Question de M. BROSSAT Ian (Paris - CRCE-K) publiée le 03/10/2024
M. Ian Brossat attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau, sur les mesures gouvernementales face à la hausse préoccupante des agressions à caractère homophobe.
Depuis le début de l'année 2024, nous assistons à une recrudescence inquiétante d'actes de haine visant les personnes LGBT+. Le 6 septembre 2024, un couple a été violemment agressé près du Canal Saint-Martin, dans le Xe arrondissement de Paris, en raison de leur orientation sexuelle. Plus récemment, le 21 septembre 2024, Paul, un jeune homme de 17 ans, a été victime d'une agression homophobe à Mazamet, dans le Tarn, après avoir révélé son homosexualité. Ces incidents reflètent une augmentation alarmante des violences anti-LGBT+ en France, justifiant des mesures urgentes pour garantir la sécurité des personnes LGBT+.
À Paris, la préfecture de police a signalé une hausse de 15% des violences anti-LGBT au premier semestre 2024, soit un taux trois fois supérieur à la moyenne nationale. En 2023, 4560 infractions ont été recensées par les services de police et de gendarmerie, bien que ce chiffre soit probablement sous-estimé en raison des nombreuses atteintes non signalées. Dans ce contexte particulièrement tendu, il est indispensable de renforcer l'accompagnement des victimes lors du dépôt de plainte afin de garantir la prise en compte explicite du caractère homophobe des agressions.
Depuis 2019, la préfecture de police de Paris dispose d'un officier de liaison LGBT+ formé pour accompagner et prendre en charge les victimes, mais cette initiative n'est pas déployée uniformément sur tout le territoire. Pourtant, le plan de lutte contre les violences LGBTphobes, présenté en Conseil des ministres le 26 novembre 2018, prévoyait la désignation de référents LGBT+ dans chaque commissariat et brigade de gendarmerie en France. Il semble désormais urgent de généraliser cette mesure afin d'assurer un accompagnement adéquat à toutes les victimes d'agressions LGBTphobes.
Face à la multiplication des violences et à la banalisation des discours homophobes, il demande donc quelles actions concrètes le Gouvernement entend entreprendre pour lutter contre ces dérives. Il l'interroge également sur les initiatives envisagées pour améliorer le dépôt et la prise en compte des plaintes pour agressions anti-LGBT, ainsi que sur les mesures visant à garantir la présence de référents formés aux questions LGBT+ dans tous les commissariats et brigades de gendarmerie du pays.
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Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 03/04/2025
Le ministre de l'intérieur a fait de l'accueil dans les commissariats et dans les gendarmeries une priorité. Il s'agit d'une mission fondamentale du service public de la sécurité, tout particulièrement à l'égard des victimes, mais plus largement de l'ensemble du public. Il en va de la qualité du lien de confiance entre la population et les forces de l'ordre et, au-delà, entre la population et les institutions publiques. La police nationale, dotée de longue date d'une délégation aux victimes, désormais rattachée à la direction nationale de la police judiciaire, a engagé depuis plusieurs années une démarche de professionnalisation de la mission d'accueil, avec en particulier la désignation de « référents accueil » dans les commissariats. Spécialement formés, ils sont chargés d'optimiser l'organisation de l'accueil du public. Plus de 500 référents accueil sont ainsi à l'oeuvre dans les services déconcentrés de la direction générale de la police nationale et plus de 120 dans les services de la préfecture de police. Depuis 2024, chaque département dispose d'une délégation d'aide aux victimes et toutes les circonscriptions de police disposent d'un correspondant « aide aux victimes ». La police nationale s'est en outre dotée en juillet 2023 d'un logiciel « accueil » pour améliorer l'organisation et la gestion de l'accueil des usagers dans les commissariats. Depuis mai 2024, la gendarmerie nationale a officiellement lancé le parcours victimes/usagers sur tout le territoire. L'ambition de ce parcours est de renforcer encore l'offre de service en matière d'accueil, de prise en compte et d'accompagnement de l'ensemble des usagers. Cette ambition se traduit par une formation des personnels via un enseignement à distance « sens de l'usager » qui propose des supports pédagogiques et des capsules vidéo pour développer les connaissances des gendarmes (communication, prise en charge d'une victime de violences, etc.) mais également par des outils concrets visant à améliorer l'accueil des usagers en brigades (dépliants, etc.). Par ailleurs, les usagers de l'accueil en commissariat et en brigade sont invités à donner leur avis à l'aide d'un questionnaire accessible par code QR. Il convient également de souligner que les inspections générales de la gendarmerie et de la police nationales mènent des missions d'évaluation de l'accueil des plaignants dans les commissariats et brigades, dans le cadre de contrôles inopinés et anonymes. Les résultats des questionnaires « Je donne mon avis » sont notamment intégrés aux maquettes de performance (PAP/RAP). La police et la gendarmerie nationales sont en outre engagées dans le programme interministériel « Services publics + » visant à améliorer la relation avec les usagers. Ainsi, dans une démarche de redevabilité, policiers et gendarmes améliorent l'accueil sur la base de