Question de M. PLA Sebastien (Aude - SER) publiée le 03/10/2024
M. Sebastien Pla interroge M. le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la dégradation des conditions de vie des étudiants, mise en exergue durant la crise sanitaire, et qui est allé s'aggravant en raison de l'inflation.
Il lui indique que l'observatoire de la vie étudiante relève qu'un étudiant sur deux est contraint d'avoir une activité rémunérée pour subvenir à ses besoins de base : se loger, se nourrir, se vêtir, situation génératrice de fatigue et de stress, ayant un impact négatif sur la poursuite de la scolarité.
Il lui rappelle que le budget consacré au logement et aux transports constitue, pour un grand nombre d'entre eux, les deux tiers des ressources, et que près d'un étudiant sur deux se prive de repas, plusieurs fois par semaine, faute de moyens suffisants, et ce, malgré la généralisation des repas à 1 euro.
Il s'ensuit que le renoncement aux soins médicaux et la dégradation de la santé mentale des jeunes étudiants sont révélateurs d'une paupérisation importante de cette classe d'âge, laquelle présente, dans un cas sur cinq les signes d'une détresse psychologique voire souffre d'épisodes dépressifs caractérisés ou majeurs. Il l'alerte ainsi sur le fait que près d'un étudiant sur dix a d'ailleurs déjà songé au suicide, alors que ces risques ne concernent que 3 % des jeunes de classe d'âge similaire. Solitude, détresse psychologique, mal-être... sont autant de signes de dégradation de la santé mentale des jeunes préoccupants et inédits par l'ampleur, et auxquels s'ajoutent des problèmes d'éco-anxiété, contemporains à cette génération.
Considérant que la solidarité entre les générations impose une mobilisation urgente, il lui demande donc quelles sont les pistes qu'il envisage pour lutter contre cette précarisation, le renoncement aux soins et les problèmes de santé mentale qui vont croissants et qui se sont accélérés fortement avec la succession des crises (covid-19, inflation consécutive au conflit russo-ukrainien, dérèglement climatique...).
Il l'enjoint à agir pour renforcer le suivi de santé et souhaite connaître son avis l'opportunité de déployer un programme de suivi médical régulier, à destination de cette classe d'âge, en mobilisant les établissements d'enseignement supérieur qui les accueillent et les services de santé.
Il lui demande également d'envisager, dès la rentrée prochaine, la revalorisation des bourses d'études à hauteur de la violence de l'inflation subie et d'instaurer une « taxe sur la valeur ajoutée sociale » à leur intention portant sur un bouquet de produits de première nécessité et permettant la satisfaction de leurs besoins essentiels.
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Transmise au Ministère auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche
Réponse du Ministère auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 10/04/2025
La lutte contre la précarité étudiante, renforcée depuis la crise sanitaire, est une priorité du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Celle-ci a été affirmée au travers des premières mesures issues de la concertation menée par le ministère permettant d'apporter une amélioration au système des bourses sur critères sociaux et à l'accès à la restauration et au logement, à la rentrée 2023. Ces mesures mises en oeuvre à la rentrée 2023 ont enrayé la chute du nombre de boursiers après plusieurs années de baisse, en raison notamment du fort dynamisme de l'apprentissage. Elle a permis une augmentation des montants de bourses de 50 euros en moyenne permettant ainsi d'améliorer le pouvoir d'achat des étudiants boursiers grâce à la revalorisation de 6 % des plafonds de ressources. Par ailleurs, un complément mensuel de 30 euros est versé aux boursiers étudiant en outre-mer et des points de charge supplémentaires sont accordés aux étudiants aidants ou en situation de handicap, assouplissant ainsi leur éligibilité aux bourses sur critères sociaux. Les étudiants non boursiers peuvent également bénéficier d'aides spécifiques. L'État dote chaque année les CROUS d'un budget consacré à l'accompagnement et au financement des aides aux étudiants en difficulté. Ces aides peuvent revêtir deux formes : les aides spécifiques ponctuelles en faveur des étudiants qui rencontrent momentanément de graves difficultés (le cas échéant ces aides sont cumulables avec un droit à bourse) ; les