Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 03/10/2024
M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre du travail et de l'emploi sur l'accélération des faillites de très petites entreprises et les difficultés de rebond rencontrées par certains entrepreneurs.
Selon le dernier rapport de l'Observatoire de l'emploi des entrepreneurs de l'association Garantie sociale des chefs d'entreprise, l'effet conjugué de la fin du « quoi qu'il en coûte », de la hausse des taux d'intérêts et de la reprise des assignations de recouvrement de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) - après leur suspension entre 2020 et 2023 en raison du contexte extraordinaire du covid-19 - aurait entraîné une accélération de perte d'emploi de chefs d'entreprise en 2023 en Normandie. Ainsi, 1 981 chefs d'entreprises auraient perdu leur emploi, ce qui représenterait une hausse de 31,5 % par rapport à 2022 où ils étaient 1 506 dans cette situation. L'âge médian de ces chefs d'entreprise serait de 45 ans. Dans 80 % des cas, l'entreprise concernée serait une très petite entreprise (TPE) et les secteurs du commerce et de la construction seraient les plus touchés.
Ces commerces seraient souvent gérés par des structures familiales impliquées depuis des années dans l'animation économique locale. Ainsi, leur faillite affecterait directement le dynamisme économique des territoires et la vie des bourgs.
Il souhaite donc savoir si le Gouvernement envisage de mieux accompagner les entrepreneurs dans la formulation d'une offre locale en phase avec l'évolution des modes de consommation et dans la structuration d'un modèle financier adapté à la conjoncture économique actuelle.
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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 05/12/2024
Le Gouvernement est très attentif à la hausse des défaillances, qui a rattrapé au dernier trimestre 2023 son niveau de 2018, suite à une baisse exceptionnelle en 2021. Le nombre de défaillances tous secteurs confondus a progressé en 2023 (57 729, contre 42 514 en 2022), mais reste inférieur à sa moyenne prépandémique (59 342 entre 2010 et 2019). Ces données reflètent un mouvement de rattrapage concernant l'ensemble des secteurs de l'économie et toutes les tailles d'entreprises. Entre 2019 et 2021, les défaillances dans le secteur du commerce ont été divisées par deux, passant de 6 102 défaillances, à seulement 3 022. Cette baisse s'explique par le contexte de la crise sanitaire et les dispositifs de soutien mis en place par l'État, notamment les prêts garantis (PGE) : en effet, le secteur du commerce de détail est le premier bénéficiaire des PGE avec 34 Mds d'encours. Par la suite, entre 2021 et 2023, le nombre de défaillances dans le secteur du commerce a augmenté de 138 %, passant de 3 022 à 7 206. Cette augmentation correspond pour l'instant essentiellement à un phénomène de rattrapage. Enfin, la dynamique des défaillances cache des disparités entre secteurs : par exemple, les commerces alimentaires sont sur-représentés dans les défaillances. Le ratio défaillances/créations a légèrement augmenté entre 2019 et 2023, passant de 0,058 à 0,074. S'agissant plus particulièrement des chiffres du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), celui-ci a connu en 2023 plus de 14 000 entreprises défaillantes, correspondant à une augmentation de 40 % par rapport à 2022. Cette accélération récente s'explique par le mouvement de rattrapage des défaillances évitées dans l'ensemble de l'économie pendant les deux années antérieures. Ce constat est confirmé par la Banque de France : sur la période 2010-2019, le nombre d'entreprises défaillantes des secteurs de la construction et de l'immobilier atteignait en moyenne 16 670, soit un niveau supérieur à celui du nombre de défaillances en 2023. Par ailleurs, la construction est un secteur marqué par une structure très dispersée entre de multiples petites entreprises, ce qui explique un nombre important d'entreprises sortantes (et entrantes). Le secteur concentre à lui seul 24 % de toutes les faillites comptabilisées en 2023, soit environ la même part que pendant la période pré-crise (25 % en 2019). Les entreprises les plus touchées sont celles de gros uvre (4 140 défaillances) et de second uvre (6 850 défaillances), avec en première ligne la maçonnerie générale et les travaux d'installation électrique. Les entreprises font face à la fin des mesures de soutien à l'économie déployées dans le cadre de la crise sanitaire. En matière fiscale (sachant que l'impôt sur les revenus et l'impôt sur les sociétés sont payés en N+1), les services fiscaux ont pu établir des plans d'étalement du paiement des impôts. Ces plans sont d'une durée de 12, 24 ou 36 mois, calculée par l'administration fiscale en fonction de l'endettement fiscal et social de l'entreprise. Il convient également de prendre en compte les prêts garantis par l'État (PGE) qu il faut désormais rembourser et les taux d'intérêt qui ont augmenté depuis la fin des PGE. Les entreprises disposent de moins de capacité d'emprunt et les banques sont plus