Question de M. CHANTREL Yan (Français établis hors de France - SER) publiée le 03/10/2024

M. Yan Chantrel interroge Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger sur la double imposition qui frappe des Françaises et des Français retraités résidant en Italie.

Les gouvernements de la République française et de la République italienne ont signé à Venise le 5 octobre 1989 une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, qui a été approuvée par la loi n° 90-456 du 1er juin 1990.
Or, depuis 2021, l'État italien a commencé une campagne de redressements fiscaux, qu'il justifie à l'aide de ladite convention fiscale pour imposer, en second, les retraites versées par la France, appliquant une rétroactivité de 6 années, majorées de sanctions et d'intérêts de retard.

D'après le « Collectif des retraités français d'Italie, pour une équité fiscale européenne », ces rappels peuvent s'élever à des sommes comprises entre 15 000 et 54 000 euros pour une année.

Si l'État de résidence a, en principe, le droit d'imposer ces revenus en second, il lui revient néanmoins d'accorder un crédit d'impôt équivalent à l'impôt français afin d'éliminer la double imposition. La situation est d'autant plus kafkaïenne que le traitement de l'impôt en Italie est régionalisé, ce qui crée des inégalités dans l'interprétation et l'application de la convention bilatérale.

Cette situation est aussi inattendue, car l'information mise à disposition par les autorités françaises indiquait jusqu'ici que les retraites des régimes de sécurité sociale et ses régimes complémentaires ne seraient imposés qu'en France. Cela a créé stress et anxiété chez nombre de nos compatriotes retraités installés en Italie, qui pour certains sont très âgés et pour d'autres souffrent de problèmes de santé. Ils se sentent abandonnés par les autorités françaises, au point parfois de quitter l'Italie et de mettre leur bien immobilier en vente.

Il lui demande donc que le gouvernement français exige en urgence des autorités italiennes qu'elles annulent les sanctions et pénalités déjà infligées et qu'elles déduisent les impôts acquittés en France des sommes demandées, en application de la jurisprudence italienne en la matière et conformément à la convention fiscale bilatérale.

Il lui demande aussi que soit engagée dans le plus brefs délais une nouvelle négociation entre les gouvernements français et italien en vue de l'adoption d'un avenant modifiant l'article 18-2 de la convention fiscale.

Enfin, il lui demande de rétablir le poste de conseiller fiscal auprès de l'ambassade de France à Rome.

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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 03/04/2025

La France et l'Italie sont liées par une convention fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 5 octobre 1989. Celle-ci fixe les règles de répartition du droit d'imposer entre les États contractants en fonction des catégories de revenus concernées et des situations des contribuables, et précise les modalités d'élimination des doubles impositions. En son article 18, la convention franco-italienne stipule que les pensions de retraite du régime général versées à un résident d'un État au titre d'un emploi antérieur ne sont en principe imposables que dans cet État. Cela étant, conformément au 2 de l'article 18 de la convention, les pensions de sécurité sociale, lorsqu'elles sont versées au titre d'un emploi antérieur privé, font l'objet d'une imposition partagée et non exclusive. Dans ce cas, la France et l'Italie sont alors toutes deux fondées à imposer ces pensions de sécurité sociale, à charge pour l'État de résidence d'éliminer la double imposition pouvant en résulter. Ces stipulations conventionnelles opèrent de façon réciproque, de telle sorte que la France impose ses propres résidents percevant des pensions de sécurité sociale de source italienne. De même et par voie de conséquence, les résidents d'Italie qui perçoivent des pensions de sécurité sociale de source française doivent déclarer ces revenus à l'administration italienne, qui les soumettra à imposition, en déduisant des impôts établis en Italie un crédit d'impôt correspondant à l'impôt sur le revenu payé en France, dans la limite de l'impôt italien. D'une façon générale, les résidents d'Italie doivent s'assurer eux-mêmes auprès de l'administration fiscale italienne de leurs obligations déclaratives en Italie, qu'ils déclarent et payent des impôts en France ou non. L'interlocuteur des résidents d'Italie à cet égard, y compris lorsqu'ils sont ressortissants français, est l'administration fiscale italienne (l'Agenzia delle Entrate). Reconnaissant les difficultés pouvant naître de la méconnaissance de ces règles par nos ressortissants, le site de l'Ambassade de France en Italie a été enrichi d'une fiche explicative intégrant toutes les coordonnées utiles (https://it.ambafrance.org/Fiscalite-11468) et qui énonce clairement, à l'instar des pages intitulées « Je ne suis pas résident de France mais j'ai des intérêts en France » à la rubrique « International » du site impots.gouv.fr, l'obligation de déclaration de ces pensions auprès des services fiscaux des deux pays : « les résidents d'Italie qui perçoivent de telles pensions doivent aussi déclarer ces revenus à l'administration italienne, qui les soumettra à imposition en déduisant de l'impôt établi en Italie un crédit d'impôt correspondant à l'impôt sur le revenu payé en France, dans la limite de l'impôt italien ». Les services fiscaux italiens se sont engagés à publier également ces informations dans un souci partagé de faciliter la compréhension de la règle fiscale (https://www.agenziaentrate.gov.it/portale/web/english/special-cases - en anglais). Consciente des difficultés rencontrées par les retraités résidant en Italie et percevant des pensions de source française, l'administration fiscale française a pris l'attache de l'Agenzia delle Entrate pour la sensibiliser sur cette question et mieux comprendre les enjeux. Pour autant, il n'appartient pas à l'administration fiscale française de se prononcer sur l'annulation des sanctions et pénalités notifiées par l'administration fiscale italienne ni d'intervenir dans les procédures de contrôle et de recouvrement d'un pays partenaire. Il incombe aux seuls contribuables concernés de suivre la procédure interne italienne pour faire valoir leurs droits éventuels auprès du fisc italien. S'agissant de la tenue de nouvelles négociations tenant à adopter un avenant modifiant la convention, il convient de souligner que les règles actuellement prévues par la convention garantissent bien l'absence de double imposition. Enfin, les administrations fiscales française et italienne ont renforcé leur dialogue dans un objectif de meilleure diffusion de l'information auprès des usagers. À cette fin, les autorités des deux pays ont mobilisé les services concernés sans nécessité de mise en place d'un interlocuteur dédié à l'ambassade de France à Rome, l'application des dispositions fiscales entre nos deux pays ne posant pas de difficultés par ailleurs, et les deux administrations étant parfaitement inscrites dans les dispositifs d'échanges d'information européens et instances de dialogue internationales.

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