Question de Mme RICHARD Olivia (Français établis hors de France - UC) publiée le 03/10/2024
Mme Olivia Richard interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les modalités d'application de l'article 30-3 du code civil relatif à la perte de la nationalité française par non-usage. Celui-ci prévoit qu'« un individu » qui « réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle » n'est pas admis à faire la preuve de sa nationalité française. Un établissement en France pendant ce délai de cinquante ans doit être considéré comme l'interrompant. Elle lui demande la durée d'établissement en France minimum permettant de considérer le délai comme interrompu.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/11/2024
L'article 30-3 du code civil dispose : « Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français. Le tribunal devra dans ce cas constater la perte de la nationalité française, dans les termes de l'article 23-6. » Cet article empêche de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, dès lors que les cinq conditions légales qu'il énonce sont réunies. Trois conditions s'attachent à la personne du demandeur : - être susceptible d'être français par filiation, - résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger, - ne pas avoir eu la possession d'état de Français (c'est-à-dire ne pas s'être comporté comme un citoyen français et ne pas avoir été considéré comme tel par l'administration ; la possession d'état de Français se prouve par la réunion d'un faisceau d'indices, tels que le fait d'être titulaire d'un document d'identité officiel français, de s'être vu délivrer une carte d'électeur, d'être inscrit sur les registres consulaires français). Une condition s'attache à celui des père et mère qui a été susceptible de transmettre la nationalité française : ne pas avoir eu la possession d'état de Français. Une condition s'attache « aux ascendants dont il [l'individu] tient par filiation la nationalité » : être demeurés fixés à l'étranger pendant plus d'un demi-siècle. En pratique, c'est à l'occasion d'une demande de délivrance d'un certificat de nationalité française, qu'un intéressé se verra opposer une décision de refus de délivrance de ce document au visa de l'article 30-3 du code civil par le directeur des services de greffe judiciaires. Ce dernier ne pourra cependant pas décider que l'intéressé a perdu la nationalité française, ni fixer la date de cette perte, l'article 23-6 du code civil réservant ces compétences au seul tribunal judiciaire. Devant le tribunal judiciaire, l'ensemble des conditions prévues par l'article 30-3 du code civil sera débattu ; le tribunal ne pourra prononcer la perte par désuétude que si les cinq conditions sont réunies. S'agissant plus particulièrement des notions de fixation des ascendants de l'intéressé à l'étranger et de résidence habituelle à l'étranger de l'intéressé, la désuétude pourra être écartée si l'intéressé rapporte la preuve d'une résidence en France pendant plusieurs années de l'un de ses ascendants duquel il tient la nationalité française, et/ou d'une résidence personnelle habituelle en France. La définition de ces notions revient à la jurisprudence, qui n'a cependant pas fixé de critères chiffrés pour évaluer la durée de résidence en France nécessaire pour faire échec à la désuétude : Concernant la condition de fixation des ascendants à l'étranger, la Cour de cassation a pu considérer qu'une résidence en France d'un des ascendants pendant plusieurs années, sans plus de précision, fait obstacle à l'application de la désuétude (Civ. 1ère, 17 mai 2023, n°21-50.068). Quant à la notion de résidence habituelle en France concernant l'intéressé, il peut être souligné que plusieurs décisions de juridictions du fond ont établi que la résidence s'entend d'une installation sur une durée relativement longue : ainsi, les séjours ou les vacances régulières en France, les études ou encore une arrivée récente en France d'une personne ayant passé la majeure partie de sa vie à l'étranger ne constituent pas une résidence en France.
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