aides annuelles, non cumulables avec un droit à bourse, accordées aux étudiants qui rencontrent des difficultés pérennes. En 2023, 92 065 aides ponctuelles (contre 92 213 en 2022) ont été attribuées à 68 023 étudiants. L'aide moyenne accordée est de 293 euros (contre 278 euros en 2022). Ces aides contribuent principalement à soutenir les étudiants pour des charges relevant de l'aide alimentaire et du logement. En 2023, 4 183 étudiants ont bénéficié d'une aide annuelle, pour un montant total de 23,4 Meuros, soit une baisse de 6 % de la dépense par rapport à 2022 et le nombre de bénéficiaires a fortement diminué sur la même période. Au-delà des aides financières que peuvent apporter les CROUS, les services sociaux accompagnent au quotidien les étudiants qui rencontrent des difficultés et dont la situation familiale ou personnelle s'est détériorée. Les moyens d'accompagnement ont été augmentés : 70 postes supplémentaires d'assistants de services sociaux ont été pérennisés depuis l'année 2022 au sein des CROUS. Durant l'année universitaire 2022-2023, les services sociaux des CROUS ont accordé 230 634 entretiens à 100 003 étudiants (257 752 entretiens à 104 866 étudiants en 2021-2022). Créé en janvier 2020, le numéro d'information sur les aides d'urgence est dédié aux étudiants qui connaissent de grandes difficultés financières (0 806 000 278). Les réponses apportées permettent de filtrer les demandes des usagers faites aux assistantes sociales et/ou de les orienter vers le bon service et, le cas échéant, de détecter des situations critiques nécessitant qu'une personne compétente du service social du CROUS concerné prenne contact en urgence avec l'étudiant. L'activité de la plateforme d'appels en urgence (PFU) est directement liée à l'état d'avancement du traitement des dossiers de bourse et des aides sociales. C'est la raison pour laquelle le service est très sollicité durant la période estivale et à la rentrée. De fait, seulement un tiers des appels portent sur les aides spécifiques (annuelles ou ponctuelles). Les autres questions concernent principalement le dossier social étudiant. L'appelant est alors orienté vers le CROUS compétent. On note une forte hausse des appels reçus en 2023 (+ 80 % par rapport à 2022). Cela s'explique par une diffusion très large du numéro d'appel et une forte actualité sur les réseaux sociaux notamment pendant l'été. Cependant, le nombre de signalements adressés aux services sociaux des CROUS en 2023 est en baisse par rapport à l'année 2022. En 2024, 32 240 ont été traités par la plateforme. En outre, la restauration universitaire est une prestation proposée par le ministère à travers le réseau des CROUS à tout étudiant, indépendamment de sa situation sociale et financière. Elle permet ainsi aux étudiants d'accéder à des repas équilibrés pour 3,30 euros, voire pour les étudiants boursiers ou identifiés comme précaires par les CROUS à une offre de restauration pour 1 euros. Cette offre de restauration apporte ainsi une réponse concrète à la précarité alimentaire des étudiants : la fréquentation est d'ailleurs en forte hausse (+ 16 % entre 2022-2023 et 2023-2024), notamment pour les repas à 1 euros au bénéfice des étudiants boursiers et des étudiants précaires qui en font la demande (+ 23 % sur la même période). Le CNOUS a développé une application spécifique permettant d'effectuer cette demande en ligne selon une procédure simplifiée et sans prise de rendez-vous avec une assistante sociale, jusqu'à la fin de l'année civile en cours. Les assistantes sociales peuvent quant à elles demander le bénéfice de ce tarif dans le cadre des évaluations sociales qu'elles réalisent lors des entretiens avec les étudiants. Le réseau des oeuvres universitaires et scolaires s'est ainsi vu allouer 51 Meuros en 2023 et 2024 pour financer le repas à 1 euros pour les étudiants concernés. Le niveau d'activité de la restauration qu'assume le réseau des CROUS, démontre sans conteste son importance majeure pour les étudiants. Au cours de l'année 2023, en incluant la restauration agréée et les conventions outre-mer (Nouvelle-Calédonie et Polynésie française), plus de 23,3 millions de repas à 1 euros ont été servis. En outre, les CROUS qui disposent de près de 961 points de vente de restauration, soucieux de répondre aux besoins du plus grand nombre des étudiants ont pour objectif une couverture élargie du territoire. La loi n° 2023-265 