média mandataire sélectionnée à l'issue d'un appel d'offres, en fonction des objectifs fixés.

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