l'identification des besoins des usagers. Plus spécifiquement, plusieurs dispositifs permettent de garantir un accueil adapté aux personnes LGBT. Au cours des dernières années, les plans nationaux successifs de mobilisation contre les discriminations anti-LGBT ont, en particulier, conduit la police et la gendarmerie nationales à adopter diverses mesures pour améliorer la prise en charge des personnes LGBT : accueillir la personne trans en fonction du genre selon lequel elle se définit, proposer la présence d'une personne de confiance pour les dépôts de plainte, possibilité pour les mis en cause d'être palpés ou fouillés par un agent du genre auquel la personne s'identifie, etc. Ces directives se traduisent par une réglementation adaptée. Ainsi, une instruction du 1er juin 2021 de la direction nationale de la sécurité publique - à la tête du réseau des commissariats, hors zone de compétence de la préfecture de police - souligne l'attention qui doit être portée à la prise en compte des personnes trans lors de leur accueil ou lorsqu'elles sont soumises à une mesure privative de liberté. Par ailleurs, en application du plan national d'actions pour l'égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2020-2023, les près de 700 référents départementaux et locaux « aide aux victimes » des services déconcentrés de la direction générale de la police nationale ont été désignés, depuis 2021, « référents LGBT ». Ces référents LGBT sont chargés, notamment, de développer le partenariat avec les associations LGBT, et sont les contacts privilégiés des victimes. La police nationale poursuit son engagement en la matière dans le cadre du plan national d'actions pour l'égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ (2023-2026). La direction générale de la gendarmerie nationale a élaboré et diffusé la note-express n° 17500 du 17 mai 2021 relative à la prise en charge des personnes victimes d'infractions pénales commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre. Cette directive est adaptée à l'accompagnement des personnes LGBT victimes. Sa mise en oeuvre s'appuie notamment sur le réseau « Égalité - Diversité », créé en 2016, qui compte plus de 650 référents et se compose d'un référent national (RNED) secondé par un suppléant, de coordonnateurs égalité et diversité (CED) dans chaque région et formation administrative et de référents égalité et diversité de proximité (RED) jusqu'au niveau des compagnies et unités assimilées, dans les gendarmeries spécialisées, les écoles et les formations administratives. Plus globalement, la gendarmerie a déployé un réseau dédié à la prévention des infractions discriminatoires qui s'appuie sur ses référents territoriaux « racisme, antisémitisme et discriminations » (officiers adjoints police judiciaire) et les référents "lutte contre les crimes de haine" mis en place dans chaque département et collectivité d'outre-mer. Volontaires, formés en présentiel avec l'appui d'intervenants extérieurs, ils ont pour mission de former en présentiel 100% des gendarmes de brigade territoriale ou spécialisés, en particulier à la prise en compte des victimes d'actes anti-LGBT, d'appuyer les enquêteurs dans la conduite des investigations particulières, de soutenir le commandement dans le cadre de la participation aux comités opérationnels racisme, antisémitisme et lutte contre l'homophobie (CORAH). Les discriminations constituent également un sujet prioritaire de la doctrine d'engagement des 101 maisons de protection des familles (MPF) de la gendarmerie, réparties sur l'ensemble du territoire national. Une application, Néo Haine, est par ailleurs accessible aux deux forces, spécifiquement pour les crimes et délits de haine fondés sur la supposée race, l'ethnie, la religion, la nation, le sexe, l'orientation sexuelle, l'identité de genre et le handicap. Cette application permet aux enquêteurs policiers et gendarmes d'avoir immédiatement accès au réseau départemental des formateurs-relais de lutte contre les crimes de haine de la gendarmerie ainsi qu'au réseau des associations de leur département, permettant si besoin d'orienter rapidement une victime vers une association. La formation des policiers et gendarmes constitue un enjeu central. Ils sont tous formés, dans le cadre de leur formation initiale, à la lutte contre les discriminations fondées sur les orientations sexuelles et aux violences contre les personnes LGBT. Cette politique de formation inclut, bien entendu, les enjeux de l'accueil de victimes ou de mis en cause LGBT. Des formations continues permettent d'approfondir la compréhension des enjeux en la matière. Le portail de la documentation professionnelle des policiers (site intranet de l'académie de police) propose de longue date un guide de lutte contre les discriminations et le harcèlement, complété depuis 2024 par un nouveau et spécifique guide de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT +. Les écoles de police ont un partenariat avec l'association FLAG ! , qui s'attache notamment à la bonne prise en charge des victimes dans les commissariats -, qui intervient devant les élèves gardiens de la paix et les élèves policiers adjoints. Elle mène également des actions de sensibilisation au bénéfice des élèves de l'École nationale supérieure de la police. L'association FLAG ! mène en outre des actions de sensibilisation dans les circonscriptions de police. Ce partenariat avec FLAG ! a également permis l'élaboration d'une mallette pédagogique