du 13 avril 2023 visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré inscrit désormais dans le code de l'éducation l'offre de restauration proposée par le réseau mais aussi les solutions de restauration collective agréées. Il s'agit de conventionnements de CROUS avec des restaurants de collectivités ou d'autres structures publiques pour permettre aux étudiants d'y accéder et une aide financière aux étudiants n'ayant pas accès aux deux premières solutions. Cette aide individuelle, universelle car accessible à tous les étudiants sans conditions de ressources, sera versée mensuellement aux bénéficiaires sur une carte de paiement spécifique dématérialisée. Ce dispositif sera mis en oeuvre début 2025. De plus, afin de financer la distribution de colis alimentaires à destination des étudiants sur le territoire, le ministère chargé de l'enseignement supérieur a versé conjointement avec le ministère chargé des solidarités un fonds exceptionnel de 10 Meuros contre la précarité alimentaire en novembre 2022, dont un volet national. Les associations COP 1 et Linkee ont reçu 3,5 Meuros du ministère chargé de l'enseignement supérieur. De nouvelles conventions entre le ministère et ces deux associations ont été signées à hauteur de 2,1 Meuros pour la période 2024-2026. Au total pour 2024, Linkee devrait recevoir 1 Meuros et « COP 1 » 440 000 euros (dont 710 000 euros du ministère chargé de l'enseignement supérieur et 730 000 euros du ministère chargé des solidarités). Si les distributions de colis alimentaires constituent une mesure d'urgence, ces associations s'attellent à faire de la pédagogie sur l'accès aux droits auprès des étudiants précaires qui se rendent à leurs distributions alimentaires, afin que ces étudiants puissent bénéficier des aides auxquelles ils sont éligibles. Le produit de la contribution vie étudiante et campus (CVEC) contribue aussi aux actions de lutte contre la précarité étudiante menées par les établissements et les CROUS. De nombreux CROUS travaillent avec des associations caritatives, mais également avec des épiceries solidaires organisées par les associations étudiantes qu'ils soutiennent généralement par la CVEC. La loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (dite loi ORE) a créé « une contribution destinée à favoriser l'accueil et l'accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants et à conforter les actions de prévention et d'éducation à la santé réalisées à leur intention ». S'agissant d'une taxe affectée, son produit est une ressource extra-budgétaire (elle n'est donc pas comptabilisée dans le programme 231). Au titre de l'année universitaire 2023-2024, 169 Meuros ont été collectés, soit une progression de 6 % par rapport à l'année précédente (161 Meuros). 144 Meuros ont été versés aux établissements d'enseignement supérieur (établissements publics d'enseignement supérieur, établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général, écoles des chambres de commerce et d'industrie) et 25 Meuros aux CROUS. Depuis la crise sanitaire, le produit de la CVEC contribue aux actions des établissements affectataires de CVEC et des CROUS pour soutenir les étudiants via différentes actions pour lutter contre la précarité étudiante : la satisfaction des besoins alimentaires (aménagement d'espaces de restauration, installation de micro-ondes, mise en place d'épiceries solidaires, de paniers repas, de chèques alimentaires, accès à des paniers bio, etc.) ; le financement d'outils informatiques, d'accès Internet ou d'heures de téléphone afin de lutter contre l'isolement numérique ; des aides d'urgences, etc. Les données portant sur l'utilisation de la CVEC durant l'année 2023 sont en cours de consolidation (enquête annuelle menée par la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle entre mai et septembre 2024). Les dernières données disponibles à ce jour portent sur l'année 2022 avec une répartition des dépenses comme suit : 17,3 % des dépenses consacrées au domaine social (dont 4,8 % par le volet social du fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes ou FSDIE), 20,8 % à la santé, 14,3 % au sport, 14,3 % à la culture et 24,6 % à l'accueil. À cela s'ajoute 8,7 % des dépenses CVEC consacrées au volet initiatives du FSDIE. Depuis l'instauration de la CVEC, dont les premières années ont été marquées par sa mise en place, puis par la crise sanitaire, il apparaît que cette contribution