Question de Mme HERZOG Christine (Moselle - UC-R) publiée le 10/10/2024
Mme Christine Herzog attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la recherche de l'identité des squatteurs, nécessaire au lancement de la procédure judiciaire d'expulsion de ces derniers.
Elle lui demande les moyens et les modalités dont le propriétaire, l'huissier de justice et les forces de l'ordre disposent pour obtenir l'identité des occupants sans droits ni titres, lorsque ces derniers ne souhaitent ni ouvrir la porte du logement occupé, ni décliner leurs identités.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/04/2025
L'expulsion des occupants illégaux d'un logement a été facilitée par diverses évolutions législatives depuis la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. La loi n° 2015-714 du 24 juin 2015, tendant à préciser l'infraction de violation de domicile, a dissocié d'une part l'introduction dans le domicile d'autrui, qui suppose l'existence de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, et d'autre part le maintien dans ce même domicile qui n'exige pas de tels comportements. Cette modification a permis de lever les ambiguïtés qui pouvaient exister concernant l'infraction de maintien dans les lieux et il est désormais acquis, sans équivoque, que la violation de domicile est une infraction continue. Il est ainsi possible d'agir dans le cadre d'une enquête de flagrance tant que dure l'occupation illicite. Ainsi tant que la personne se maintient dans les lieux, les services de police ou de gendarmerie peuvent diligenter une enquête en flagrance sans qu'il soit besoin de prouver que ce maintien est également le fait de « manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». Fondé sur l'urgence, le cadre juridique de l'enquête de flagrance prévue aux articles 53 et suivants du code de procédure pénale autorise une administration coercitive de la preuve d'un crime ou d'un délit « qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre ». L'officier de police judiciaire, agissant sous l'autorité du procureur de la République, peut donc exercer pendant une durée de huit jours, à des fins probatoires, les pouvoirs coercitifs applicables et notamment les opérations d'interpellation et d'identification des individus qui occupent illégalement le domicile. L'article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO, prévoit une mesure administrative d'évacuation forcée permettant de rétablir le propriétaire dans ses droits. La loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite a, notamment, étendu la constatation de l'occupation illicite, préalablement réservée aux officiers de police judiciaire, aux maires et commissaires de justice dans le cadre de cette procédure. A cet égard, si le procès-verbal réalisé dans le cadre d'une enquête de flagrance mentionnant le cas échéant l'identité des occupants ou le constat d'occupation illicite réalisé dans le cadre de la procédure d'expulsion administrative qui sont réalisés par un officier de police judiciaire relèvent du secret de l'enquête et de l'instruction prévu à l'article 11 du code de procédure pénale, le propriétaire peut demander la délivrance d'une copie en application des dispositions de l'article R. 170 du code de procédure pénale et obtenir par ce biais l'identité du ou des occupants. Le propriétaire ou le locataire d'un local à usage d'habitation squatté peut également saisir le juge des contentieux de la protection aux fins d'obtenir une décision d'expulsion des personnes occupant illégitimement son bien ou son logement. Lorsque l'identité des squatteurs est connue, le propriétaire des lieux peut saisir le juge en référé aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre. La procédure de référé est une procédure rapide réservée aux situations d'urgence (article 834 du code de procédure civile) qui est adaptée à l'occupation du logement d'une personne par des squatteurs. Elle peut être très rapide si le propriétaire des lieux demande au juge l'autorisation d'assigner à jour fixe, ce jour pouvant être un jour férié ou chômé (article 485 alinéa 2 du code de procédure civile). Le propriétaire ou le locataire doit assigner au moins un des occupants. Si l'identité des occupants n'est pas connue, le propriétaire ou le locataire doit saisir le président du tribunal judiciaire d'une requête aux fins d'autoriser un commissaire de justice à relever l'identité d'au moins un occupant, au besoin en pénétrant dans les lieux avec l'assistance d'un serrurier. Cette procédure d'ordonnance sur requête, qui est non-contradictoire, est très rapide. S'il est fait droit à la demande, le juge ordonne l'expulsion d'au moins un occupant dénommé et de tous autres occupants de son chef. Pour les personnes sans garanties de représentation, ne pouvant par exemple présenter de pièce d'identité, on admet en pratique une identité déclarative / verbale, donnée par les intéressés eux-mêmes ou par un tiers comme un voisin (X se disant ). Le propriétaire peut également, en application de l'article 493 du code de procédure civile, présenter une requête au juge afin qu'il ordonne directement l'expulsion des occupants dont l'identité n'est pas connue. Les squatteurs ne sont pas avisés de cette demande. Le juge statue généralement dans un délai court, voire très court si les circonstances particulières de l'affaire le justifient comme, par exemple, l'occupation du logement d'une personne par des squatteurs. L'ordonnance du juge est exécutoire sur simple présentation de la minute (article 495 du code de procédure civile). En conséquence, en pratique, l'huissier de justice chargé de l'expulsion notifie aux squatteurs l'ordonnance ordonnant leur expulsion en même temps qu'il réalise les opérations d'expulsion. La contestation de cette ordonnance par les occupants des lieux ne suspend pas son exécution, qui peut donc être très rapide. L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des décisions de justice : le refus, tacite ou exprès, d'octroi du concours de la force publique engage la responsabilité de l'Etat, qui peut être condamné à indemniser le propriétaire (article L.153-1 du code des procédures civiles d'exécution). L'ensemble de ces dispositifs permet de répondre efficacement à la problématique des propriétaires victimes de l'occupation illicite de leur logement, à laquelle le Gouvernement est particulièrement attentif, quand bien même les occupants sans droits ni titres refusent l'accès au logement et ne déclinent pas leur identité. Afin d'assurer la pleine efficacité de ces dispositions, le ministre de l'intérieur, le ministre de la justice et le ministre délégué chargé du logement ont publié deux circulaires relatives à la réforme de la procédure administrative d'évacuation forcée en cas de « squat » les 22 janvier 2021 et 2 mai 2024. Le ministère de la justice a également publié le 23 novembre 2023 une circulaire de présentation des dispositions de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite qui appelle les procureurs de la République à mettre en oeuvre une politique pénale dynamique et empreinte de fermeté en matière de lutte contre les squats.
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