destinée aux référents départementaux LGBT. La formation des gendarmes s'inscrit également dans une démarche partenariale forte : interventions en école de gendarmerie ou à l'académie militaire de la gendarmerie nationale (AMGN) d'associations (SOS homophobie et L'Autre Cercle) et de partenaires institutionnels, tels que la DILCRAH, qui pilote les formations PILCRAH associant PN/GN/Magistrature. La formation des officiers de la gendarmerie au sein de l'académie militaire de la gendarmerie nationale (AMGN) comprend 60 heures d'éthique et déontologie, dont 18 heures liées spécifiquement à la thématique des discriminations, qui s'articulent en deux grandes phases. Une première phase théorique traite de la préservation de la dignité humaine, des analyses sur les comportements déviants et problématiques pour l'institution, et la connaissance des grandes associations et entités administratives partenaires (CGLPL, défenseur des droits) traitant de ces sujets. Durant la seconde phase, la formation est complétée par des intervenants extérieurs qualifiés sous un format de conférence/échanges avec les élèves (DILCRAH, etc.), deux interventions de l'IGGN, et une intervention de la référente nationale « Égalité - Diversité ». En école de gendarmerie, sont dispensés plusieurs cours de déontologie relatifs à la lutte contre les discriminations, le harcèlement moral et le respect exigé pour les personnes (charte de l'accueil, accueil physique et téléphonique). La prise en charge des personnes victimes d'infractions pénales commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, est détaillée par les formateurs. Un volume horaire de 20 heures est consacré à cette thématique et réparti sur plusieurs cours, dont 4 heures avec des intervenants qualifiés (DILCRAH, etc.) et une séance par des formateurs qualifiés « référents égalité et diversité ». Enfin, la plateforme de documentation professionnelle des gendarmes dispose de nombreux documents sur l'accès aux droits des personnes LGBT et la lutte contre la haine (infographies sur l'accueil en brigade des personnes LGBT, guide des crimes et délits haineux, guide de l'audition des victimes de crimes de haine, etc.). La direction générale de la gendarmerie nationale, en collaboration avec la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), a mis à la disposition de toutes ses unités un guide de l'enquêteur traitant de la discrimination et des infractions à caractère raciste, antisémite et commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre de la victime. Plusieurs plateformes et téléservices sont en outre à la disposition des victimes LGBT, et leur permettent d'échanger avec des policiers ou gendarmes. Par exemple, la plate-forme numérique de signalement des atteintes aux personnes et d'accompagnement des victimes (PNAV), disponible notamment sur l'application M@sécurité.fr, est à la disposition des victimes de discriminations et de toute forme de haine. Par ailleurs, la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) de l'office anti-cybercriminalité de la direction nationale de la police judiciaire permet également de signaler des contenus haineux, y compris pour des motifs liés à l'orientation sexuelle ou au genre. Enfin, quiconque serait victime ou témoin d'un comportement inapproprié d'un agent de la police nationale peut également signaler ces faits en ligne, sur la plateforme de signalement de l'inspection générale de la police nationale. Sur le plan interne à l'administration, la police nationale - à l'instar de l'ensemble des services du ministère - mène également une politique active de prévention des discriminations : séminaires, campagnes d'affichage, partenariats associatifs, actions de communication, politique RH, etc. La police nationale dispose d'un réseau de plus de 400 RED sur l'ensemble du territoire, qui relaient auprès des agents la politique d'égalité professionnelle et de diversité. Au sein de la gendarmerie nationale, les coordonnateurs égalité et diversité effectuent des actions de formation et de sensibilisation auprès de membres formés qui jouent un rôle de « capteurs ». Lorsqu'ils sont sollicités par des agents en difficulté, ils ont pour mission de les informer et de les orienter vers le bon interlocuteur. Ils réalisent également un accompagnement de proximité. Leur action s'inscrit en complémentarité de celle de l'observatoire de la gendarmerie pour l'égalité et la diversité (OGED), rattaché à l'inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) et chargé d'analyser, évaluer et valoriser la politique RH en matière d'égalité professionnelle, de diversité, de lutte contre les discriminations, le harcèlement et les violences, et de proposer les évolutions nécessaires. Par ailleurs, chaque force dispose de sa propre plateforme interne pour permettre à ses agents d'effectuer un signalement en cas de discrimination : SIGNAL-DISCRI (PN) et STOP-DISCRI (GN). La politique d'accueil des victimes, en particulier des victimes LGBT, continue à se professionnaliser et à se renforcer avec plusieurs évolutions prévues : panneaux d'information des usagers devant les commissariats, bornes d'accueil numérique, plainte en ligne depuis le 15 octobre 2024, etc. Enfin, il paraît important de rappeler qu'AFNOR Certification (Association française de normalisation) a renouvelé en 2023 au ministère de l'intérieur les labels « égalité professionnelle » et « diversité ».
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