a apporté une réelle impulsion à la vie étudiante dans les campus au bénéfice des étudiants. En effet elle a permis de financer des actions supplémentaires notamment en faveur de lutte contre la précarité et de promotion de la solidarité entre pairs, et que l'ensemble des acteurs se sont emparés de cet outil, en premier lieu les étudiants (en siégeant dans les commissions et en montant des projets). Lors de l'année 2023, le ministère chargé de l'enseignement supérieur s'est particulièrement mobilisé sur la question de la santé des étudiants. La réforme des services de santé étudiante (SSE) renforce leurs missions (santé mentale, santé sexuelle, conduites addictives, nutrition, médecine du sport). Leur offre se voit également renforcée, avec une offre socle, proposée par tous les SSE, et une offre propre à chaque SSE, fondée sur une étude épidémiologique territoriale, afin de répondre de façon ciblée aux besoins des étudiants. En outre, cette réforme est adossée à des moyens supplémentaires de 8,2 Meuros annuels, qui ont été déployés entre les SSE du territoire afin de les renforcer en personnel, d'augmenter leur capacité d'accueil des étudiants et d'assurer à ces derniers un accès aux soins gratuit. Ces moyens ont vocation à leur permettre de recruter davantage de médecins, infirmiers, psychologues, etc. et d'accueillir les étudiants dans de meilleures conditions (temps d'attente réduit des consultations médicales par exemple). En 2023, les effectifs des services de santé étudiante ont été augmentés de 10 %. En outre, depuis la crise sanitaire, le ministère chargé de l'enseignement supérieur est particulièrement mobilisé pour répondre à la souffrance psychologique des étudiants et leur assurer un suivi gratuit et sans avance de frais. Tout d'abord, pendant la crise sanitaire, le ministère a construit « santé psy étudiant », un dispositif d'urgence en réponse à la souffrance psychique des étudiants. Ce dispositif, qui offre jusqu'à 12 séances par an sans avance de frais chez un psychologue, a été pérennisé suite à la crise sanitaire. Il a permis à ce jour de réaliser près de 410 000 consultations pour plus de 82 000 étudiants dans toute la France, avec 1 200 psychologues mobilisés. Si ce dispositif est pérennisé sur les années à venir, le ministère travaille à densifier le réseau de psychologues faisant partie du dispositif afin d'accroître l'offre proposée aux étudiants sur le territoire. Enfin, le ministère maintient et intensifie une présence sur les réseaux sociaux pour améliorer l'offre de santé psy étudiant. En outre, depuis 2021, 80 psychologues supplémentaires ont été recrutés et mis à la disposition des étudiants dans les services de santé étudiante (SSE). Ce renfort a permis d'apporter des réponses nouvelles, construites par les universités qui ont renforcé leur offre, réduit les délais d'attente et développé une stratégie de santé mentale au bénéfice des étudiants de leur territoire. Le dispositif santé psy étudiant et les renforts en personnel dans les SSE ont ainsi vocation à offrir aux étudiants une offre complémentaire gratuite d'accès aux soins, hors et sur le campus. En complément, la coordination nationale d'accompagnement des étudiantes et étudiants (Cnaé) est un service d'écoute qui oriente et accompagne les étudiants. D'abord ciblé vers les étudiants en formation de santé, ce dispositif a été élargi à l'automne 2023 à l'ensemble de la communauté étudiante. Il est piloté par le ministère chargé de l'enseignement supérieur et mis en oeuvre par l'association « en avant toutes ». Son objectif est d'apporter une solution à tous les étudiants souffrant de mal-être ou victimes de violences. Plateforme d'écoute et d'orientation, la Cnaé offre aussi une aide pas à pas avec des professionnels pour signaler des situations pouvant relever d'une qualification pénale : discrimination, harcèlement, violences sexistes et sexuelles. En 2024, 2 306 appels ont été traités, et 30 signalements ont été effectués. Le numéro d'appel est le 0800 737 800 (gratuit et confidentiel). Enfin, des projets globaux, multi-acteurs, intégrés dans les territoires ont émergé sous l'impulsion d'acteurs locaux et de nouveaux services de santé, à l'instar du service de santé étudiante de l'université d'Avignon, et du centre de santé mentale de Lyon qui accueillera les premiers étudiants début 2025.
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