réticentes à octroyer des prêts. Concernant les particuliers, les banques sont également devenues plus strictes dans l'octroi des crédits. Pour lutter contre le surendettement, le Haut Conseil de Stabilité Financière interdit depuis 2022 aux banques d'octroyer des crédits si les mensualités de remboursement dépassent 35 % des revenus et limite, sauf exceptions, la durée des crédits à 25 ans. En conséquence, le nombre de prêts immobiliers accordés est en baisse de l'ordre de 39,3 % en 2023 (- 20,5 % en 2022). L'augmentation des taux d intérêt a également impacté le marché de l'ancien, avec une baisse de 40,1 % des prêts accordés, ce qui conduit à freiner les travaux d'envergure réalisés dans le cadre d une acquisition-rénovation. Le secteur du BTP bénéficiera dans les prochains mois de carnets de commandes encore à bon niveau, aux environs de 7 mois en moyenne à fin décembre 2023. La défaillance de certaines entreprises peut impacter leurs carnets de commande, dus à des annulations de projets par les promoteurs immobiliers. Au sujet des informations à disposition des dirigeants d'entreprises en difficulté, les sites publics tels que https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F22316, https://www.economie.gouv.fr/entreprises/difficultes ou encore https://www.economie.gouv.fr/entreprises/aides-entreprises-sortie-crise informent les entreprises sur les nombreuses solutions qui existent pour éviter la faillite, ou rebondir après qu'elle est survenue (par exemple : activité partielle, délais de paiement pour les dettes sociales et fiscales, médiation bancaire ou contractuelle, conseils et diagnostics divers (publics comme privés) pour mener sa restructuration). Ces sites sont en permanence mis à jour et enrichis de nouveaux contenus. Les chefs d'entreprises peuvent aussi déposer une demande pour échanger avec un conseiller de façon personnalisée via Conseillers-Entreprises, accessible également via le site Entreprendre.service-public. Suite au dépôt de sa demande, le chef d'entreprise est rappelé dans les cinq jours par un agent de l'organisme le plus à même de le conseiller selon sa difficulté, afin d'établir un diagnostic de la situation, et selon les difficultés identifiées, de demander par exemple une médiation du crédit, ou bien un report de paiement des cotisations sociales. Également, dans chaque département, un conseiller départemental aux entreprises en difficulté de la direction des finances publiques accueille et oriente les entreprises en situation de fragilité financière. Cet interlocuteur de confiance respecte un strict cadre de confidentialité, notamment au regard du secret des affaires et du secret fiscal. Il propose une solution adaptée et opérationnelle à chaque entreprise, en fonction de sa situation. Il peut notamment mobiliser les outils d'accompagnement financiers mis en place par l'État : un aménagement des dettes sociales (URSSAF) et fiscales, complété le cas échéant par un prêt direct de l'État en complément de financements bancaires. Il peut aussi s appuyer sur les services de la médiation du crédit de la Banque de France, de la médiation des entreprises, ou encore orienter les chefs d'entreprises vers les nouvelles procédures de sortie de crise mises en oeuvre par les tribunaux de commerce. En outre, les chambres des métiers et de l'artisanat (CMA), et les chambres de commerce et d'industrie (CCI), présentes sur tout le territoire, proposent soutien et accompagnement aux porteurs de projet, mais également aux dirigeants d'entreprises, dans la définition de leur offre ou l'élaboration de leur modèle financier. En effet, le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2023-2027 de CMA France positionne les CMA en soutien des porteurs de projets et des entreprises artisanales, à toutes les étapes de leur parcours. Elles apportent un appui et des conseils pratiques aux entreprises artisanales, de la création à la cessation d'activité, en passant par la transmission et la reprise. Cet accompagnement se décline en plusieurs actions clés, notamment le suivi ciblé des entreprises artisanales, en particulier celles en croissance, en difficulté, ou exportatrices, par des conseillers CMA. S'agissant de CCI France, le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2023-2027 prévoit, entre autres, un accompagnement individuel des porteurs de projet afin de rendre viables et soutenables leurs projets, mais également des actions pour l'accompagnement au développement des entreprises. En complément, afin de faciliter le rebond, la direction générale des entreprises (DGE) soutient le groupement d'intérêt associatif Portail du Rebond, qui coordonne l'action d'associations assistant les entrepreneurs pendant ou après avoir connu des difficultés. L'accueil du site https://portaildurebond.eu/ propose un robot conversationnel qui, selon la situation du dirigeant, va l'orienter vers l'association la mieux à même de l'accompagner. Les services de la DGE font preuve d'une grande vigilance et restent fortement mobilisés sur ces sujets.
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